Marche Zapatiste: Acte 2

San Cristobal de Las Casas - Juchitan

«C"est une raison suffisante pour faire la révolution dans mon pays, ce n"est pas possible que le gouvernement maintienne ces peuples dans un tel oubli». Ce commentaire, c'est un journaliste étasunien qui l'a émis, dans une camionette, alors qu'un convoi de manifestants quittaient la communauté zapatiste de La Garrucha pour participer à la marche pour la dignité indigène à San Cristobal de las Casas, ce samedi 24 février.

Maintenant le calme est un peu revenu au Chiapas. Les dizaines de taxis d'Ocosingo qui avaient accompagné les précieux convois de manifestants, ont repris le train-train quotidien. Les centaines d'indigènes, au bord de la route, qui criaient leur soutien aux 24 délégués de l'EZLN, sont retournés à leur besogne quotidienne. Et la majorité des 20.000 manifestants de ce samedi ont repris le chemin de los Altos ou de la Selva Lacandona pour reprendre...leur résistance pacifique face au militaires et à un gouvernement qui prétend vouloir la paix.

La caravane, elle, est déjà loin maintenant, elle a quitté les terres du Chiapas pour arriver dans l'Etat de Oaxaca.
Hier, avant d'arriver dans l'Etat voisin, les 24 délégués de la Commandancia Zapatista sont passés brièvement par la capitale chiapanèque, Tutxla Gutierrez.
Aux abords de la ciudad, le long de la voie asphaltée, des centaines de personnes ont exprimé leur soutien au passage de la caravane. Mais ces supporters étaien bien peu nombreux par rapport aux 10.000 personnes qui ont accueilli la délégation sur la place centrale de Tutxla Gutierrez.
C'est à 11h que Marcos a pris la parole en improvisant un discours où il fustigea entre autres le maire de la ville qui avait essayé d'empêcher le passage de la caravane en utilisant comme prétexte que devait se dérouler, à la même heure, au même endroit, un festival pour les enfants.
Au milieu des cris et des rires, el "Supe", comme on l'appelle souvent, s'en est pris aussi aux leaders du monde patronal, opposés aux Zapatistes, qui "n'ont pas le coefficient intellectuel" pour ouvrir le dialogue de la paix.
Avant de passer la parole aux autres membres de la délégation qui ont rappelé la signification de la marche, le Subcommandante a aussi tenu à apporter son soutien aux professeurs de la section 22 du Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación qui, depuis 1979, mène ardemment une lutte pour démocratiser leur syndicat et améliorer leur statut.(1)
Avant de reprendre le chemin et comme cela se fait régulièrement dans les meetings à Tutxla Gutierrrez, la foule a commencé à entonner l'hymne chiapanèque directement suivi, chose inhabituelle, de l'hymne zapatiste.

Le convoi, composé de 2.000 personnes de la société civile nationale et internationale, s'est alors dirigé vers l'Etat de Oaxaca.
Autre entité, même situatio! C'est d'ailleurs bien ce qui caractérise le voyage de la délégation zapatiste. Elle traverse les zones où il y a la plus forte densité de population indigène. Tant le Chiapas que l'Etat de Oaxaca, ou encore celui de Puebla sont caractérisés par une grande richesse en ressources naturelles, une domination toujours marquante des caciques, une pauvreté généralisée, un exode assez importantvers la ville ou vers le nord, une forte militarisation des zones rurales et une violation constante des droits de l'homme.

Ces régions sont, entre autres, la cible des projets économiques du nouveau président mexicain qui veut "fermer la brèche qui existe entre le nord et le sud" du pays en intégrant, dans le cadre de son "Plan Puebla-Panama", les habitants de la région à la "modernisation" et à la "globalisation économique". Ce plan cherchera aussi à installer des couloirs industriels où pourront prospérer les entreprise maquiladoras. C'est aussi dans les Etats visés par le dit plan que l'on comptabilise le plus de conflits sociaux et la présence de groupes armés, comme l'EPR dans l'Etat de Oaxaca et du Guerrero.
Les Zapatistes ne sont donc pas arrivés en terres inconnues puisque 3/4 de la population de l'Etat de Oaxaca vit dans une extrême pauvreté. Et ils ont été accueillis "comme des rois".
D'abord à La Ventosa par un millier de personne à qui Marcos a déclaré: "l'Istmo de Tehuantepec n'est pas à vendre!". En fait, cette région est la partie la plus étroite du territoire et a été, durant des années, vu comme une alternative géopolitique au Canal de Panama, par les Etasuniens. Aujourd'hui, plus que jamais, ce territoire indigène est dans la ligne de mire des transnationales qui veulent s'approprier le pétrole et la biodiversité de la région. D'où l'importance de la proposition de réforme constitutionnelle de la Commission de Concorde et de Pacification (COCOPA) que la prestigieuse délégation zapatiste va soutenir devant les élus fédéraux de la république. Cette proposition de loi accorde, en effet, aux populations indigènes le droit d'user et de jouir des ressources naturelles de leurs terres et territoires.

La journée s'est terminée à Juchitan de Zaragoza où la délégation s'est vue souhaiter la bienvenue par 15.000 indigènes qui l'ont accompagnée jusqu'à la plaza central où un gigantesque meeting multilingue a été organisé. Zapotecos, Huaves, Chinantecos, Zoques, Mixes Chontales et Mazatecos se sont tous exprimés dans leur langue. "Le faux Dieu Argent veut nous ôter notre langue parce qu'il sait que, sans elle, nous ne serions déjà plus ce que nous sommes, et ils pourraient alors nous prendre tout", a déclaré Marcos à la tribune. Quant au maire zapotèque de la localité, il a notamment dit concernant le président: "Qu'il nous montre son vrai visage, celui de l'associé des grandes entreprises et celui du laquais du gouvernement des Etats-Unis. il a aussi insiter pour que ne soit plus reconnu la dette externe du pays et que l'argent soit destiné aux peuples indigènes. Et, pour finir, la Commandanta Zapatista Esther s'est adressée aux femmes en leur disant:"Nous, les femmes, nous sommes triplement exploitées. Parce que nous sommes indigènes, et du fait que nous ne parlions que tzeltal, nous sommes méprisées. Parce que nous sommes des femmes, ils nous disent que nous ne savons pas parler, ils nous disent que nous sommes stupides et que nous ne savons pas penser. Parce que nous sommes pauvres, parce que nous n'avons pas une alimentation ni une maison digne, parce que nous n'avons pas d'éducation ou une bonne santé. Beaucoup d'enfants meurent dans les bras de leur mère pour des maladies curables..."





(1) Interview audio d'un de ses professeurs sur Indymedia-Chiapas.

Pour plus d'informations (en espagnol):
Sitio oficial de la salida del E.Z.L.N. a la Ciudad de México
ou Indymedia-Chiapas (avec notamment une vidéo sur cette journée)