Après des semaines de collaboration intense pour réussir le succès de la manif, certains ont tendance à oublier qu'il existe deux plate-formes qui gardent chacune leur propre vision sur la lutte contre la guerre. L'incident D'Orazio n'a fait que le rappeler. Il faut dire d'abord que les deux fronts organisateurs s'étaient mis d'accord pour fournir trois orateurs chacun, qui présenteraient correctement les positions de leur plate-forme. Pour STOP USA nous avions désigné Ahmed Azzuz de l'AEL (qui s'est malheureusement présenté trop tard au podium), Zohra Othman du PTB et Roberto D'Orazio. D'Orazio n'a rien dit qui serait en opposition avec la plate-forme de STOP USA. Au contraire, il a mis en avant deux point essentiels soulignés par STOP USA: le soutien à la résistance du peuple irakien et le droit de l'état irakien d'avoir un armement, comme tout autre pays souverain dans le monde. Ainsi, il a bien souligné qu'il existe deux visions concernant la lutte pour la paix. Voici l'essentiel de ce que D'Orazio a dit “Je me pose souvent la question au nom de qui est-ce qu'on peut demander à un peuple de se désarmer alors qu'il y en a qui débarquent une armada militaire à ses frontières. Je ne comprends pas pourquoi il y a certains pays qui peuvent avoir des bombes atomiques partout et d'autres qui doivent etre désarmés. Je suis un des premiers à etre pour la paix, mais il y a déjà une guerre qu'on mène depuis des années contre ce peuple, c'est l'embargo économique. C'est vrai que cette manifestation est une manif pour la paix, mais elle est aussi une manif contre la guerre sous toutes les formes que ce soit, car l'embargo économique tue autant de gens. Je ne pense pas que c'est l'armée irakienne qui a des bases partout en Afrique et dans le monde entier pour exploiter les richesses de ces gens. Alors si c'est vrai qu'il faut désarmer pour la paix, il faut commencer par ceux qui en ont le plus et qui menacent les autres.” Les protestations contre le discours de D'Orazio montrent pourquoi il y a deux fronts. La différence entre les deux fronts est souvent et à tort présenté comme une divergence “pour ou contre Saddam”. Mais D'Orazio n'a pas dit un mot sur un soutien à Saddam. Pourtant, les protestations n'étaient pas moins virulentes. Il a parlé contre toute forme d'ingérence. Il s'est opposé à juste titre contre toutes les formes d'ingérence que le gouvernement belge présente comme “alternatives à la guerre”, mais qui ont toutes comme finalité de mettre l'Irak à genoux : des inspections renforcées, l'embargo ou – dernière trouvaille de Louis Michel – levée de l'embargo avec remplacement par un régime d'occupation de l'ONU qui dirige le désarmement et la mise en place d'une “démocratie occidentale”. Nous touchons ici au débat fondamental: pour ou contre l'ingérence impérialiste dans les affaires intérieures d'un pays souverain. Dans ce contexte, les contradictions entre l'administration Bush et les trois “rebelles” européens sont des divergences tactiques entre impérialistes. « Sur le fond nous sommes tous d'accord », a expliqué Verhofstadt à ses interlocuteurs américains. Pour STOP USA l'alternative à une occupation par les “berets verts” n'est pas une occupation par les “berets bleus”. La paix par non ingérence dans les affaires internes de l'Irak n'est pas la meme chose que la paix imposée par une force d'occupation. D'Orazio a eu parfaitement raison de critiquer l'hypocrisie gouvernementale qui soutient depuis douze ans l'embargo et qui tue autant de gens que les bombes américaines. Le gouvernement belge ne mérite pas la médaille de résistant qu'il s'attribue lui-meme et avec laquelle les partis gouvernementaux sont venus parader à la manifestation. Dans une manifestation où la récupération politique par les partis gouvernementaux était évidente, le discours de D'Orazio venait à point. Il a d'ailleurs été fort apprécié par les présents. Jo Cottenier Coordinateur STOP USA