15.000 à Liège : Non à la guerre et à une Europe du fric 15.000 manifestants, aujourd’hui, se sont retrouvés pour la première euromanif syndicale. Deux grands sujets préoccupaient la majorité des participants : l’Europe de plus en plus antisociale et le danger de guerre suite aux attentats aux Etats-Unis. Reportage de David Pestieau, Johnny Coopmans et Georges Laforêt Pour beaucoup de participants, la contradiction entre l’espérance d’une Europe sociale et la réalité d’uen Europe du fric se fait de plus en plus criante. « Non à l’Europe asociale : travailleurs de tous les pays, unissez-vous » proclame le calicot remarqué de la CGSP-Limbourg qui mentionne notamment les licenciements à la Poste et Philips. « L’Europe socaile= Epreuve de force » dénonce les Jeunes-CSC ajoutant « J’ai écofaim » faisant référence au sommet Ecofin qui se déroulera demain à Liège. “Nous sommes tout petits face à cette Europe des capitalistes » nous disent des métallos des Hauts-Sarts, Herstal. « Les privatisations de l’Europe, c’est toujours mauvais car cela amène des licenciements. » Un syndicaliste de Volvo-St-Trond est furieux : « Les restructurations se succèdent. Chez nous, nous avons eu 73 prépensions, ils jettent des gens à la rue qui ont 25 ans ou 28 ans de travail. Puis ils reprennent des ouvriers intérimaires. » Un étudiant qui porte une pancarte « le monde n’est pas à vendre » nous dit : « Je suis contre l’Europe marchande, c’est le règne du fric. Je veux quelque chose de plus humain. Et puis, il y a la manipulation des médias.qui nous vendent une certaine idée fausse de l’Europe » Une délégué CNE de l’alimentation, elle, raconte : « il s’agit aujourd’hui d ‘une Europe purement économique qui apporte uniquement fermetures et délocalisations. » Une affiliée de la CSC-Forem, elle, s’insurge : « L’homme n’est pas une machine à argent. Il faut remettre l’homme au centre des préoccupations. Il n’y a pas de volonté politique de faire une Europe sociale. La seule solution, c’est de recréer une solidarité forte » L’Europe actuelle : harmonisation vers le bas Ce qui inquiète certains, c’est qu’au niveau social, en Europe, on va vers une harmonisation des acquis vers le bas. Serge Luchet, délégué principal de la FGTB-Liège, le dit clairement : « Nous manifestons pour une Europe plus sociale, contre les privatisations et le démantèlement des services publics. Mais aussi contre les fusions et les concentrations en sidérurgie qui cassent l’emploi. Il faut une harmonisation des acquis positifs et pas négatifs. » Jean Pépin, syndicaliste de la CGSP-ville de Liège, pointe, lui, les responsabilités : « L’Europe devrait être sociale mais elle n’est que l’Europe de l’argent. Les gros financiers décident de tout. Mais les syndicats ont une lourdre responsabilité dans l’histoire de la construction de l’Europe tel qu’elle est. Pour que ça change, c’est encore le mouvement ouvrier qui sera déterminant ! » Ces nombreuses réactions ne se seront sans doute pas retrouvés dans les discours des dirigeants syndicaux qui appelent à une Europe sociale en demandant l’application de la loi Renault (qui oblige soi-disant les patrons à négocier les restructurations sans les remettre en cause). Et non plus dans la demande de revendiquer la nomination d’un commissaire européen aux restructurations chargé de compenser le poids « excessif » du commissaire à la concurrence. On voit mal comment la cogestion des restructurations va améliorer le sort des travailleurs, et encore moins les arrêter ce que demande ceux qui s’opposent à la mondialisation actuelle. Une lutte internationale mais comment… Les syndicalistes aspirent à une lutte plus internationale face aux conséquences de la mondialisation capitaliste. Mais beaucoup s’interrogent sur la voie suivie. Michel Olynyk, délégué principal CSC-Cockerill Liège, dénonce : « Les conséquences de l’Europe, je les vis tous les jours. Nous sommes confrontés aux différentes manières de travailler entre syndicats : les Allemands sont pour la cogestion et la CGT en France c’est tout le contraire. Il faut définir une ligne commune mais il faut aussi avoir les moyens d’une lutte internationale. Mais pour l’Europe, ce n’est pas clair ce que le mouvement syndical veut. » Antonio Bravo, délégué principal Debeur CMB à Bruxelles, ajoute : « Pour avoir une Europe sociale, on est bloqué à tous les niveaux. La manif d’aujourd’hui est un début de se solidariser de tout le mouvement syndical européen. Cela montre qu’à côté de l’Europe de la finance existe aussi le monde du travail. Il faut une légilsation sociale qui unifie vers le haut les acquis sociaux. Aujourd’hui aussi nous ne sommes pas dans une démocratie pour les travailleurs. » De grosses délégations internationales sont d’ailleurs là particulièrement de France et d’Allemagne. Les syndicats de transports européens sont venus à 2000 mais aussi les syndicats des services publics. Ce n’est pas un hasard : la privatisation organisé par la Commission européenne frappe fort. Simon Bernard, agent communal de la CGT a fait le chemin depuis Metz : « Je viens manifester contre la privatisation des services publics. Un service public ne doit pas faire du bénéfice. Mais si un privé fait du bénéfice, c’est sans aucun doute au détriment du service !» Claude Debons, secrétaire général de la CFDT- secteur transports en France : « Nous nous inquiétons pour l’ouverture du marché public à la concurrence, tous les services publics sont déstabilisés et en plus le statut du personnel. Le droit au transport pour tous est menacé, la qualité du service public est en danger. Seul un service public est en mesure de donner l’égalité au transport. » Attentats aux Etats-Unis : danger de guerre ! Les attentats aux Etats-Unis inquiètent : « L’Europe et les Etats-Unis semblaient suivre des chemins séparés. Maintenant ils se sont unis pour faire la guerre. Ca risque d’être grave maintenant » Mais ils mobilisent aussi les syndicalistes de base. Quelques affiliés de la CGSP-Bruxelles portent des affichettes « Les travailleurs n’ont rien à gagner à une guerre». Serge Luchet de la FGTB-Cockerill offre son analyse : « On ne peut rester insensibles à cet acte extrémiste dont le peuple américain est victime. Mais il ne faut pas tomber dans le travers : les Etats-Unis veulent avoir l’hégémonie du monde. Il faut développer la paix et pas utiliser un langage de guerre, ni aller à l’escalade. Il faut régler le problème du Moyen-Orient. Je suis contre un monde où il y a d’un côté l’économie de marché à outrance et la pauvreté extrême de l’autre. Et puis les dirigeants américains ont protégé certains dirigeants extrémistes intégristes contre le péril rouge. Maintenant la pièce tombe de l’autre côté.» Antonio Bravo, syndicaliste CMB de Bruxelles, ajoute : « Ma première réaction était humaine pour les travailleurs américains victimes mais ce qui est grave c’est que pendant une semaine tous les médias n’ont eu qu’un sujet en bouche et ne le traitons que d’une seule façon. On a insinué que c’était les pays arabes sans avoir aucune preuve. Dans notre délégation, nous avons voulu analyser ce qu’il y avait derrière les attentats. Il faut chercher les causes. Les causes, ce sont la crise dans le Tiers-Monde, la mondialisation et toutes ces crises profitent aux mêmes : les marchands d’armes et là, il faut se poser la question à qui profite tout cela. » Un syndicaliste du Limbourg, lui, donne déjà son avis sur le futur immédiat : « Maintenant Bush va mobiliser toute l’Amérique. Mais ils vont se casser les dents si ils attaquent le monde arabe comme ils ont eu une grosse baffe dans la gueule au Vietnam. L’Europe, je veux dire les gens en Europe, doit s’en distancier de Bush et se distancier aussi des marionnettes au pouvoir qui suivent le gouvernement américain.» Syndicats et mouvement antiglobalisation : qui empêche cette histoire d’amour… Comment le syndicat doit se positionner face au mouvement antioglobaliste ? Victor Martin, secrétaire régional GAZELCO-CGSP, en appelle à une nouvelle orientation syndicale vers la jeunesse : « La jeunesse d’aujourd’hui est intelligente, plus que nous. Ils n’ont plus d’emploi et ils n’ont pas l’intention comme au début du siècle de tenir un petit jardin pour avoir à bouffer. A Gênes s’est exprimé une prise de conscience des jeunes. Ils ne se reconnaissent pas en nous mais avons-nous vraiment lutté contre le travail intérimaire ? En tant qu’intérimaire ils ne sont au même endroit que peu de temps et nous sommes trop mous. Il ne faut pas s’étonner que le degré de syndicalisation est très bas et baisse tout le temps. Ils pensent qu’ils peuvent le faire sans nous. Ils feront leur expérience. Ils ne vont pas se laisser taper sur la gueule ou se laisser crever de faim. Nous sommes en un moment difficile mais cela ne va pas durer. » Des syndicalistes de base s’insurgent aussi sur la manière dont la direction syndicale veut s’écarter du mouvement antiglobaliste. L’interview de Mia De Vits dans De Standaard provoque des grands remous : elle veut écarter le mouvement syndical des ONG et du mouvement antimondialisation. Une syndicaliste CGSP d’Anvers nous confie : « Beaucoup de permaments et délégués sont outrés. Un permament est aussi membre de la direction de Greenpeace. Le SETCa est membre d’ATTAC, beaucoup de syndicalistes symapthisent ou participent aux activités de D14. Ils ont raison de le faire et De Vits ne va pas nous imposer son point de vue! La direction nationale veut nous écarter du mouvement antiglobaliste soit. Mais elle empêche même les syndicalistes de venir massivement aux euro-manifs syndicales: elle impose des quotas de gens pour venir. Chez nous seulement le comité régional pouvait venir même pas les délégués! Cela doit changer. »