arch/ive/ief (2000 - 2005)

Débat DEBOUT ULB
by raf verbeke Sunday, Jul. 04, 2004 at 3:01 PM
carineraf@pandora.be 0497/23.07.60.

Un peu plus tard, mais plus que jamais actuel vu les résultats de vote de 13 juin, le compte rendu du débat DEBOUT à L'ULB

Au-delà des élections
STA OP
Une dizaine de jours avant les élections du 13 juin, une soirée débat a eu lieu à l'ULB sur le thème "Travailleurs, pour qui voter ?" avec la participation de :
Frank Lambrechts, travailleur depuis 35 ans dans une usine de papier au Limbourg, délégué syndical FGTB et tête de liste de STA OP, une liste de travailleurs qui se présentait aux élections régionales du 13 juin dans cette province (http://www.debout-sta-op.tk). Frank avait été militant dans le SPa pendant des années.
Maria Vindevoghel, qui travaille depuis 18 ans dans le secteur du nettoyage des avions à Zaventem, déléguée syndicale CSC, elle a joué un rôle de premier plan en défense des travailleurs lors de la faillite de la Sabena et vient d'être réélue à l'aéroport. Elle était à la tête de la Liste Maria, lors des élections en 2003.
Armand Feraille, mieux connu sous son surnom, Max, conducteur de métro, délégué syndical CSC depuis de longues années à la STIB et récemment réélu. Max a été, avec Maria, le moteur de la campagne électorale en 2003 de la Liste Maria, sur laquelle il occupait la deuxième place.
Un groupe de camarades qui ont participé activement au débat.
Nous ne pouvons pas passer sous silence l'effort des camarades pour s'exprimer dans une langue qui n'est pas la leur. Ne pas se laisser emporter par le tourbillon du clivage linguistique et régional, savamment entretenu par la bourgeoisie, est une des préoccupations manifestée lors du débat. Nous reproduisons toutefois toutes les interventions en français. D'autre part, si nous avons opté pour ne pas traduire le nom de la liste STA OP, nous sommes bien conscient et nous tenons à remarquer ici, que la liste revendique l'expérience de la liste DEBOUT.
Voici l'essentiel des interventions lors du débat qui a duré près de 3 heures, dans lequel on a discuté des expériences passées, et surtout des perspectives à venir, au-delà des élections du 13 juin.


Frank
Ce qui m'a fait décider d'entreprendre le travail que je suis en train de faire, d'organiser et de recommencer un parti au niveau social et économique, c'est que tous les partis traditionnels fonctionnent mal, et ne sont plus avec la base de leur peuple.
Maria
Après la faillite de la Sabena, et après qu'on ait créé le Comité de plainte, il y a eu beaucoup de discussion. A cela s'ajoute le ras-le-bol général des gens concernant tout ce qui est "politique". Pour les gens, la faillite a été clairement une décision politique, celle de ne plus s'occuper de cette entreprise. Lors des élections de 2003, les gens ne savaient pas quoi voter.
C'est ce qui m'a fait réfléchir, comme syndicaliste : comment donner une alternative au monde ouvrier ? On a décidé de présenter une liste. Les trois quarts de la liste étaient des travailleurs, de différentes entreprises, néerlandophones et francophones, et de différentes nationalités. Il y avait aussi des gens du monde culturel.
Même si on n'a pas eu un siège - on a commencé assez tard, on n'avait qu'un mois pour faire la campagne - cela a été intéressant comme expérience, en particulier dans le milieu ouvrier et syndical. On a pu discuter sur nos lieux de travail. On a pu dire aux syndicalistes : il n'y a pas que les permanent syndicaux qui peuvent se permettre de faire de la politique - ils ne manquent d'ailleurs pas de le faire, voyons Mia De Vits qui est passée au SPa. Nous, les syndicalistes de base, pourquoi ne peut-on pas faire de la politique ?
Avec la liste, il y a eu une rupture; et on a dit, c'est aussi à nous de faire de la politique.
Max
J'ai beaucoup appris de Maria - et d'une autre amie de la CSC aussi, Maaike Seghers - lors des luttes contre le Plan Global en 1994.
Pendant dix ans, à la Sabena, on croyait qu'on aurait une réponse aux problèmes des travailleurs via le monde politique et le monde syndical, et cela n'a pas été le cas. Alors, quand la Sabena a été cassée par des magouilles politico-financières, Maria s'est engagée à relayer le ras-le-bol des gens, la déception des gens d'être vraiment abandonnés à leur sort, d'être jetés à la rue, et je me suis mis à ses côtés.
Dans les rares occasions où on a pu participer à des débats avec les politiciens, on a tenu tête. Maria est très bien passée à la télévision.
On a aussi pu remarquer que ce sont les partis proches des travailleurs qui nous ont fait une place sur la scène politique. C'étaient les seuls à réellement nous aider.
Ce que font les amis du Limbourg, il faut les y encourager. C'est à nous maintenant de leur donner confiance, de les soutenir dans leurs luttes; mais aussi de bien faire prendre conscience aux gens que la réponse, c'est nous qui l'avons. On ne doit pas l'attendre des gens du monde politique traditionnel, qui sont des gens qui nous mentent, des gens corrompus. Derrière une façade où il y a vingt partis, il n'y a réellement qu'une même idéologie. Nous sommes les seuls à pouvoir y opposer la force des travailleurs, en les structurant, en les éduquant pour avoir demain réellement un changement et un monde où le social et le travail ont leur place d'une manière respectueuse, où on ne maîtrise pas les ouvriers.
Raf
C'est la deuxième fois que je suis impliqué dans une initiative comme celle dont on discute ici. L'audace qui m'y a amené est liée au rôle qu'on avait, en tant que délégué chez Carnoy, dans les grèves pour le juge Connerotte, avant la marche blanche. Beaucoup de choses qui sont débattues aujourd'hui sont liées à ce moment clé de notre histoire, où la classe ouvrière déborde des sentiers de la politique.
Si je suis sur la liste Sta Op / Debout, ce n'est pas comme nostalgique de la lutte de Clabecq. On sait bien que des listes comme la Liste Maria, comme Sta Op maintenant, comme celle qu'on a présenté aux élections communales à Gand, ne vont pas rallier la grande masse des gens. Le but est de former les ouvriers, et de leur donner une alternative pour des échéances très concrètes. Il s'agit, comme le dit Maria, de donner une alternative au ras-le-bol des gens vis-à-vis de la politique sociale actuelle. Mais il s'agit aussi, surtout en Flandre, de donner une alternative au vote pour le Vlaams Blok, de lui retirer des votes pour la gauche, ce que ni le SP.a, ni les Verts - qui vivent dans leur planète à part - ni aucun autre parti traditionnel, ni l'extrême gauche actuelle, est capable de faire.
Max
Il y a eu une discussion sur la question de savoir si la Liste Maria aurait dû se présenter pour les élections du 13 juin. Si Maria et moi sommes venus dans ces mêmes locaux de l'ULB il y a un an avec des positions politiques, en s'engageant à continuer la lutte et à structurer des revendications claires pour les gens, il ne faut pas croire que l'on va abandonner aujourd'hui.
Nous avons été confrontés à un problème. On devait se présenter aux élections sociales et être élu comme délégué dans nos entreprises. La tâche était particulièrement difficile pour Maria. Elle travaille dans le même secteur, mais actuellement avec des patrons espagnols, et c'était important qu'elle soit de nouveau élue et reconnue par les gens de la Sabena et de tout l'aéroport, comme une figure sur laquelle les travailleurs peuvent se raccrocher. Quant à moi, à la STIB, j'ai été mis très bas sur les listes électorales, et dans mon secteur très peu de gens ont voté, 30 sur 240 conducteurs de métro. J'ai été élu parce que je suis le délégué de tout le monde, le bus, le tram, le technique, mais il y a le problème que les gens sont tellement déçu du syndicat qu'ils ne veulent plus voter.
On avait donc un choix à faire. Cela aurait été de notre part un peu prétentieux de croire qu'on aurait pu mener les deux campagnes, les élections syndicales et la campagne pour la Liste Maria. Moi, au départ, je voulais le faire, mais Maria a dit non, on ne le fait pas, et je crois maintenant qu'elle a eu une attitude réfléchie.
Une autre question est celle de savoir si les partis d'extrême gauche peuvent avoir aujourd'hui une démarche pour les travailleurs.
Comme syndicalistes progressistes, nous sommes confrontés à deux choses.
On parle d'extrême gauche, par rapport à la gauche, par rapport à ces gens qui se disent de gauche, qui développent un côté social pour les travailleurs dans leurs discours, nos pensions et nos soins de santé ; mais il faut voir ce que la gauche traditionnelle fait aujourd'hui. Quand on voit l'attitude du PS et autres, il y a des fois où je me demande si le MR lui aussi ne serait pas "de gauche".
D'autre part, les partis qui ont vraiment une politique de gauche, on leur met l'étiquette "d'extrême gauche". Moi je n'aime pas ce terme, mais un des gros problèmes, c'est que les partis qui font une politique de gauche sont à des kilomètres au point de vu idéologique, et comme syndicalistes progressistes, nous sommes un petit peu orphelin.
Il y a donc un appel aux gens de la gauche, d'essayer de converger, de se rassembler, parce qu'on est déjà tellement dispersés. Nous voyons cela dans le syndicat, où des têtes syndicales ont la volonté de séparer les délégués. Il faut dire, Maria, qu'à l'époque on était soutenu quand même. Dans la direction de la régionale Bruxelles, on te laissait la place. Mais à part cela, à part quelques personnes dans la salle ici qui nous ont soutenu, qui ont fait notre campagne et tout, on n'a pas eu, de la part des autres partis de gauche, une attitude d'appel ou de soutien. On a même eu l'impression par moments que ces gens voulaient justement nous taxer d'une "extrême gauche" en marge, comme si on était des gens folkloriques.
Quand tu dit, Raf, que l'extrême gauche n'est pas à même de porter les revendications aujourd'hui, moi j'aimerais que tu explicites un peu cela. Moi je crois qu'ils doivent converger ensemble et que les progressistes sont un petit peu éparpillés partout.
Maria
Effectivement on a dû faire un choix, et c'était important de donner la priorité aux élections sociales. Toutefois, on a aussi décidé, avec la Liste Maria, de se préparer pour les élections parlementaires de 2007, et il faudra bien prendre le temps nécessaire.
On doit avoir un groupe d'ouvriers qui encadrent beaucoup de gens, des gens qui ont joué un rôle important dans des luttes, par exemple maintenant dans tout ce mouvement du secteur non-marchand. On doit avoir des gens qui ont une influence dans le monde du travail, dans le monde syndical, dans le monde culturel, dans différents secteurs.
Je suis sûr qu'il y a des possibilités à ce niveau.
Frank
J'ai commencé à travailler il y a 35 ans et je me rappelle bien que j'ai du travailler dur pour gagner ma tartine. Maintenant, 35 ans plus tard, je dois toujours travailler dur pour avoir ma tartine.
Ce qui a changé, c'est qu'on est plus guidé qu'avant, on est plus dirigé, plus contrôlé. On est tombé dans un système moderne où il n'y a plus de démocratie, plus de communisme.
Cela s'est accéléré ces dix dernières années, à partir de 1994, avec la délocalisation des usines. Et maintenant, avec les dix nouveaux pays qui s'ajoutent à l'Europe, on va tomber dans un système où tout le monde va se battre pour avoir encore un job demain.
Tout le monde sait très bien que Verhofstadt, ou n'importe qui, peut bien promettre du travail au gens, mais il n'y arrivera jamais, s'il n'y a pas de capitalistes qui viennent implanter leurs usines ici en Belgique.
Entre-temps, dans les syndicats, on discute de la Liberté de concertation. On est en train de nous prendre encore un peu plus de ce qu'on a. Mais il y a des limites.
C'est tout cela qui m'a fait décider de commencer ce que je fais maintenant.
Pour l'avenir, c'est très difficile de réussir si on n'a pas les grandes masses pour se faire entendre et pour dire aux partis traditionnels : ce n'est pas juste ce que vous faites maintenant, il faut changer de cap.
Après le 13 juin, c'est fort important que l'on continue comme un parti politique, pas comme une coordination, et ni d'extrême gauche, ni d'extrême droite, mais juste au milieu, parce qu'on a besoin de tout.
C'est fort important que la jeunesse aussi nous aide à tracer ce chemin, et de toujours donner des signes aux politiciens que ce qu'ils font pour le moment n'est pas juste.
C'est fort important pour moi et mes collègues de pouvoir donner un signe dans ce sens par le vote de la liste, mais aussi de continuer après - on ne va peut être pas réussir à avoir un siège - et de faire comprendre aux grands partis politiques que le chemin qu'ils suivent maintenant n'est pas celui des ouvriers, ni celui pour l'avenir.
Raf
Je voudrais tout d'abord féliciter Max, Maria, Frank et Theo pour leur résultat aux élections sociales.
Deux d'entre eux ont choisi consciemment de ne pas les combiner avec une intervention dans les élections du 13 juin, et deux ont choisi de le faire. Lors de la réunion où on a décidé avec Frank et Theo de former la liste, les résultats des élections sociales étaient presque connus. Personnellement, je ne pouvais malheureusement pas participer aux élections sociales, pour des raisons spécifiques.
Le principe de base est, comme il a été dit ici, qu'il faut rassembler des gens auxquels les travailleurs peuvent s'accrocher ; si on n'a pas cela, il n'y a rien. Toutefois, ceci étant dit, je voudrais quand même jeter dans le débat le fait que ce ne soit pas normal qu'un choix politique dépende d'un choix personnel. La gauche en Belgique et l'expérience qu'on a gagné ici sont beaucoup plus riches et permettent d'impulser des initiatives comme au Limbourg maintenant sur une très petite échelle. Frank l'a très bien décrit.
La situation gouvernementale et la question de l'avenir du gouvernement arc-en-ciel a paralysé une atmosphère de lutte. Il y a bien eu une situation économique plus favorable, mais quand même, on a eu la Sabena, on a eu Ford, etc. Il y a de grandes luttes au niveau des entreprises, de la résistance, mais ce gouvernement bizarre a réussi à paralyser pas mal de choses.
Prenons l'exemple de Ford. Quelqu'un a dit que la direction politique et syndicale de la lutte chez Ford était aux mains de Steve Stevaerts, et c'est vrai dans le sens où les marges de négociations étaient d'abord tracées au niveau politique, et que toute la stratégie syndicale y était liée. Toutefois, l'incertitude qu'a créée Ford était tellement prenante que les gens disaient : il y a quelque chose qui ne va pas, il faut organiser quelque chose, il faut organiser des actions exemplaires au niveau de l'entreprise, etc. Mais lors de la grande mobilisation à Genk, tout le monde, ceux de Caterpillar et d'autres, se demandaient où étaient les ouvriers de Ford. En grande partie ils étaient restés à la maison parce qu'ils avaient peur. Il y a donc là un sérieux problème.
Il y a quelque chose de dramatique dans le paysage politique de gauche qui ne correspond pas à la combativité des travailleurs. Nous avons élaboré un projet de loi qui a été présenté au parlement par Vincent Decroly. Vincent avait été élu avec 120.000 voix... et maintenant il n'est plus candidat, lui, le seul parlementaire qui s'est opposé au gouvernement ! Nous ne sommes pas en mesure de combler cette brèche, mais nous voulons assumer nos responsabilités.
Il faudra changer quelque chose dans notre débat politique de gauche. Il faut introduire des thèmes politiques, des idées politiques, comme on a fait avec la proposition de loi. Il ne faut pas seulement dire qu'il faut lutter contre le chômage, contre l'affaiblissement de la sécurité sociale, contre les privatisations. Il faut se retrouver, comme Max le dit, sur quelques idées centrales, mais des idées politiques. Je perçois très bien qu'il y a tout un clivage entre le syndical et le politique.
Jan
La grande question politique est évidemment celle de la manière dont construire une direction pour les luttes dans notre classe en Belgique. Prenons l'exemple de l'initiative de Max de créer l'Union des Services Publics. L'idée même ne plaisait pas trop aux instances de la haute direction syndicale, et elle a donc bien des difficultés à percer. Mais d'autre part, il est évident que les différents services publics, qui ont des problèmes en commun en Belgique, devraient pouvoir s'unir pour discuter ensemble de leurs problèmes, pour discuter ensemble de la manière dont lutter. Ce n'est qu'un petit exemple de ce que cela signifie de construire une direction dans le mouvement ouvrier en Belgique.
Dans les discussions de la Liste Maria, déjà avant les élections de 2003, on a souligné que le parlement n'était pas notre but final, mais avant tout une tribune éventuelle du mouvement ouvrier, au service de notre classe pour mieux s'organiser. Après les élections, qui à mon avis dans les circonstances où elles ont eu lieu ont été un succès, on a commencé à réunir les gens dans un Mouvement. Il y avait des gens qui étaient intéressés dans différents secteurs de préoccupation, le logement, les services publics, l'enseignement, etc. Cela allait dans le même sens, celui d'essayer d'organiser les gens.
Au-delà des élections du 13 juin, il faudra continuer dans cette orientation, sans attendre une autre échéance électorale. Il faudra profiter de l'élan donné par la Liste Sta Op, de l'élan qu'il y a encore dans la mémoire des gens de la Liste Maria, de la place qu'on retenu Maria, Max, Frank, Theo et beaucoup d'autres dans le mouvement ouvrier lors des élections sociales (grâce à une lutte qui justifiait que la Liste Maria ne se présente pas), profiter aussi des mobilisations de la classe contre ce que tout le monde annonce comme mesures de restrictions de la part du gouvernement, de quel couleur qu'il soit, qui ne tarderont pas à venir après les élections. Il faut profiter de cet élan pour continuer, au-delà des élections, cet effort d'organiser notre classe pour la lutte, sans céder aux directives avancées par les grands partis politiques et les hautes instances syndicales.
Je propose que Maria, Max, Frank et Raf prennent l'initiative d'appeler à une réunion en septembre pour mettre cela sur les rails.
Lucien
Il est évident qu'après le 13 juin, le gouvernement va prendre des mesures sur le plan social. On va probablement vers un changement de gouvernement, avec les chrétiens et les socialistes. Les socialistes resteront là avec l'idée qu'ils sont bien placés pour faire passer les mesures, pour paralyser, comme on a dit, les mouvements.
Considérant les résultats que de bons délégués ont obtenu sur leur lieu de travail, ma question est quelles sont les perspectives d'organisation de lutte que eux voient, sur ce terrain.
Il faut se préparer pour cette bataille, qui est pour moi encore plus importante que la bataille électorale.
Frank
Nos trois syndicats en Belgique ne vont pas rester assis sur leur chaise sans réagir. Ils ont déjà réagi, aussi envers l'Europe. Pour nous, les lois sociales que l'on a doivent rester. Il y a une pression de l'Europe sur la Belgique pour les changer, mais nous ne pouvons pas céder au chantage. La Belgique est un exemple pour le reste de l'Europe, dans la question des lois sociales, et nous, les syndicalistes, nous devons nous battre pour garder ces acquis sociaux.
Nous apportons beaucoup aux caisses de l'ONSS. Il ne faut pas que cet argent soit donné aux patrons qui, dans deux ou trois ans peut-être, déménageront dans un autre pays.
Mais je crois que les gens vont réagir. Ils ne se laissent plus faire comme avant. Je crois qu'ils vont se mettre debout.
Maria
On peut effectivement s'attendre à de très gros problèmes en septembre. Il va y avoir une attaque au niveau des pré-pensions et tous les politiciens sont en train de nous préparer à l'idée que les gens devront travailler plus longtemps.
Il y a aussi la directive Bolkestein, la libéralisation au niveau européen, contre laquelle nous allons manifester samedi. Mais nous ne pouvons pas avoir confiance dans nos dirigeants syndicaux, et le problème est de savoir comment dans cette manifestation nous allons nous distancer des gens qui ont déjà voté tout une série de lois pour libéraliser l'Europe.
Si la Sabena est tombée en faillite, c'est entre autres par des lois qui ont été votées par des gens "socialistes" qui sont dans le gouvernement, des gens qui ont voté la libéralisation dans le secteur de l'aviation. Et cela va aller de pire en pire. Eux, ils veulent bien que cette libéralisation soit un peu encadrée, mais ils ne vont pas s'y opposer.
On devra donc s'en occuper, chercher les moyens d'expliquer au monde des ouvriers ce qui est en train de se passer, chercher comment on va organiser les gens, pas seulement dans leur entreprise, mais à un niveau plus large. Ce ne sera pas Cortebeeck qui va s'en charger, ni nos hauts responsables syndicaux, ce seront les délégués de base qui devront chercher tous les moyens possibles pour s'organiser.
Chez nous à l'aéroport, on s'attend à de sérieux problèmes. Il y a Sabena Tecnics dont on ne sait pas ce qui va se passer ; on y va de restructuration en restructuration, avec maintenant encore 175 personnes sur le point d'être mis dehors. Il y a la DHL aussi. Cette semaine il y avait un article sur la DHL dans le Knack, avec tout le projet de déménager à Leipzig. Il s'agit de 8.000 emplois (2.000 à 2.500 directement, et tout l'entourage), encore une fois une catastrophe pour l'aéroport. Avec un groupe de militants de tout l'aéroport, nous avons décidé que nous n'allons plus attendre nos dirigeants, que nous allons prendre nous-mêmes les problèmes en main. Toutes les discussions se font maintenant au niveau de tout l'aéroport. Ce samedi, par exemple, on va aller à la manif contre Bolkestein et faire signer par les gens une pétition pour la conservation de l'emploi à l'aéroport.
C'est un début. On a dû chercher des moyens d'organisation des travailleurs, au-delà de chaque lieu de travail, pour aller contre tout ce qui est en train de se passer. Il faut bien se rappeler qu'au moment où s'est passée la faillite de la Sabena, il n'y a pas eu une grève générale en Belgique pour que ces gens ne perdent pas leur emploi.
Cela va être une bataille importante et si on veut une grève générale en automne, on va devoir jouer un rôle nous-mêmes, entre nous, faire des liens entre travailleurs, syndicalistes, pour se renforcer, parce qu'il faut être bien conscient qu'au niveau des dirigeants, tout sera fait pour nous y empêcher. Il suffit de se rappeler de la lutte contre le Plan Global. Ils ont tout fait pour éviter de grands mouvements.
Max
Malheureusement, l'après-élection va être très dur. Les gens vont aller voter quelque chose, mais ils savent bien que cela ne donnera aucune réponse aux problèmes qu'ils vivent, des problèmes qui vont en s'empirant.
Ce que font très bien les politiciens, c'est d'individualiser les problèmes. Mais quand moi je viens à la Sabena, je suis le bienvenu chez les travailleurs. Et quand Maria ou Maaike viennent à la STIB, elles sont les bienvenues. Dans la Liste Maria, deux tiers venaient de Liège, Maria est de Bruxelles et parle le néerlandais, et je félicite Frank de s'exprimer ici en français. [Max s'exprimait ici en néerlandais.]
Raf a parlé des Comités Blancs. Moi je voudrais lancer les Comités Bleus. Moi je suis conducteur de métro, mais lors de la dernière grève qu'on a fait, où on a désobéi aux syndicats, j'ai mis un bleu de travail, une veste bleu des ouvriers. On était mille travailleurs de la STIB, un sixième des effectifs, devant les bureaux de la direction.
Nous, nous devons nous réunir. Je souhaite à Frank une bonne réussite avec Sta Op. Il y a d'autres personnes de gauche qui veulent se battre. Il y a aussi des ouvriers sur d'autres listes, comme Yvie, de La Poste, qui est sur les listes du PTB. Il y a des gens du monde du travail qui veulent se battre, mais qui comprennent que les partis comme le PS ne sont que des pantins qu'on agite comme des attrape-mouches.
Si on veut que les gens réagissent, ils faut éduquer les travailleurs. Je vois que l'appel au débat de ce soir est bien fait. On y rappelle des choses, Ford, les emplois perdus, etc.
Nous avons assisté à une marche mortuaire lors de la faillite de la Sabena. Moi je voulais qu'on bouge pour la Sabena à la STIB. On était dans la même centrale, mais on me disait : Max, ici c'est la STIB, pas la Sabena !
Maria a raison de ne pas croire dans les structures, les dirigeants. Leur politique est de diviser face aux restructurations. Ils font tout pour éviter que le ras-le-bol des gens dans différents endroits ne se rejoigne.
On veut faire croire aux gens que la fermeture d'une entreprise est une chose d'inévitable, qu'il y a un problème d'argent, de rentabilité, etc, mais tout cela c'est du cirque. Renault était une usine toute moderne où on avait investi de l'argent et, du jour au lendemain, on jette les gens à la rue. Les syndicats ont tout fait pour empêcher que les gens de Clabecq, de Ford Genk, de Volvo, rejoignent les gens de Renault. Tout a été fait pour diviser la lutte et on a amené les travailleurs de Renault en France pour éviter les solidarités ici. A la Sabena, dans les services publics, on n'a jamais rien organisé.
Tu a raison Frank, quand tu dis qu'en Belgique les travailleurs ont pu créer un modèle social par des luttes, après la guerre, quand les communistes se sont battus pour ça, un modèle qui est envié par beaucoup. Mais le monde politique est occupé à tout faire pour le casser. Le monde politique est bien conscient que notre modèle social est une épine dans les pieds du patronat. S'ils y parviennent, ils auront des travailleurs comme avant la guerre, à genoux devant les patrons.
Il faut dire aux camarades, aux collègues de travail : regardez par exemple en Argentine, où les patrons abandonnent les entreprises et les ouvriers ne baissent pas les bras mais entrent dans l'entreprise et disent aux autres, on va gérer l'entreprise, et on engage des gens. Ils ont leur tartine, ils ont leur dignité.
Chapeau pour ce que tu fait, Raf, ce que tu fait Frank. Ce que Maria et moi on a fait, on y croit et on va continuer, et si on peut vous aider, on le fera. Mais je dis, on doit absolument éduquer les travailleurs.
Moi je m'en charge chez moi au travail. On doit essayer d'éduquer les gens en leur disant que l'important c'est le collectif, et de ne pas dire, moi je suis du Limbourg, je m'en fous de Bruxelles, moi je suis de Liège et je m'en fous des Bruxellois et du Limbourg.
On doit absolument faire passer le message que la sécurité sociale, c'est un bien national, que ce n'est qu'ensemble qu'on va sauver cela, et non en jouant le jeu politique de régionaliser les problèmes, de les diviser, de nous diviser.
Theo
Je voudrais revenir sur une question que Jan a posé : est-t-il utile, voir possible, de lancer actuellement un appel pour faire quelque chose dans l'avenir sur le plan politique, de réunir les gens et prendre une initiative ?
Ma réponse est Oui. Il est évident que cela ne peut se décider ici entre nous quinze dans cette salle. Il faut un cercle bien plus large, avec des organisations d'extrême gauche, des militants syndicaux, des milieux plus larges. Mais il faut lancer la discussion.
Une deuxième question concerne les attaques contre les pensions, etc., qui s'annoncent pour la fin de l'année, comme dit Maria. Tout le monde est d'accord qu'il y a un lien immédiat entre ce qui est possible sur le plan politique et ce qui peut arriver sur le plan social. Je suis pessimiste et je suis d'accord avec l'analyse que fait Max : cela fait quelques années déjà que nous encaissons et cela ne changera pas d'un jour à l'autre.
Toutefois, la raison pour laquelle nous encaissons depuis des années, est qu'il n'y a rien qui nous pousse en avant, ni sur le plan politique, ni sur le plan social. A l'automne, ou l'année prochaine, quand on s'attaquera aux pré-pensions, je suis certain qu'il y aura une réaction dans les milieux syndicaux, mais ils ne se battront pas vraiment pour maintenir l'acquis tel qu'il est maintenant. J'en suis sûr.
Un troisième point est la question de la gauche politique dont Max et d'autres ont parlé. Quand Max parle de la gauche politique et qu’il se sent orphelin, je suis d'accord. Les soi-disant organisations de gauche comme le PS peuvent se permettre de glisser de façon permanente vers la gauche, aussi longtemps qu'il n'y a pas quelque chose de crédible, politiquement et donc aussi électoralement, qui les force d'en tenir compte. Et cela, c’est la responsabilité de militants syndicaux et politiques ainsi que de groupes organisés comme le Parti du Travail de Belgique et d'autres.
Si simplement au niveau électoral, une liste plus à gauche pourrait obtenir ne fût-ce que deux ou trois pour cent, grâce à la collaboration de militants de différentes organisations, ce serait déjà important. Ce n'est pas facile, mais sur la base d'expériences comme la Liste Debout, la Liste Maria, cette Liste Sta Op, il faut commencer à y travailler, même si on sait bien que l'expérience de Sta Op n'est que régionale, et qu'elle ne sera pas encore une vraie percée.
Max
Ni à la radio, ni a la TV, les gens de gauche ne peuvent s'exprimer. Avec la Liste Maria, on parvenait parfois à intervenir de la salle lors d'un débat, et alors on peut faire valoir notre point de vu. Je me rappelle que dans un débat sur le logements social à Molenbeek, un politicien disait qu'il en proposait pour 16 000 F. Considérant qu'on peut dépenser jusqu'à un tiers du salaire dans le logement, je demandais qui dans la salle gagnait alors 48 000 F. Le type s'est fait siffler.
L'idée des Comités bleus est la recherche d'une manière d'accéder aux gens, de leur expliquer comment ils sont dirigés et ce que font les "dirigeants". Ici nous sommes 15. Imagine-toi qu'on fait dix comités sur Bruxelles, cela ferait 150 personnes qui nous écoutent.
J'ai accompagné tout le conflit de Clabecq. A un moment on était 120 personnes tous les samedis. Malheureusement, il y a eu des erreurs. Je le regrette, car moi j'ai cru réellement dans une nouvelle politique, un syndicalisme ouvert, ou un syndicalisme de travailleurs, un syndicalisme de la base. Certains se sont isolés, et moi j'ai dit, je veux être quelqu'un au milieu des travailleurs à côté de moi, et avancer, parce que être devant, et personne derrière moi, ce n'est pas la solution.
Les gens sont encore attaché à leur petite popote personnelle, leur petit avantage, et on doit prendre la peine de leur parler, de leur expliquer les problèmes des travailleurs, les problèmes de tous les jours. Parce qu'eux, ils n'ont pas notre conscience, de devoir se battre pour tous. On doit donc les éduquer, leur parler. Autrement, on sera là devant, et il n'y aura personne derrière.
Raf
Le 13 juin une page va se tourner, selon le gouvernement qui va être en place, et il est question de réintroduire des choses nouvelles au niveau que signale Max. Il faut simplement se lier au besoins des gens de tous les jours.
C'est paradoxal. Tout le monde dans la campagne électorale dit qu’il y aura des mesures draconiennes, et Frank a poussé l'initiative au Limbourg, non pas sur la base d'un débat sur les mesures, mais sur base du fait que, pour les gens, la politique est devenue un cirque. On dit "c'est de la politique" et on manifeste un apolitisme, et les gens ont vraiment le sentiment que tout cela est complètement décoratif. Alors, quoi faire ?
D'abord, je trouve cette idée de Comité Bleu excellente. Je ne sais pas si le nom est bien choisi, mais l'idée est excellente, selon la réalité dans votre quartier, dans votre entreprise.
Crucial est aussi l'unité entre le nord et le sud du pays, dont Max parle. Dans toutes les mesures qui vont être prises, on est en train d'organiser consciemment ce clivage entre le nord et le sud.
Puis, il y a la subordination du syndicat aux partis politiques. L'affaire de Mia de Vits est une grosse affaire.
Il faut donc commencer avec un dialogue simple, entre différents comités. C'est un objectif qui n'est pas une évidence dans beaucoup de débats de la gauche.
Max
Raf, voici peut-être un exemple de ce que tu dis, de ce dialogue simple.
Maria a parlé des pensions et des pré-pensions. Qu'est-ce qu'on discute, quand on prend un café à la pause ? "Moi je vais avoir 35 ans de service, je veux partir et laisser la place à des gosses qui n'ont pas de boulot, mais on ne me laisse pas partir." "Moi j'ai plus de 50 ans, j'ai mal au dos, et il n'y a plus de postes de reclassement. On me jette à la mutuelle ou on me jette dehors." C'est quoi ce bazar ?
Alors, quand tu va parler avec les politiciens, ils vont te trouver un dialogue où on ne comprend plus rien. On va nous parler de concurrence et de normes européennes, d'une carrière où on n'arrive pas aux 40/45, où on travaille 39 ans à peu près, etc. Entre-temps, il n'y a toujours pas de travail pour tout le monde.
Verhofstadt promet 200 000 emplois, et les De Vits et autres Cortebeeck ne demandent pas : "où sont ces emplois". Alors, moi, comme travailleur, je vois qu'il y a du travail à faire. Dans les écoles, il faudrait des gens pour s'occuper des enfant à midi, il faut s'occuper des personnes âgées, il faut des aides sociales, mais il n'y a pas d'argent pour créer ces emplois. Quelqu'un du PTB dira alors qu'on pourrait prélever un impôt sur les fortunes. J'espère que Frank en parlera dans sa campagne. Il faut aller chercher l'argent du capital et le mettre dans le circuit du travail, et non pas le dépenser pour faire des guerres et opprimer des peuples comme en Irak ou en Palestine.
Le travail est un droit, comme disait notre slogan lors de la campagne de la Liste Maria. La retraite aussi est un droit. Et qu'on arrête de chipoter ! Il faut que les gens vivent mieux, aient une dignité, aient un emploi.
Catherine
J'aimerais revenir sur le fait que la liste Maria et la liste Sta Op sont des propositions très importantes pour et par les travailleurs.
Frank, tantôt, tu parlais de "montrer aux partis traditionnels que la politique qu'ils appliquent n'est pas une politique pour les travailleurs". Mais je ne crois pas que ces partis n'appliquent pas une politique en faveur des travailleurs parce qu'ils sont perdus ou parce qu'ils ne le peuvent pas. Je crois plutôt que ces partis ont fait clairement un choix: défendre le capital contre les travailleurs.
L'importance de listes comme celles-ci réside donc dans le fait qu'elles représentent un début d'organisation, de présence politique des seules personnes qui, comme Max le disait bien, peuvent apporter une solution aux problèmes des travailleurs : les travailleurs eux-mêmes.
Ce sont les seuls qui en sont capables mais ce sont aussi les seuls qui y ont réellement un intérêt; non pas pace qu'ils veulent être élus ou pour un quelconque rêve de pouvoir mais parce que dans leur vie de tous les jours, ils ont besoin de ces solutions pour pouvoir payer leurs factures, donner une éducation à leurs enfants, etc.
Je crois donc que des listes comme celle de Sta Op sont importantes non pas pour montrer aux partis traditionnels la voie à suivre (il n'y a pas grand chose à attendre de ce côté là), mais pour créer une véritable alternative, pour apporter une solution réelle aux problèmes de la classe ouvrière.
Frank
Je me rappelle d’un congrès de la FGTB où on discutait de savoir si la FGTB allait continuer à considérer le SPa comme interlocuteur préféré dans les négociations. Plus de 90% de la salle était contre, mais le lendemain, la haute direction, Mia De Vits, etc., est revenue sur le thème et à cinq, ils ont décidé seuls que le SPa allait continuer à être l'interlocuteur préféré dans les négociations. Où est la démocratie ?
Entre-temps, le SPa, le MR et d'autres ne s'occupent que de garder leurs postes, tandis qu'ils font croire aux gens qu'ils s'intéressent à leur sort. Prenez l'exemple des pensions. C'est un problème de gros sous des assurances dans les grandes usines, et cela dans toute l'Europe : Si les gens prennent leur retraite plus tard, eux ils garderont l'argent plus longtemps.
Gary
Nous avons beaucoup parlé des travailleurs, de la situation des travailleurs, de leurs luttes et de leurs défis et je voudrais mener un peu la discussion sur un sujet que Theo a avancé : comment les travailleurs vont-ils faire face aux politiques du gouvernement, comment les travailleurs vont-ils avancer dans leurs luttes et quel est l’instrument des travailleurs dans ces luttes ? Moi je dirais que malgré l’existence de partis de "gauche" ou d’extrême gauche et des syndicats, on voit clairement que cet instrument pour les travailleurs n’existe pas encore, même s’il y a des partis d’extrême gauche qui se revendiquent comme étant cet instrument.
Je milite en Belgique depuis quelques années et je crois me rendre compte que s’il y a une possibilité de construire cet instrument, une alternative, nous l’avons vu avec la liste Debout, avec la liste Maria et maintenant avec la liste Sta op, qui sont des tentatives d’avancer une discussion politique parmi les travailleurs. Il est également important de parler de comment nous pouvons construire cet instrument ; je ne suis pas sûr qu’il faut lancer, comme le dit Raf parfois, une initiative large, ouverte à toutes les organisations qui se réclament progressistes. Il faudrait peut être quelque chose qui aille dans le même sens du travail que fait Raf et de celui que fait la liste Maria, le mouvement Maria, c'est-à-dire, aller vers les travailleurs, dans leurs luttes, dans les syndicats, aller aux luttes, petites ou grandes.
Nous avons parlé de la lutte de Ford Genk ; il est vrai qu’il y a eu une manifestation qui était un peu triste mais, il y avait beaucoup de militants qui ont apporté leur contribution, et qui allaient soutenir la grève et les piquets qu’il y avait à l’entrée de l’usine et je crois que c’est là où se trouve l’alternative. Il ne suffit pas de lancer quelques actions, sinon, à partir de certaines expériences avancer peu a peu. Et c’est dans ce sens que je me demande jusqu’à quel point peut converger, par exemple, le travail fait pour le mouvement Maria et celui fait par Raf et Theo et les camarades en Flandre avec le Forum Social de Travail, comment nous pouvons construire cette alternative avec ces expériences, ces ‘comités bleus’ comme dit Max. Ils peuvent exister évidemment, mais il est nécessaire qu’un instrument soit prêt pour lancer, impulser et coordonner ces initiatives. Nous n’allons pas sortir tous les 15 ici en se disant : "maintenant je construis mon comité bleu". Il faut qu’on fasse une démarche pour aller vers cet instrument politique capable de coordonner nos luttes.
Je le dis clairement, je milite dans un parti politique, mais je ne crois pas qu’il existe une alternative maintenant, et s’il existe une possibilité d’aller vers un instrument politique, elle se trouve ici, dans ces expériences. Et dans le même sens que Jan disait presque au début de la réunion, comment est-ce que vous voyez la possibilité de construire un instrument pour les travailleurs, comment pouvons nous lancer cette initiative, comment pouvons nous aller dans une discussion à long terme ?
Je suis un jeune travailleur, un militant politique mais c’est vous qui avez l’expérience des années de syndicalisme et de luttes. Vous avez l’expérience de Debout, de la liste Maria et de Sta op, qui ne sont pas seulement des idées que nous avons dans la tête, mais des expériences qui nous montrent un certain niveau de la lutte des travailleurs et de ses résultats, des besoins qu'expriment les travailleurs, qui comme disait Raf, s’en foutent des élections et trouvent que tout ça c’est vide. C’est dans ce sens que nous voulons travailler et continuer à soutenir ces initiatives.
Frank
Le problème est que dans l'usine, c'est très difficile de convaincre les gens. Il y a de gros drames, comme la Sabena, Ford, mais il y a encore trop de gens qui vivent trop bien, qui ont des enfants qui n'ont pas encore la malchance de ne pas avoir leur tartine le matin. Ici en Belgique et dans les pays de l'Europe, ce n'est pas encore la catastrophe comme dans un pays comme la Russie ou dans le sud, où les gens crèvent de faim.
Tout le monde a beaucoup de dettes et a peur de perdre son travail et le patron se sert de cela pour un chantage. Les gens ne se rendent pas compte qu'en Europe et en Belgique, on est en train de nous enlever les lois sociales, les pensions, pour lesquels les gens se sont battus.
Alors il faut les aider, et se faire entendre, mais les médias ne sont pas favorables à cela, à des gens comme nous.
Max
Moi je dis maintenant aux gens : si vous n'êtes pas contents du syndicat, écrivez. Dire a Frank ou a Maria : "Ecoute, j'en ai mare de mon permanent qui ne fait rien", cela ne va rien changer, mais si tu écris, ils devront réagir. Moi j'écris : au monde politique, à mon patron, et j'essaye que le message soit connu, si possible dans la presse.
Au Limbourg, les ouvriers ne veulent plus être endormis par le monde politique. Il faut alors donner un message clair. Parfois ce sont des petits détails, une lettre, une ou deux personnes qui réagissent quand il y a un problème, mais les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Puis, moi je n'aime pas qu'on mette toujours en contradiction les intellectuels et les travailleurs. On essaye d'enfermer les ouvriers dans leur catégorie. "Vous êtes des travailleurs, nous, les politiciens, on va penser pour vous !" Mais qui dispose du vécu ? Ces gens, qu'est-ce qu'ils connaissent du monde du travail ? Rien ! Eux, ils ne connaissent pas ce que vivent les gens. Récemment encore j'ai refusé une promotion, on voulait me mettre à l'écart. Moi je veux rester conducteur, parce que c'est là que je peux défendre les gens, que je connais les problèmes. Avec la Liste Maria on s'était engagé, que si quelqu'un était élu, de faire du mi-temps politique, mi-temps travail. C'est aussi important.
Griet
Cela a été très difficile de créer la Liste Sta-Op. On a commencé tard. Il est évident que Frank n'aura pas beaucoup de voix, mais cela n'empêche que l'initiative est très importante. Elle a le mérite d'ouvrir le débat sur une alternative basée sur des propositions politiques concrètes. Cela se fait avec une grande ouverture, mais quand même profondément à gauche, et sans vérités préfabriquées. Il y a un long chemin pour créer cette alternative, mais c'est important de commencer.
Theo
J’ai une question pour Maria et Max. Quand on participe à des élections, on vit un peu au dessus de ses moyens. Même si on est très minoritaire dans la société, en participant au jeu politique on obtient une audience plus vaste par rapport à sa réelle signification. D'autre part, obtenir des voix et susciter un intérêt est aussi un test. On peut aussi avoir une grande audience, et puis avoir un résultat décevant. C'est aussi l'expérience de beaucoup de partis de l'extrême gauche.
Ma question est donc, comment remplir la brèche entre ces initiatives électorales successives et similaires, et quelles sont les propositions concrètes pour y parvenir ? Je pense que l'idée de Max des Comités Bleus est une proposition concrète à ce niveau.
Maria
L'expérience que j'ai avec les élections, est que je n'ai jamais eu autant de discussions politiques avec le monde ouvrier. On discute de tout. Si je regrette quelque chose aujourd'hui du fait de ne pas avoir présenté la liste, ce serait cela.
Il y a eu beaucoup de gens qui allaient voter pour le Vlaams Blok et qui ne l'ont pas fait et qui ont voté pour nous. Les gens en ont marre de tout ce cirque comme dit Frank.
Il y a des gens de la SNCB qui m'ont dit la même chose, qu'ils n'avaient jamais eu ces discussions avant. La liste leur permettait de discuter de politique sur leur lieu de travail.
Je dois dire qu'avec la Liste Maria j'étais très enthousiaste. On avait une très bonne équipe, de toutes nationalités, très motivée. On avait l'illusion de pouvoir obtenir un élu et je pense qu'on a pas assez réfléchi sur le nombre de voix que cela représentait, mais de toute façon, 6 000 voix ce n'est pas rien.
Max
Maria, tu as eu plus de voix que mon directeur, le président de la STIB, qui avait des colleurs d'affiches payés.
Griet dit qu'on s'y est pris un peu tard. Raf m'a appelé plusieurs fois pour parler de mouvements de lutte. Le problème est que, quand on est réellement des ouvriers engagés - nous sommes des ouvriers avant d'être délégués - on aimerait toujours faire plus, mais on est bien obligé de faire un choix. Les gens comprennent ça. Le travail politique et syndical dans l'entreprise, c'est énorme. Il est important de maintenir des positions de gauche dans le syndicat, en sachant que l'appareil syndical fait tout pour freiner, et que de l'autre côté les ouvriers sont parfois assez individualistes.
On est souvent sollicité. On participe à des débats. On a créé un comité de défense des délégués suite au licenciement de Maaike. Et si on n'est pas là, il y a un vide. On le fait avec conviction, et un des problèmes est de trouver le moyen de faire une équipe entre nous.
Tu dois pouvoir un petit peu te décharger, Frank. Il y a des gens qui croient en toi et qui vont te pousser, et quand ces gens autour de toi sont enthousiaste, il y aura quelque chose de plus grand que toi.
Il y a des gens qui se sont rendu compte tout à coup que Maria, tiens, elle peut faire de la politique. C'est important, comme Jan l’a dit, il faut que les ouvriers aient l'initiative, qu'ils se mettent sur la liste, qu'ils se mobilisent.
Le CDh et d'autres partis du genre repêchent aussi des ouvriers à la Sabena, et leurs donnent des moyens médiatiques. A nous de faire parler de nous, et pour cela, il faut mieux se structurer.
Maria a parlé d'une bonne équipe dans la campagne. Sans cela c'est impossible, lundi tu passe à la TV, mardi tu fais ça, etc. Maintenant, cette équipe, il faut qu’elle continue.
Maintenant Sta Op est en route et on souhaite de cœur que tu aie de bons résultats, mais on dit aussi, il faut s'organiser autour pour que, après les élections, élu ou pas élu, cela continue.
On doit continuer à parler aux gens, qu'on soit 15 ou 20, c'est la seule manière pour que demain, on aie une chance qu'à un moment donné, les travailleurs disent, ceux-là, ils veulent me défendre, ils sont toujours là, on va faire tout pour les aider.
On critique les structures syndicales. Et c'est vrai que les gens sont tellement déçus du syndicat qu'ils ne veulent plus voter. Sur 240 conducteurs de métro, 30 ont voté.
Alors nous, on doit se battre dans le syndicat. Moi je dis aux gens : tu n'es pas content, écris.
Dis lui, au permanent : "tu a fait une convention collective et on perd tout ; pourquoi tu a fait cela ? explique-nous" Il faut demander aux syndicats qu'ils se justifient. Quand Frank tape sur la table et dit que ce n'est pas bon, qu'on ne veut plus suivre le SPa et leur politique, et que Mia De Vits dit qu'on y va quand même, qu'ils expliquent ! "A moi, donne moi des raisons pour soutenir le SPa.".
C'est ça qu'on ne fait pas assez. On n'oblige pas les structures à se justifier. De deux choses l'une : ou bien les têtes syndicales vont changer dans leur attitude, ou elles vont tomber. Ils peuvent faire de sorte que la patronale vire un ou deux ou trois délégués combatifs, mais il y a un moment donné où, stop, ils ne savent plus le faire.
Frank
Les changer, c'est impossible, parce que ces gens, aussi bien chez les socialistes que chez les catholiques, ils n'ont dans leur tête que de protéger leur poste. C'est la même chose dans la politique.
On a eu peu de temps pour la liste, mais il faut continuer a essayer de convaincre les gens, de communiquer. C'est difficile, mais je crois que c'est ça mon travail.
Martin
Je crois qu'il faudrait s'organiser maintenant pour concrétiser la continuité de notre rencontre.
Je me souviens de l'initiative lancée par Bert Verhogen, de DHL, qui avait lancé un appel national pour créer un mouvement en défense des délégués licenciés et des droits syndicaux.
Il prévoyait une première rencontre après un certain nombre de signataires et une éventuelle manifestation nationale.
Est-ce que se ne serait pas bien de suivre la même démarche et de prévoir un appel, un petit papier ou une plate-forme dans ce sens?

Après une brève discussion, les participants se sont mis d'accord sur deux conclusions pratiques:
1. Un rapport de ce débat sera fait afin de le divulguer amplement.
2. Maria, Max, Frank et Raf feront le nécessaire pour convoquer ensemble à une réunion après les élections et après les vacances, c'est-à-dire en septembre 2004, pour donner suite à l'activité qui a fait l'objet du débat. Les présents se compromettent à mobiliser pour qu’à cette réunion il y aie une très ample participation de tous ceux qui veulent réellement défendre les intérêts des travailleurs.