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Stigmatisation des chômeurs et extrème-droite
by Griet Van Meulder Friday, Jun. 25, 2004 at 2:37 PM
grietvanmeulder@hotmail.com

Une Carte Blanche intéressant au Soir sur la stigmatisation des chômeurs et l'extrème-droite

La stigmatisation des chômeurs, elle aussi, nourrit l’extrême droite

Carte blanche dans Le Soir, 21/06/2004
Mateo Alaluf, sociologue ULB
Olivier Paye, Politologue, Facultés Saint-Louis
Jean Faniel, Politologue, ULB
Pierre Verjans, Politologue, ULg

Lors de la formation du gouvernement arc-en-ciel en 1999, Guy Verhofstadt avait expliqué que l’on jugerait son action en fonction du résultat des partis d’extrême droite. Quand il a constitué le gouvernement violet en 2003, le Premier ministre a annoncé la création de 200.000 emplois.
Depuis ces déclarations, les partis d’extrême droit n’ont cessé de progresser. Le Vlaams Blok a poursuivi son développement et le Front National a renoué avec le succès. Quant à l’emploi, il se fait sérieusement attendre et les chiffres du chômage s’avèrent chaque mois plus inquiétant.
Les études portant sur le vote d’extrême droite montrent clairement que l’électorat de ces partis est hétérogène. Ces formations attirent d’une part des voix issues des milieux aisés : indépendants, chefs d’entreprises, cadres ou classe moyenne. Les résultats du VB dans les quartiers chic d’Anvers ou d’ailleurs en sont l’exemple criant. Ces partis séduisent également des personnes venues des couches populaires de la société : employés, ouvriers ou chômeurs. Les résultats du FN à Dison, Herstal ou La Louvière en attestent.
Le VB et le FN ont des conceptions claires par rapport aux chômeurs. Ces deux partis entendent en effet réduire les indemnités versées aux demandeurs d’emploi, contraindre ceux-ci à effectuer de petits boulots pour conserver leur allocation, inciter les femmes qui travaillent à rentrer à la maison et, à terme, démanteler la sécurité sociale. De tels projets plaisent assurément à l’électorat aisé des partis d’extrême droite. En revanche, tant le VB que le FN se gardent bien d’expliquer cela aux chômeurs dont ils cherchent à capter les voix. Ils leur désignent plutôt des boucs émissaires.
Les chômeurs, ainsi que toutes les personnes qui connaissent des difficultés économiques, souhaitent se sentir pris en compte et, surtout, voir leur situation sociale s’améliorer. Lors qu’il se porte vers le FN ou le VB, leur suffrage exprime ce malaise. Bien plus qu’une idiotie, leur vote est un signal d’alarme envoyé au monde politique qui semble avoir renoncé à une politique volontariste de création d’emplois de type keynésien.
C’est déjà ce qu’avaient annoncé les élections de mai 2003. Or, depuis lors, que s’est-il passé ?
Le gouvernement fédéral, socialiste-libéral, a approuvé à Gembloux, en janvier 2004, le plan du ministre Frank Vandenbroucke de contrôle renforcé des chômeurs. Dans la droite ligne du « workfare » venu des Etats-Unis et de Grande-Bretagne, selon lequel un chômeur doit mériter son allocation, ce plan entend forcer les demandeurs d’emploi à montrer qu’ils cherchent activement et constamment du travail…qui n’existe pas ! Le nombre de chômeurs est 10 à 30 fois supérieur aux emplois vacants, selon les régions. A défaut de leur fournir un emploi, le gouvernement violet entend donc faire porter aux chômeurs la responsabilité de leur situation. Sans craindre de les faire passer pour des fainéants et des profiteurs.
Face à des partis qui n’améliorent pas leur sort, mais semblent les abandonner et les culpabiliser, on peut comprendre que des chômeurs votent de manière à ce que leur ral-le-bol soit clairement entendu. Même si les partis qu’ils choisissent sont antidémocratique et xénophobes.
Bien des personnes en contact avec les files de pointages pendant la campagne électorale avaient d’ailleurs constaté que les intentions de vote FN étaient en progression. Et comme l’exprimait en 1999 un électeur d’Agir, au chômage, si on montre du doigt les chômeurs et qu’on porte les atteintes et des insultes et des attaques vis-à-vis des chômeurs, on ne sait pas alors accepter d’être indulgent vis-à-vis des étrangers. Si vous n’avez pas le droit de faire quelque chose, comment voulez-vous le concéder à tous ? Exclus du partage des richesses, les chômeurs acceptent mal ce qu’ils ressentent comme une concurrence déloyale de plus pauvres venus d’ailleurs.
Analyser les causes du vote d’extrême droite ne peut se faire sur un ton moralisateur. Il serait trop facile de dire que ce sont les électeurs qui ont fait « un mauvais choix ». S’interroger sur les causes de ce vote fait au contraire apparaître que c’est la situation concrète des électeurs qu’il faut améliorer, pas les statistiques du chômage.
Ce constat en entraîne un autre. Dès le mois de juillet prochain, le contrôle renforcé des chômeurs ne se contentera plus seulement de stigmatiser ceux-ci. Il risque d’exclure également nombre d’entre eux du droit aux allocations et de créer encore plus de précarité.
Le verdict des urnes est un signal d’alarme clair et net. Le plan Vandenbroucke de contrôle des chômeurs doit être sérieusement remis en question. C’est dans l’ensemble de mesures à prendre, un des actes à poser concrètement pour éviter de devoir encore parler à l’avenir de « dimanches noirs ».

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