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Dossier sur un tortionnaire notoire
by DHKC-Bureau d'info de Bruxelles Wednesday, Jun. 23, 2004 at 1:39 AM
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Quand un tortionnaire et sa victime se rencontrent...

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Recep Tayyip Erdogan protégé par un tortionnaire notoire


Le 17 juin dernier, le premier ministre turc Tayyip Erdogan donnait une conférence au centre des congrès de l’université « Erasmus » à Rotterdam face à quelque 700 auditeurs issus de l’immigration turque.

Le héraut de la « tolérance zéro pour la torture » n’avait évidemment pas oublié de sortir son grand discours sur la coexistence entre les communautés et les religions, sur la démocratie, les droits de l’homme etc.

Il semblait bien parti… jusqu’à ce qu’un jeune homme interrompe son beau discours enchanteur et lui lance : « Que dites-vous des 112 personnes que vous avez laissé mourir dans les prisons ? Le type qui est à vos côtés, Maksut Karal, c’est un tortionnaire. Il m’a torturé. Alors, cessez de nous raconter des histoires. Mettez fin à l’isolement dans les prisons. »

Le trouble-fête est un ex-prisonnier du DHKP-C du nom d’Erdal Gökoglu, 14 fois arrêté et torturé par la police turque pour son engagement politique, trois fois grièvement blessé et trois fois miraculé à la suite d’assauts militaires successifs perpétrés dans trois prisons différentes .

Il est aujourd’hui atteint du syndrome de Wernicke-Korsakoff depuis qu’il a été médicalisé de force alors qu’il menait une grève de la faim au finish contre l’ouverture des centres de détention de haute sécurité appelés « prisons de type F » et composés exclusivement de cellules d’isolement.

Suite à son intervention déconcertante, Erdal Gökoglu et une autre personne qui l’accompagnait, ont été sortis manu militari par les gardes du corps de Tayyip Erdogan et remis aux policiers néérlandais. Ces dernier les ont aussitôt menottés et emmenés au commissariat.

Après ce incident, Tayyip Erdogan s’est retourné vers son sinistre garde du corps pour lui demander sur un ton plaisantin : « c’est vrai que tu l’as torturé? »

Puis, il s’est à nouveau tourné vers le public en déclarant, cette fois sur un ton solennel :
« Chers amis, il n’est vraiment pas raisonnable de mettre les événements qui ont engendré la grève de la faim sur le compte du gouvernement actuel. Depuis le début de notre mandat, rien de tel n’est arrivé. »

Le premier ministre turc espérait ainsi pouvoir sauver la mise devant un public affidé. Il a bien entendu évité de parler des 16 décès survenus parmi les prisonniers en grève de la faim depuis qu’il conduit le gouvernement AKP. Faut-il rappeler aussi que le ministre de la justice de ce gouvernement, M. Cemil Ciçek, a décoré d’une médaille d’or, le chef des prisons Ali Suat Ertosun, responsable de l’assaut et du massacre du 19 décembre 2000 sur les prisons, pour ses loyaux services rendus à l’Etat ? Faut-il rappeler que tous les anciens tortionnaires ont été appelés à servir dans des rangs supérieurs par l’équipe de Recep Tayyip Erdogan ? Faut-il rappeler que tous les tortionnaires demeurent impunis à l’instar de Maksut Karal ?

Qui est Maksut Karal ?


Maksut Karal est un tortionnaire notoire qui, durant les années 90, a servi dans le sinistre centre de tortures lié à la section anti-terroriste du directoire de la sûreté d’Ankara, appelé aussi « laboratoire de recherche approfondie » (DAL : Derin Arastirmalar Laboratuari).

Il bâtit sa notoriété sur ses « brillantes opérations contre le DHKP-C », parvenu à déjouer plusieurs attentats visant l’ex-premier ministre Süleyman Demirel ainsi que des responsables de l’état-major .

Haut de taille, blond aux yeux bleus, ce tortionnaire originaire d’Artvin (région limitrophe avec la Géorgie) est surnommé dans le milieu « le bel homme » (yakisikli en turc) et c’est également sous ce sobriquet que ses victimes le connaissent.

Plusieurs prisonniers qui ont survécu aun massacre du 26 septembre 1999 perpétré dans la prison d’Ulucanlar à Ankara l’auraient reconnu parmi les tortionnaires. Au cours de ce massacre, 10 prisonniers avaient sauvagement été assassinés à coups de poutres, de barres de fer, de chaînes, d’armes à feux et de gaz inconnus.

Dans une interview accordée à la télévision Halkin Sesi TV ( http://www.halkinsesi-tv.com ), l’ex-prisonnier politique Erdal Gökoglu donne un témoignagne cinglant sur les sévices que ce sinistre Maksut lui aurait fait endurer. En voici un extraît :

« Je pense que l’on n’oublie jamais le visage de son tortionnaire. Je le revois encore dans les douches, entrain de donner des ordres à ses nervis. Il avait l’air fier au milieu d’un tapis de sang et de cadavres. »

« On a fini par nous transporter sur des civières mais je me souviens avoir été projeté de ma civière puis d’avoir été traîné jusqu’à un véhicule et de là, jusqu’à une table d’opérations. Je ne me souviens pas de tout. Je ne savais pas non plus le genre d’intervention médicale qui m’était réservé. Quand je rouvris les yeux, il y avait des personnes en toge blanche autour de moi. Mon corps était tapissé de plaies ouvertes. Je me souviens des médecins qui me cousirent les sourcils et le pourtour des yeux. Cette intervention n’avait pas grand chose de médicale. J’avais l’impression d’être un gros morceau d’étoffe qu’on rapiéçait. C’est alors que Maksut ressurgit. Il s’est penché vers moi et m’a dit : “On a tué tes amis. On a tué Ismet . Maintenant c’est à ton tour de crever”. Cette scène avait lieu sous le regard des médecins. En fait, nous avions été sous escorte policière durant toute notre hospitalisation. Les policiers profitaient de la moindre occasion pour nous frapper sur nos blessures, pour nous cogner la tête contre les murs ou contre les portes de l’ascenceur. Cet hôpital n’avait rien de différent d’une salle de torture. Partout, j’entendais les gémissements de mes camarades répartis dans les chambres voisines. Dans cet hôpital de Numune, ils nous torturaient sous les yeux des médecins et à leur tête, il y avait toujours Maksut Karal. »


L’une de autres victimes de Maksut Karal, une jeune femme du nom de Gülnihal Yılmaz. Embastillée dans une prison de type F, elle avait entamé une grève de la faim au finish pour protester contre ses conditions de détention inhumaines. Le 25 août 2002, elle perdit la vie dans la prison de Kütahya, des suites de sa grève de la faim.

C’est à titre posthume que Gülnihal nous raconte :

« Le 5 octobre 1990, nous avons été arrêtés devant la faculté de droit de l’université d’Ankara où j’étudiais. Nous avons d’abord était conduits au commissariat de Cebeci. Arrivés sur place, j’ai été reçue à coups de poings par un individu de haute taille, aux yeux clairs, coiffant ses cheveux en arrière. J’allais apprendre par la suite qu’il était le commissaire qui apposait sa signature sous les déclarations. Mon nez saigna. J’avais des yeux au beurre noir.
Je me rappelle que le numéro de matricule de ce commissaire comportait un « 11 ». On peut oublier beaucoup de choses, mais le visage de son tortionnaire, jamais. Ma soif de justice a rendu son visage indélébile. Je pourrais à présent identifier un à un tous mes tortionnaires. Je me souviens clairement du moindre détail de leur visage. Je pourrais même les reconnaître à partir de photos.

Au « D.A.L », j’ai été torturée par une équipe dirigée par un certain Savaş Demir et son acolyte Ali Erşanlı. Savaş Demir portait pour nom de code « le prince ». Il avait les cheveux châtain. Il était haut de taille, s’habillait élégamment. Il avait les cheveux lisses, les yeux marron et ces jours là, il portait une moustache. Je l’avais déjà croisé dans les véhicules de transport public desservant le quartier de Dikmen. C’est lui qui ordonna que je sois suspendue par les bras, derrière le dos. Ali Erşanlı était également l’un des superviseurs des séances de tortures. J’ai pu connaître leur nom et les identifier après que j’intentai un procès contre eux en 1990. Durant ma garde à vue qui dura 15 jours, j’ai subi la pendaison palestinienne, des électrochocs, des passages à tabac et des sévices secxuels à plusieurs reprises. Parmi les tortionnaires, il y avait deux autres hommes, l’un maigre, haut de taille, aux cheveux crépus, au teint basané, toujours revêtu d’une veste en cuir et l’autren trapu, aux cheveux châtain, les yeux verts, des dents de lapin et la mâchoire supérieure proéminente.
Ce dernier, je le revis en 1993. Il était toujours de service au D.A .L. Aucun des tortionnaires qui m’avaient torturée en 1990 n’étaient présents, mis à part, un ou deux nervis. Cette fois-là, j’ai eu affait au commissaire Mehmet Yaşar ainsi qu’à des tortionnaires portant les noms de code « sale moustache », « le minus », « le bel homme ». « Sale moustache » était l’un des chefs des tortionnaires. C’est celui qui de temps en temps jouait le rôle de « gentil policier ». Il était petit de taille, avait les yeux verts, les cheveux ondulés et une « sale » moustache jaunâtre. Celui qui portait le sobriquet de « Minus » était au contraire haut de taille, avait les moustaches touffues, les cheveux châtains, le crâne partiellement dénudé et les yeux clairs.
Celui qui s’appelait « le bel homme », quant à lui, était blond. Il avait l’air de sortir tout droit du moule d’une usine américaine : sa dégaine faisait de lui l’archétype du flic américain. Il devait avoir plus ou moins 25 ans. Il est haut de taille, a les yeux bleus et est imberbe.

Durant ma détention, j’ai été torturée en différents endroits notamment dans le garage du DAL ainsi que dans une salle de la section anti-terroriste du commissariat d’Iskitler. La coutume veut que l’on soit reçu par les nervis à l’entrée du garage à coups de poing et de pieds. C’est en quelque sorte la haie d’honneur. Puis, vous tournez à gauche. Là, on vous déshabille pour vous humilier. Lorsque vous refusez d’être ainsi avili, vous êtes roué de coups jusqu’à ce que vous perdiez conscience. Moi-même, j’ai été torturée dans les toilettes qui se trouvent en face des cellules à porte métallique.
Les cachots se trouvent juste en face de la porte de prison. J’ai été suspendue à l’un des tuyaux qui traverse ces cachots. C’est sur cette tuyauterie qu’ils pratiquent la pendaison palestinienne. On m’avait placée préalablement sur une chaise posée sur une table puis d’un coup sec, on avait écarté les meubles, comme sur l’échafaud d’un condamné. Soudainement, vos bras s’écartent vers l’arrière.
J’avais les yeux bandés et les poignets attachés au moyen de menottes moëlleuses qui rappellent le manchon d’un tensiomètre dotées d’un système de fermeture américaine. Ces menottes ont été spécialement conçues pour ne pas laisser de traces. Suspendue par les poignets, j’ai subi une série de décharges électriques avec des électrodes trempées dans l’eau salée. Les tortionnaires promenèrent ces électrodes sur tout mon corps.
J’ai ainsi reçu des chocs électriques par les oreilles, par les tempes, les seins, les mains et les pieds. A l’endroit où le choc électrique est adminsitré, il vous reste une petite trace de brûlure. Après la pendaison, vos poignets sont couverts de blessures qui ressemblent à celles qui recouvrent les genoux des enfants. Ceci est dû à la pression et aux frottements des menottes. Mais, l’effet le plus grave est la paralysie. Après mes deux arrestations, je n’ai pu utiliser mes bras. Je souffrais d’une paralysie partielle. Après les séances de torture, les tortionnaires vous donnent une semaine de « repos » et de « convalescence » en cellule avant de votre comparution devant un procureur. Après la pendaison, on vous fait des massages avec de l’eau chaude et de la crème ‘Lasonil’. Si vous avez une plaie ouverte, on vous donne une autre pommade. Aujourd’hui, les traces d’inflammation que je porte aux poignets sont toujours vives. Si vous refusez d’être soigné, on vous force de guérir et on vous torture même pour cela. Mais cette fois, on fait tout pour ne pas laisser de traces ! Durant ma garde à vue, c’était « le Minus » qui s’était occupé de ma « guérison ». Après ma garde à vue, j’obtins un rapport de la médecine légale qui certifiait que ma vie avait été en danger durant ma détention.

Pour ma dernière garde à vue, j’ai eu un certificat médical décrivant une invalidité de 20 jours. Pour ma garde à vue survenue en 1990, je possède un certificat médical d’invalidité d’une semaine. Comme mes gardes à vue avaient été collectives, il y a de nombreux témoins qui peuvent corroborer mon récit concernant les tortures que j’ai subies. Mes tortionnaires ont été jugés sur base de mes rapports médicaux. Mais tous mes tortionnaires sont demeurés impunis.
Lorsque j’ai été arrêtée le 17 juillet 1993, j’étais en bonne santé. En revanche, à ma sortie du commissariat, je comptais plusieurs fractures à la boite crânienne. Je ne pouvais même plus porter une tasse de thé en raison des séances de pendaison palestinienne. J’avais frôlé la mort et pourtant, seul le commissaire Mehmet Aşar a fait l’objet d’une enquête judiciaire. Or, il serait irrationnel de penser qu’un tortionnaire agit seul. Les tortionnaires travaillent par équipe et de manière très organisée.
J’ai été moi-même témoin de leur professionalisme. Pendant les séances de torture au Laboratoire de recherche approfondie, il y avait toujours un groupe de 20 à 25 jeunes policiers. Les tortionnaires, hilares, me disaient alors : « ils sont ici pour apprendre ma chère ». Durant mes séances de tortures, j’eus un jour, l’occasion de découvrir mes yeux. Je me retrouverai alors devant un tas de visages : ceux des tortionnaires de demain. Quand on me dit « la torture est un phénomène isolé », je ne cesse de penser à mes deux camarades Birtan Altunbaş et Ayşenur Şimşek qui sont morts sous la torture. »


Nous espérons que les récits d’Erdal Gökoglu, de Gülnihal Yilmaz et de tant d’autres victimes de ce sinistre personnage feront davantage méditer les démocrates qui se laissent dangereusement bercer par les discours mielleux du premier ministre Recep Tayyip Erdogan.



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Action du 17 juin, Congrescentrum, Université de Rotterdam, Pays-Bas

Le premier ministre et son toutou
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Tayyip Erdogan et Maksut Karal, dit "le Bel Homme"

Encore Maksut
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Encore Maksut...
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Toujours Maksut
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Photo de Ismet Kavaklioglu, sauvagement assassiné par Maksut Karal et ses hommes, 26 septembre 1999, prison d'Ulucanlar.

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Photo de Ismet Kavaklioglu.

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Photo d'une victime du massacre de la prison d'Ulucanlar

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Gülnihal Yilmaz
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Gülnihal Yilmaz, décédée durant le jeûne de la mort, avait elle aussi été torturée par Maksut Karal.