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Sans Papiers
by Plate-forme Coordination Sans Papiers Monday, May. 03, 2004 at 4:58 PM

Commentaires de la CRER en avril et mai 2004

Lettre politique et plate-forme de lutte de la Coordination contre les Rafles, les Expulsions et pour la Régularisation


Depuis les années 70’, l’Europe a décidé de fermer totalement ses frontières à l’immigration. Depuis maintenant plusieurs années, ce choix s’est traduit par une amplification des arrestations, des rafles dans les communautés de sans papiers, d’emprisonnement dans des centres fermés, etc. Dernièrement, sous prétexte de combattre les marchands de sommeil, des dizaines d’équatoriens, de brésiliens, etc. étaient arrêtés et menacés d’expulsion. Par la suite, plus de mille Afghans étaient également sommé de quitter le territoire belge dans les deux ans. Et hier encore, des Bulgares étaient arrêtés et enfermés dans les centres fermés en vue d’une prochaine expulsion. Face à cette situation, différents groupes et individus ont décidé de se réunir et de former la « Coordination contre les rafles, les expulsions et pour la régularisation » dont ce texte représente les positions et les revendications communes.

Tout d’abord, le problème de l’immigration ne peut être traité en dehors des causes qui poussent des personnes à quitter leur pays. Loin d’être une partie de plaisir, l’émigration répond souvent à une nécessité. Dans l’impossibilité de trouver de quoi subvenir à leurs besoins, c’est-à-dire un travail, les gens n’ont d’autre solution que de partir travailler là où c’est possible. La Belgique elle-même a connu cette situation quand, au début du 20ème siècle, une grande partie de sa population émigrait dans les pays limitrophes, poussée par la nécessité de trouver du travail.

La question de l’immigration est donc présentée de manière totalement hypocrite par nos gouvernements. En Profitant des richesses de pays économiquement dépendants, en pillant les ressources et en surexploitant une main d’œuvre bon marché et dépourvue de tout droits, l’Europe crée elle-même une situation dont elle refuse pourtant d’assumer les responsabilités. L’immigration ne prendra ainsi pas fin avec des cordons militaires tout autour de nos frontières mais bien en s’attaquant aux causes de cette immigration, c’est-à-dire en donnant aux gens ce à quoi ils ont droit : un salaire juste et des conditions de travail dignes. En optant pour la voie répressive, l’Europe ne fait que favoriser l’immigration clandestine et la traite des êtres humains contre laquelle elle prétend pourtant lutter.

Au delà de l’octroi des mêmes droits dans les pays d’accueil, il s’agit donc aussi de lutter contre l’exploitation, qui est la raison première du déracinement de milliers de personnes.

Ensuite, l’apport économique des sans-papiers n’est pas reconnu en Europe occidentale ; or, après la seconde guerre mondiale, une grande partie de la reconstruction de ces pays s’est réalisée grâce à la main-d’œuvre immigrante. C’est ainsi que dans les années cinquante, l’état belge, en accord avec l’état italien, a fait venir en Belgique plus de cinq cent mille italiens pour travailler dans les mines de charbon. Par la suite, c’est avec l’Espagne puis le Maroc et la Turquie, que la Belgique devait également signer des accords d’importation de main d’œuvre. La politique d’immigration de notre gouvernement répond donc aux besoins de l’économie belge. Aujourd’hui, des pans entiers de l’économie ne fonctionnent en grande partie que grâce au travail des immigrés. C’est notamment le cas dans les domaines de la construction, la manutention, etc. où les sans-papiers fournissent une main d’œuvre bon marché et corvéable à souhait. Bientôt, la Belgique acceptera des quotas de travailleurs étrangers afin de subvenir aux pensions des travailleurs belges.

Si le système néolibéral promeut la libre circulation des capitaux et des entreprises, et si notre gouvernement élabore ses politiques d’immigration en fonction des besoins de ses entreprises européennes, nous, nous revendiquons la libre circulation et la libre installation des personnes partout dans le monde, en préservant le même niveau d’acquis sociaux des travailleurs dans les pays développés et en demandant que toute personne dans le monde puisse en avoir le bénéfice.

Aujourd’hui, oubliant l’apport essentiel, tout au long de l’histoire, des travailleurs immigrants à l’économie belge et au développement du pays, nous pouvons voir comment s’est développé un mouvement de rejet des immigrant(e)s.

La construction d’une Europe forteresse et la répression quotidienne dont font l’objet les sans papiers en Belgique et en Europe a, comme première conséquence, l’utilisation, par l’Etat belge, de moyens policiers et administratifs en totale violation des droits humains les plus fondamentaux : arrestations, emprisonnement sans qu’un délit ne soit commis, sauf celui de vouloir construire une vie meilleure, déportations. Cette politique répressive pousse également à l’immigration clandestine et au travail en noir, c’est-à-dire sous payé et sans aucun respect des conditions de travail légales.

Face à cette situation, nous, la Coordination contre les rafles, les expulsions et pour la régularisation, pensons qu’il est nécessaire de développer la lutte pour l’amélioration des conditions de toutes et tous les immigrant(e)s en Belgique.

1. Nous exigeons, pour toute personne, des droits égaux dans les pays d’accueil:

- Le respect des droits de tout individu, comme il est stipulé dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : Article 5 Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, article 9 Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.

- Le droit universel à un enseignement libre et de qualité. Nous ne voulons pas d’un enseignement élitiste et discriminatoire, pour que tous les enfants, y compris ceux des sans-papiers puissent obtenir leur diplôme une fois finies leurs études secondaires, puissent continuer leur formation universitaire et assurer ainsi une formation académique leur permettant de s’insérer dans le marché du travail, ici ou ailleurs.

Article 26 1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

- Le droit universel au logement. Nous exigeons le droit à un logement digne pour tous, sans papiers comme citoyens « légaux ». Ceci contribuerait à éviter la vague de spéculation qui s’est produite ces derniers années.

Article 13 1 Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.

- Le droit au travail. Nous revendiquons le droit au travail comme un élément fondamental pour le développement de l’humanité et dans le cas spécifique des sans-papiers comme un moyen d’améliorer leurs conditions de vie, de santé et de logement, et de s’intégrer dans la société. L’existence même du permis de travail, générateur de travail non déclaré est un moteur de l’exploitation des travailleurs illégaux dans une société toujours plus axée sur le profit. Sans permis, pas de l égalité, sans légalité pas de droits, sans droits pas de respect des conditions de travail, ni de rémunérations décentes.

Article 25 1 Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

2. L’acquisition de ces droits, pour les sans papiers, passe par une revendication centrale : celle de la régularisation.

Dans un premier temps, nous demandons l’arrêt immédiat de toutes les expulsions et la fermeture des centres fermés.

Nous exigeons que soit ouverte une procédure de régularisation de toutes et tous les immigrants afin que ces derniers puissent ainsi contribuer au développement de l’humanité comme il l’ont tout au cours de l’histoire. Un monde meilleur se bâtit par le partage des expériences et des connaissances.

3. Au-delà de la revendication de régularisation, nous demandons la mise en œuvre de la liberté d’installation et de circulation. Nous sommes cependant conscients que cela ne touche pas aux causes profondes de l’immigration, à savoir la dépendance économique envers les pays impérialistes, avec comme conséquence des conditions de vie chaque fois plus difficiles pour les travailleurs.

En effet, les flux migratoires persisteront, compte tenu des déséquilibres économiques mondiaux structurels. La liberté d’installation et de circulation, comme droit fondamental, est donc justifiée tant du point de vue économique qu’humain.

Article 13 Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat.

Enfin, une politique de développement durable et équitable permettant de garantir des conditions de vie décentes dans tous les pays et des relations équilibrées au niveau international constituent la base d’une solution visant à permettre aux migrants de choisir de rester là où ils sont nés.
La revendication de régularisation ne pourra être obtenue que par l’organisation et la
mobilisation unitaire de tous les sans-papiers, mais aussi par une mobilisation solidaire des travailleurs belges.

Arrêt des expulsions et fermeture des centres fermés.

Droit pour tous les travailleurs, immigrés ou non, à un salaire et des conditions de travail justes.

Régularisation, sans conditions, de tous les sans-papiers.