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Foulard ou voile islamique ?
by Mustafa Sari Sunday, Mar. 14, 2004 at 11:28 PM
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Veuillez trouver ci-dessous un texte intéressant à propos du voile et de la laïcité.


Foulard ou voile islamique ?

et
principe de la laïcité,
Etat de droit, démocratie,
culture politique, citoyenneté et croyance.


Introduction

Foulard ou voile ?

De quoi parlons-nous ?

J’ai entrepris, tardivement, la rédaction de ce texte pour manifester ma vive opposition même à l’interdiction du port de "ce" voile-là ; elle ne sert, selon moi, que la cause de ceux qui, dans le passé, ont endoctriné, éduqué et instruit les filles dès leur adolescence, afin d’en faire de futures militantes "porteuses", entre autres, de "ce" foulard.

Les maîtres dissimulés derrière "ce" voile - la pièce détachée d’une uniforme qu’ils ont importé en Europe dès 1986 avant d’en faire le porte-parole de leur idéologie politico-religieuse qui se veut "révélée" -, sont fiers aujourd’hui de voir leurs victimes, elles-mêmes, justifier le bien-fondé du militantisme qu’elles subissent, et qui est le produit de l’endoctrinement humiliant, dont elles ont hier été l’objet.

J’écris "ce" voile ou "ce" foulard pour ne point le confondre avec la coiffure élégante faite des jolis tissus en toutes couleurs noués autour de la tête de ma grand-mère, de ma mère, de mes sœurs … profondément croyantes ; ce qui, ci et là, suscitait et suscite encore la jalousie des spécialistes des coiffures mondaines et des marchands de beauté en tous genres.

Il est vain donc de vouloir ne pas voir que le présent incarne en lui le passé et le relaie inévitablement vers le futur, et de vouloir ainsi nous débarrasser de nos responsabilités relatives au passé pour mieux réduire celui-ci à néant et noyer de cette façon dans la confusion le problème dont nous prétendons nous préoccuper à présent. De fait, "ce n’est pas pour nous débarrasser d’elle que nous étudions l’histoire", comme le remarque Etienne Gilson, "mais pour sauver du néant tout le passé qui s’y noierait sans elle ; c’est pour faire que ce qui, sans elle, ne serait même plus du passé, renaisse à l’existence dans cet unique présent hors duquel rien n’existe." [1]

Je pense, en effet, que nous devrions d’abord avoir le courage d’analyser le présent à la lumière du passé, de ne pas avoir peur de constater que "ce" foulard n’est que l’arbuste qui cache mal la forêt, et que la situation actuelle au niveau mondial, dont la gravité est occultée ici par le "débat" engagé autour du voile, n’est que l’inévitable conséquence des alliances nouées, notamment, par les gouvernements et dirigeants américains et européens avec des régimes, organisations et mouvements qui ont encouragé dans le passé, et qui encouragent encore aujourd’hui, la promotion d’idéologies et de croyances les plus arriérées, les plus réactionnaires, obscurantistes et rétrogrades.

Et ensuite, nous devrions admettre qu’interdiction ne rime pas avec démocratie et liberté d’expression et, par conséquent, cesser d’agiter l’étendard d’un projet de société menaçant, qui ne vise qu’à contrecarrer, et en vain, les conséquences des actes des vrais adversaires que nous repoussons dans l’ombre en déviant, bien souvent volontairement, le regard vers les victimes.

Il serait temps alors de proposer à ces jeunes filles et femmes en foulard – et aussi à l’école - un vrai projet alternatif orienté vers le futur et ayant pour objet l’égalité des chances pour tous à une formation professionnelle, à l’éducation à la citoyenneté et à la démocratie, qui donneraient accès à leur insertion économique, sociale et politique dans une société pluraliste respectueuse d’elle-même, et à l’art du "vivre ensemble" dans un Etat de droit.

Pour mieux marquer la priorité, non pas de l’interdiction - la répression qui ne dit pas son nom -, mais de l’éducation et de l’instruction dans la démocratie - puisque, par essence, celle-ci puise, elle-même, sa force dans sa faiblesse -, je me concentrerai, dans les pages suivant, sur l’analyse des éléments fondateurs de l’endoctrinement politico-religieux et des alliances internationales de même nature, dont ont été victimes les populations dans les pays à majorité musulmane et les citoyens de confession musulmane en Europe et aux Etats-Unis, et cela depuis 1945, c’est-à-dire durant la longue période de la guerre froide.

Mais avant tout, je voudrais m’adresser ici à ceux qui me prendraient comme "adversaire" et leur soumettre amicalement la réflexion suivante de François Mauriac : "Vos adversaires se font en secret de la religion une idée beaucoup plus haute que vous ne l’imaginez et qu’ils ne le croient eux-mêmes. Sans cela, pourquoi seraient-ils blessés de ce que vous la pratiquiez bassement ?" [2]

Et aux partisans de l’instrumentalisation de Dieu à des fins jamais avouées, je voudrais proposer cette réflexion du soufi musulman qui, en regardant le ciel, exprime son attachement à deux esprits unis en un seul corps : "Ô Dieu! ne crois pas à la sincérité de tes partisans, ils ne s’abaissent que pour leurs intérêts. Si tu ne leur avais pas promis le paradis, ils ne se prosterneraient pas, non plus, devant toi. Ô Dieu!, quels que soient les bienfaits que tu me réserves dans ce monde, accorde-les à tes ennemis ; et quels que soient les bienfaits que tu me réserves dans l’autre monde, accordes-les à tes amis. Moi, ton Nom et ton silence suffisent à me combler".

Enfin, à ceux qui croient encore en Dieu ou en l’enfer, je proposerai cette pensée de la philosophe juive, Hannah Arendt, qui rend un vibrant hommage au silence de Dieu face à l’horreur du nazisme : "Par exemple, dit-elle, je suis absolument sûre que toute la catastrophe totalitaire ne serait pas arrivée si les gens avaient encore cru en Dieu ou plutôt en l’enfer, c’est-à-dire s’il y avait encore eu des référents ultimes. Il n’y en avait pas. Si notre avenir devait reposer sur ce que vous dites maintenant, à savoir que nous disposerons d’un référent qui d’en haut décidera pour nous, je serais tout à fait pessimiste. Si tel est le cas, alors nous sommes perdus. Parce que cela requiert bel et bien l’apparition d’un nouveau dieu. Et vous savez aussi bien que moi qu’il n’y avait pas de normes ultimes à la validité desquelles on pouvait faire appel. On ne pouvait faire appel à personne." [3]

Soixante ans plus tard, je me demande sincèrement s’il y a déjà eu dans ce monde une valeur reconnue à la dignité humaine, s’il y en a une à notre époque à l’aune de l’utilitarisme, de l’excès de matérialisme et d’égoïsme, de la conquête du pouvoir, de la puissance et de la gloire devenus références universelles.

Et enfin, je me demande s’il y avait et s’il y a encore des normes ultimes à la validité desquelles on pouvait et on peut faire appel.

Allô, y a-t-il quelqu’un ?


Chapitre I

Concerto pour l’"Islam" instrument

In God We Trust. Nous Croyons En Dieu.
Zij Met Ons God. Allah Ou Akhbar.

Pourquoi Pas ?

A. Deux questions.

1. En Europe et aux Etats-Unis - comme en Arabie Saoudite et en Iran -, faut-il continuer à enseigner aux citoyens de toutes confessions en général, et aux citoyens de confession musulmane en particulier, qu’une prétendue "idéologie laïque" serait l’inspiratrice des "religions laïques" qu’auraient été le nazisme et le communisme ?

2. Faut-il continuer à leur enseigner que les deux expériences totalisantes et terrifiantes du XXe siècle - le nazisme et le communisme - auraient été deux tentatives "laïques" ayant pour but de singer les religions, dont le christianisme ?

Car, en laissant sous-entendre qu’une prétendue "idéologie laïque" ait été l’inspiratrice des "religions laïques" qu’auraient été le nazisme et le communisme, et que ces deux expériences totalisantes et terrifiantes du XXe siècle, aient été deux tentatives "laïques" qui auraient pour but de singer les religions, il n’y aurait plus qu’à tirer alors la conclusion que toute personne exprimant son attachement au "principe de laïcité", et toute personne qui se dirait laïque, serait communiste ou nazie, ou les deux à la fois…

En ce qui concerne les sources auxquelles je me réfère pour la formulation de ces questions, il s’agit, non pas des discours de Ben Laden, des mollahs iraniens, des princes saoudiens ou des "soldats du jihad" mais bien des écrits d’intellectuels américains et européens que nous découvrirons par la suite. Ces écrits en disent assez, me semble-t-il, quant à l’objectif visé par l’endoctrinement politico-religieux que j’ai évoqué dans l’introduction, et dont ont été victimes les populations dans les pays à majorité musulmane et les citoyens de confession musulmane en Europe et aux Etats-Unis, et cela, je le répète, depuis 1945, c’est-à-dire durant la longue période de la guerre froide.

L’incontestable succès de cet endoctrinement était, et reste, dû exclusivement à l’exploitation élégante et raffinée de l’incrédulité et de l’ignorance que la plus grande majorité d’entre nous cultive par paresse intellectuelle ou par désintérêt pour tout ce qui concerne la chose publique et politique. Je crois que nous pourrions nous en rendre compte en lisant ces questions et en nous interrogeant en même temps sur le fait de savoir quel est le but que se propose d’atteindre le principe de laïcité, et ce que nous entendons vraiment par laïc et laïcité.

Au regard des réponses que l’on donnerait à ces questions, nous pourrions découvrir que la base idéologique de la collaboration des frères ennemis - tant dans les pays musulmans qu’aux Etats-Unis et en Europe, et au sein des "ghettos musulmans" des deux continents -, l’ennemi commun à abattre, était et reste le principe de la laïcité de la société et de l’Etat.

De même pour le défi lancé par le port du voile à la laïcité de l’Etat et de la société, la laïcité étant considérée comme une invention des impies, d’après tous les discours et écrits des partisans de la théocratie s’inspirant de l’idéologie dogmatique qui se veut "révélée". Car le voile, comme tout symbole d’idéologie à caractère totalitaire, a pour but non avoué l’envahissement total ou partiel de l’espace public par la religion via, dans le cas qui nous préoccupe, l’affirmation publique des croyances et des appartenances religieuses.

Le voile en effet n’est pas un signe modeste, mais un symbole fort - l’étendard et le porte-parole - d’une idéologie politico-religieuse ; j’en veux pour preuve que la tenue vestimentaire prétendument islamique, qui serait conseillée ou imposée aux femmes par la religion, ne se réduit pas au voile qui se laisse si bien porter, n’est-ce pas ?, avec un pantalon et une chemisier bien serrés en mettant bien en évidence les jolis visages et les lignes "provocatrices" des corps.

Remarque :

Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’estime nécessaire, ici, d’ouvrir une parenthèse pour dire ou répéter ce qui peut paraître banal, à savoir ce que l’on entend précisément par laïc et ce que couvre le principe de la laïcité. La langue française n’étant pas celle de ma mère, je consulte le dictionnaire, et je lis :

LAÏC, LAÏQUE, se dit de quelqu’un qui ne fait pas partie du clergé, qui n’a pas reçu les ordres de cléricature ou de quelqu’un qui est indépendant de toute confession religieuse. Par conséquent, un laïc n’est pas nécessairement un athée, un agnostique ou un anticlérical, encore moins un communiste ou un nazi. Hormis une infime partie de l’Humanité qui appartient au clergé, ne sommes-nous pas tous laïcs ?

LA LAÏCITE, par ailleurs, est un principe qui préconise la séparation de la société civile et de la société religieuse, du temporel et du spirituel. En opposition avec une société totalitaire régie par un Etat théocratique où le pouvoir politique et le pouvoir religieux ne font qu’un, dans une société démocratique régie par un Etat de droit, l’Etat n’exerce aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique.

Par conséquent, le principe de laïcité n’est pas l’inspirateur d’une religion, et une personne qui lui exprime son attachement, n’est pas adepte d’une religion qui aurait été celle du nazisme ou du communisme, ni d’une secte quelconque dont serait adepte le Président Elu de la « majorité des croyants » américains qui, eux aussi, seraient Elus.

Religieux et laïcs, ensemble, ne sommes-nous pas tous respectueux du principe de laïcité qui procède de la démocratie, de l’Etat de droit, et donc d’une société pluraliste respectueuse d’elle-même ?

Ceci étant dit, on ne peut évidemment pas nier, et nous y reviendrons au deuxième chapitre, l’existence réelle et la reconnaissance tacite en Belgique, par exemple, de ce que l’on pourrait effectivement qualifier de "religion laïque" qui bénéficie du financement public au même titre que les autres religions reconnues, et qui ne se distingue de celles-ci que par la forme de ses rites, de ses cérémonies, de ses loges, de ses cercles, de son baptême, etc.


A. Principe de laïcité.

Il y a dix-huit ans, en 1986, j’avais sollicité pour la première fois, un rendez-vous auprès d’un journaliste du quotidien "La libre Belgique" pour m’entretenir avec lui de la lutte que j’avais engagée neuf ans plus tôt, en 1977, contre les agissements des néo-fascistes verts. Nous nous sommes trouvés dans un restaurant au Boulevard Emile Jacqmain à Bruxelles. Après avoir échangé quelques mots, il m’a demandé si j’étais "laïc" :

- Pardon, je ne comprends pas votre question.
- Je vous demandais si vous êtes croyant ou non.
- Ah bon, selon vous, un laïc serait un athée ou un agnostique ?
- N’est-ce pas ainsi que vous le comprenez ?
- Non. Je ne suis effectivement pas laïc comme vous l’entendez, mais je pourrais effectivement dire que je le suis dans le sens où je n’appartiens à aucun clergé. Je ne suis donc ni imam ni curé ni rabbin, bref je ne suis pas un religieux, un fonctionnaire de la foi, si vous voulez. N’est laïc, selon moi, que celui qui n’appartient pas au clergé comme n’est civil que celui qui n’appartient pas à la caserne.

- Alors, êtes-vous croyant ?
- Oui, je suis croyant et très attaché au principe de la laïcité ….

Le "choc culturel" était frontal car, ceux que je qualifiais de néo-fascistes, ont été non seulement proclamés "combattants de la liberté" par leurs amis et alliés américains et européens, mais aussi ils enseignaient aux "communautés" musulmanes en Belgique - aux enfants dans les écoles, aux hommes dans les mosquées et aux femmes dans les foyers -, que le principe de la laïcité serait l’inspirateur de la "religion laïque" qui aurait été celle du nazisme vaincu, et du communisme qu’il fallait vaincre.

Qui plus est, quelques jours avant ma rencontre avec ledit journaliste, j’ai été agréablement surpris en lisant dans mon célèbre dossier d’option de patrie, le rapport très sympathique de la Sûreté de l’Etat belge : "Mustafa SARI se bat, notamment par des lettres ouvertes, contre l’Arabie Saoudite". Ni plus ni moins.

C’est à cette occasion que j’avais compris pourquoi j’avais été surnommé "communiste Mustafa" par les guides suprêmes, des commandants de la communauté de croyants, allant des diplomates aux autorités politiques, agents des services secrets, journalistes et autres en passant par de vils agitateurs de rue et de coulisses. Alors que je ne me souvenais pas avoir manifesté une quelconque sympathie pour le communisme, bien au contraire.

En lisant le rapport, salut, m’étais-je dit, à ceux qui manifestent leur attachement au principe de la laïcité - aux "communistes" -, qui se battent contre l’allié le plus privilégié de l’Amérique et de l’Europe dans la "guerre sainte" menée par les combattants de la liberté dans les pays musulmans contre les régimes impies. Ces communistes qui se battent contre la puissante Arabie Saoudite, qui finance par les pétrodollars des terroristes recrutés jadis un peu partout dans le monde, mais aussi aux Etats-Unis et en Europe, dont la Belgique, par le prince Turki, alors chef des services secrets saoudiens de renseignement et officier traitant des fameux "soldats de la liberté" dont le nom commun était "Afghans", et cela, en complicité étroite avec notamment les services secrets, amis et alliés, américains, belges, turcs et pakistanais.

Amis et alliés, ceux-là même qui les mal-traitent aujourd’hui de terroristes islamistes ou d’intégristes musulmans. Ceux-là même qui les jugent à présent alors qu’ils auraient dû, eux-mêmes, être jugés hier. Il est donc pour le moins incertain de voir un jour s’ouvrir le procès de ceux qui ont inspiré, financé, entraîné et trompé ces milliers de femmes, d’hommes, de jeunes et d’enfants, dont certains se sont transmués en terroristes.

Dans la conclusion de leur analyse concernant l’attaque du 11 septembre 2001 par des pirates kamikazes, du World Trade Center de New York et du Pentagone à Washington, Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié constatent que "Plus personne dans les pays riches n’échappera à une lecture critique des cinquante années de politique étrangère passées, et singulièrement de la politique pétrolière. Avec elles notre développement économique repose sur des alliances avec des dictatures pétrolières et encourage ces dernières à promouvoir les croyances les plus arriérées. Tôt ou tard s’ouvrira le procès des terroristes, de leurs commanditaires et peut-être des Etats qui les hébergent et les soutiennent objectivement. Plus incertain est celui, qui reste à faire, de ceux qui les inspirent, et financent, par action, omission ou intérêt." [4]

Ces Inspirateurs et financiers des terroristes, ne seraient-ils pas, par exemple, l’Iran, l’Irak, la Libye, le Soudan, l’Autorité palestinienne, l’Afghanistan, ou des organisations de « barbus » de tous bords ? Peut-être, mais Jhon K. Cooley nous met sur la piste d’autres inspirateurs et financiers au-dessus de tout soupçon : « En 1980, il fut décidé que la C.I.A. allait réquisitionner du personnel militaire américain spécialisé, avec le soutien des militaires pakistanais, pour former une armée de musulmans fanatiques.


· Ils seraient bien payés et se déploieraient avec l’aide des gouvernements musulmans et anticommunistes, comme le Pakistan tout proche et la riche Arabie Saoudite.

· Presque tous seraient musulmans et croiraient que Dieu leur a ordonné de combattre ses ennemis : les communistes impies et les envahisseurs russes.

· Leur récompense terrestre serait la gloire et une paie généreuse. Pour ceux qui mourraient en martyrs, la récompense serait au ciel. » [5]

Vingt-deux ans plus tard suivant la décision prise par la C.I.A., soit en 2000, une femme, mère d’un kamikaze palestinien, bénit son fils avant l’action et lui dit : "Tue beaucoup d’ennemis et envole-toi vers le paradis où tu trouveras les 72 vierges qui te sont destinées", avant de l’embrasser sur le front et après avoir déclaré : "Mon fils est la fierté de notre famille. J’encourage tous ses frères à faire comme lui." [6]

N’est-ce pas étonnant, pour ne pas dire étrange, de voir le lien entre la promesse faite à son fils par "Big Mother musulmane Elue" et la promesse faite aux musulmans par "Big Brother chrétien Elu" qui endoctrina, forma et encouragea à mourir en martyrs ces mêmes musulmans ? N’est-ce pas étonnant de voir ce lien établi entre les dollars destinés à récompenser les candidats "martyrs" dans le monde terrestre, et Dieu qui nécessairement récompenserait au ciel ses fidèles alors devenus "martyrs" ?

Non, il n’y a rien d’étonnant parce que "une vie heureuse dure un certain nombre de jours, mais un nom honoré demeure à jamais" ; ce qui, ne plaise à Dieu, me rappelle le message suivant qui aurait été envoyé à ceux qui seraient, eux aussi, Elus :

Destin des impies.
De méchants garnements, tels sont les fils des pécheurs,
ceux qui hantent les maisons des impies.
L’héritage des fils des pécheurs va à la ruine,
leur postérité est l’objet d’un continuel reproche.
Un père impie est insulté par ses enfants,
car c’est de lui qu’ils tiennent le déshonneur.
Malheur à vous, impies,
qui avez délaissé la loi du Dieu Très-Haut.
Si vous multipliez, c’est pour la perdition :
Si vous êtes engendrés, vous le serez pour la malédiction ;
et si vous mourez, la malédiction sera votre part…
Une vie heureuse dure un certain nombre de jours,
mais un nom honoré demeure à jamais. [7]

Comment s’empêcher alors de se demander pourquoi et où Dieu récompenserait les inspirants et les financiers criminels. A lire l’histoire tant proche que lointaine, on se rend compte que les prétendus martyrs, leurs financiers et inspirants se récompensent eux-mêmes dans ce bas monde sans intervention divine.

La belle époque où les soldats du Jihad, les moudjahidins, dont les talibans, étaient choyés, entraînés, armés et financés par les Etats-Unis et ses alliés européens et autres, est révolue. Oussama Ben Laden devenu la réincarnation du Mal, il était entré dans l’arène mondiale en tant que coordinateur des "brigades internationales des combattants de la liberté" et des services secrets occidentaux, saoudiens, pakistanais, soudanais, turcs, etc.

A l’époque tout ce qui était dirigé contre l’Union soviétique faisait partie de l’empire du Bien mais pas seulement car c’est l’Occident qui armait aussi le « laïc » Saddam Hussein contre le régime des mollahs en Iran, alors qualifié d’intégriste. En effet, l’instrumentalisation de Dieu par les mollahs, était à combattre comme étant l’incarnation du Mal parce qu’il allait à l’encontre des « progrès » que l’Empire du Bien cherchait tant pour des raisons politiques, économiques et financières, que pour la sécurité des Américains et de leurs amis, dont, par exemple, le régime "modéré" saoudien le plus "intégriste", le plus obscurantiste et le plus rétrograde du monde.

Bref, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, tant que les régimes tyranniques, dictatoriaux, totalitaires et fascistes soutenaient les "progrès" que l’Amérique cherchait ; tant que les "combattants de la liberté", les terroristes alliés, menaient la "guerre sainte" un peu partout dans le monde, au nom de Dieu et pour le compte de l’Amérique et de ses amis ; tant que l’utilisation de la religion à toutes fins servait l’Amérique et ses amis, le "Monde Libre" était heureux en détournant le regard quand des hommes et des femmes étaient torturés, affamés, oppressés, leurs droits les plus élémentaires ignorés et leurs espoirs étouffés.

Le jour où les mêmes tyrans, dictateurs et terroristes se sont dressés en adversaires qui ne voulaient - ou qui ne pouvaient - plus servir l’Amérique et ses amis, les « réformes » s’imposaient, comme elles s’imposeraient à présent si on en croit les récentes déclarations du George W. Bush :

"Tant que la religion est celle de la tyrannie, du désespoir et de la colère, elle produira des hommes et des actions qui menacent la sécurité des Américains et de leurs amis, Nous cherchons les progrès pour des raisons très politiques : les démocraties ne soutiennent pas les terroristes et ne menacent pas le monde avec des armes de destruction massive (…) Trop longtemps la politique américaine a détourné le regard quand des hommes et des femmes étaient oppressés, leurs droits ignorés et leurs espoirs étouffés. Cette ère est terminée (…). Nous nous concentrerons sur l’avènement d’élections libres, de marchés libres et de la liberté de la presse. Nous soutiendrons les réformateurs qui demandent l’Etat de droit." [8]

Dit autrement, tant que l’instrumentalisation de Dieu et de la religion est l’œuvre de la théocratie américaine, phare de la démocratie, qui œuvre pour le Bien de l’Humanité entière ;

Tant que les armes de destruction "chirurgicale" qui ne provoquent - en cas d’utilisation dans des situations d’absolue nécessité -, que quelques petits dégâts collatéraux massifs hautement regrettables, sont détenues par l’Amérique Elue par Dieu, donc responsable et non folle comme ses alliés amis tyranniques et dictatoriaux les plus rétrogrades du monde ;

Il n’y a vraiment pas lieu de s’inquiéter quant à la pérennité des marchés libres universels et de la liberté universelle de l’argent-dieu.

Quant aux élections libres, nous pouvons vraiment être assurés que cela se passera bien, partout dans le monde. Même dans la République islamique déjà instaurée en Afghanistan et dans la République islamique pas encore proclamée en Irak, mais aussi aux Etats-Unis où « on ne peut pas être élu à des postes de responsabilité politique si l’on n’est pas ouvertement religieux. Et, de ce point de vue, Ben Laden se rapproche d’une manière étrange du système américain »[9], comme l’avait également compris Salman Rushdie.

Précisément, du système américain ou plutôt de la théocratie américaine, qu’en est-il vraiment ?


B. La laïcité de l’Amérique

Le 15 février 2002, soixante intellectuels américains, enseignants pour la plupart dans les plus prestigieuses universités des Etats-Unis, publient, dans le journal "Le Monde", une lettre intitulée « Lettre d’Amérique, les raisons d’un combat », pour expliquer et justifier les raisons de la guerre menée en Afghanistan.

Le 7 mars de cette même année, j’ai répondu à cette lettre par une autre intitulée "Lettre à l’Amérique, les raisons d’un combat", où je m’adressais aux américains en ces termes :

[ Pour ce qui est du principe de laïcité et le message politico-religieux que vous envoyez à ce que vous appelez « les sociétés musulmanes », permettez-moi d'abord de relever ici vos propos suivants:

« Les fondateurs des Etats-Unis, se basant sur la tradition de la loi naturelle autant que sur l'assertion religieuse fondamentale selon laquelle tous les hommes ont été créés à l'image de Dieu, ont posé comme « évidente en soi » la notion d'égale dignité pour tous. L'expression politique la plus nette de cette croyance en une dignité humaine transcendante est la démocratie.

La société américaine, dans ce qu'elle a de meilleur, s'emploie à faire en sorte que foi et liberté aillent de pair, chacune rehaussant l'autre. Nous avons un régime laïque - nos dirigeants politiques ne sont pas des dirigeants religieux - mais notre société est de loin la plus religieuse du monde occidental. Notre nation respecte profondément la liberté et la diversité religieuses, y compris les droits des non-croyants, mais proclame dans ses tribunaux et inscrit sur chacune de ses pièces de monnaie la devise : « In God We Trust. » Politiquement, notre séparation de l'Eglise et de l'Etat vise à maintenir la politique dans sa sphère propre, en limitant le pouvoir d'intervention de l'Etat dans les affaires religieuses et en obligeant ainsi le gouvernement à asseoir sa légitimité et ses actes sur des bases morales qu'il n'a pas inventées lui-même.

Spirituellement, notre séparation de l'Eglise et de l'Etat permet à la religion d'être religion, en la détachant du pouvoir coercitif du gouvernement. En bref, nous nous efforçons de séparer l'Eglise et l'Etat pour la protection et la vitalité de l'une et de l'autre.

Bien que l'idéologie laïque semble de plus en plus, dans notre société, emporter l'adhésion des jeunes générations, nous la désapprouvons parce qu'elle vient à l'encontre de la légitimité d'une partie importante de la société civile et tend à nier l'existence de ce que l'on peut considérer avec quelque raison comme une dimension importante de la personne humaine. (A ce sujet, les avocats de la laïcité surestiment sans doute la capacité des sociétés humaines à se passer de « religion », même en théorie).

En outre, ils mesurent mal, même en acceptant leurs propres prémisses, les conséquences sociales de la suppression de la religion traditionnelle. Car, si nous considérons la religion comme une valeur ultime, le vingtième siècle a offert au monde deux exemples terrifiants - le nazisme en Allemagne, le communisme en Union soviétique - de religions laïques, qu'on peut appeler religions de substitution, toutes deux destinées à éradiquer la foi religieuse traditionnelle (en fait, une foi concurrente) et toutes deux parfaitement indifférentes à la dignité humaine et aux droits de l'homme fondamentaux. »

Merci de nous avoir appris que vous avez un régime laïc bien que vous désapprouvez l'idéologie laïque. Merci de n’avoir pas laissé sans réponse la question de savoir ce qu’est une idéologie laïque. Le nazisme et le communisme seraient des religions, et ces deux religions auraient pour appellation commune « religion laïque » qu'on pourrait, selon vous, s'appeler religion de substitution ou idéologie. Force m’est alors de vous poser la question suivante : le vingtième siècle n’aurait-il pas offert au monde un autre exemple terrifiant d’un manque criant de moralité ? Ce que je n’oserais même pas qualifier de religion de substitution, à savoir l’impérialisme américain dans le monde, et ses ravages.

Le nazisme prétendait obéir rigoureusement et sans équivoque à la loi de la nature et donc à la loi morale naturelle, tandis que le communisme aussi prétendait rigoureusement et sans équivoque obéir à la loi de l'Histoire et donc à la loi morale historique, avant de faire de chacune de ces lois, une loi de mouvement dépourvue de toute notion de moralité de quelque ordre que ce soit.

Il restait alors à l'Amérique « chrétienne » et à ses alliés « musulmans », de faire d’abord un subtil mélange des lois de la nature et de la prétendue nature de Dieu, et à transformer, ensuite, ce mélange en une loi de mouvement dépourvue de toute notion de moralité, avant de l'opposer à la loi de l'Histoire. N’est-ce pas ainsi qu’en théocratie américaine, et chez ses alliés théocratiques, Dieu fut transformé en une idole au service de desseins humains ? N’est-ce pas ainsi qu’en théocratie américaine, comme chez les théocraties alliées, le « Pouvoir » temporel et le « Pouvoir » religieux vont de pair.

D’une part, la sentence du capitalisme mondial imprimée sur le dollar, « In God We Trust », rappelle que les fondateurs « laïcs » de la République américaine, n’ont jamais hésité à solliciter la protection divine pour la réussite de leurs entreprises. Et d’autre part, il est vrai que politiquement, votre séparation de l'Eglise et de l'Etat ne vise pas, contrairement à ce que vous prétendez, à maintenir la politique dans sa sphère propre.

Sous couvert de limitation du pouvoir d'intervention de l'Etat dans les affaires religieuses, et d’obligation du gouvernement à asseoir sa légitimité sur des bases morales qu'il n'aurait pas inventées lui-même, vous vous permettez de justifier les actes autrement injustifiables de votre gouvernement, au nom de Dieu et donc au nom de la « morale » qu'il n'aurait pas inventée lui-même : même tuer, même faire tuer, même affamer et faire affamer des millions d’enfants, de femmes et d’hommes « créés à l'image de Dieu », un peu partout dans le monde.

En démocratie, les citoyens électeurs créés à l'image de Dieu éliraient, selon vous, leurs représentants qui, par transcendance, incarneraient la nature de Dieu et exerceraient le pouvoir temporel au nom de l'ordre moral établi par les lois de la nature et de la nature de Dieu. Les mollahs d'Iran, élus démocratiquement en représentants de Dieu par transcendance, ne prétendent pas faire autre chose. A cette différence près qu'ils sont mollahs, c'est-à-dire religieux qui se distinguent par l’habit et la longueur de la barbe, et non pas des civils bien rasés, en col et cravate, comme les représentants américains de Dieu par transcendance.

Le principe de laïcité n'est ni une religion, ni une idéologie, encore moins une religion de substitution. Par contre, ce qui fait horreur aux tenants de la théocratie, de l’idéologie « révélée », c’est ce principe qui esquisse, par ce qu’il préconise, les éléments du dénominateur commun servant de base à l’élaboration de l’art du « vivre ensemble » dans une société pluraliste.

Le principe de laïcité préconise que les options confessionnelles ou non confessionnelles relèvent exclusivement de la sphère privée des personnes, et exprime la volonté de construire une société juste et fraternelle, dotée d’institutions publiques impartiales, garante de la dignité de la personne et des droits humains assurant à chacun la liberté de penser, d’expression, de croyance et de conviction religieuse ainsi que l’égalité de tous devant la loi sans distinction de sexe, d’origine, de culture ou de conviction de quelque ordre que ce soit.

Il prône la séparation entre la religion et l'Etat, le temporel et le spirituel, le pouvoir religieux – car ce Pouvoir existe - et le pouvoir politique, et aussi et surtout entre la croyance et la citoyenneté. Il s’oppose ainsi à l’instrumentalisation et à l’utilisation de la religion et de Dieu aux fins qui sont les vôtres. Il ne vise ni la suppression de la religion ni la recherche d’une substitution à celle-ci. Au contraire, il est le seul garant à la fois des libertés civiles, et de la liberté de culte et de conscience. Et il procède du fondement même de la démocratie et donc de l'Etat de droit, et d'une société respectueuse d'elle-même.

Lorsque vous proclamez dans vos tribunaux et inscrivez sur chacune de vos pièces de monnaie la devise - ou le slogan - « In God We Trust », vous ne respectez point la démocratie, encore moins l'opinion et les droits des non-croyants notamment. Vous respectez tout au plus la liberté d'opinion de la majorité des croyants électeurs, de la « majorité morale ». Les mollahs d'Iran et les princes saoudiens, tout comme Ben Laden, prônent aussi la liberté des non-musulmans, des minorités impies, mais sous un régime théocratique totalitaire dont ils sont les maîtres.

Lorsque votre Président prête serment la main droite sur la Bible, il ne prête pas serment en tant que Président de tous les Américains. il prête serment en tant que Président de la « majorité morale ». Les mollahs et tous les théocrates ne font pas autrement car ils ignorent que la démocratie n’est pas le règne de la majorité, du plus fort, mais le respect de la minorité, du plus faible. Vous avez effectivement trop de points communs avec vos amis, comme vous le soulignez dans votre lettre.

Je ne peux pas croire que vous n'avez pas pesé la gravité de votre message de circonstance envoyé à ce que vous appelez les « sociétés musulmanes » là où vos alliés théocrates les plus rétrogrades dits « modérés », considèrent effectivement le principe de la laïcité, la démocratie, et l'Etat de droit, comme les inventions des impies occidentaux.]

Je souhaite insister ici sur le passage suivant de ce que nous venons de lire : Vous vous permettez, disais-je aux américains, de justifier au nom de Dieu, les actes autrement injustifiables de votre gouvernement. En d’autres termes, je mettais l’accent sur la façon de se servir de l’idée de Dieu afin d’expliquer le cours du monde, de soustraire ainsi les décisions importantes prises par le gouvernement américain, au jugement des citoyens et de les empêcher ainsi de former leurs opinions.

Les réflexions suivantes soulèvent précisément l’ambiguïté consciente qui caractérise la prétendue laïcité américaine, et soulignent l’importance dans une démocratie digne de ce nom, de la prise de responsabilité par des citoyens et la nécessité impérieuse de leur participation aux décisions importantes les concernant.

Dans son analyse des pensées de Hannah Arendt concernant le jugement, Roland Breiner constate que « la véritable portée de l’opposition arendtienne entre la vérité philosophique et le jugement de citoyen, a pour but d’étayer « le rang et la dignité » de l’opinion. C’est grâce au jugement, écrit-il, que l’opinion échappe au discrédit qu’ont traditionnellement jeté sur elle les philosophes. Il est clair que le jugement et l’opinion vont indissolublement de pair en tant qu’ils sont les facultés maîtresses de la raison politique. C’est le jugement qui fournit à l’opinion sa dignité propre, en lui accordant, face au poids de la vérité, une dimension de respectabilité. De cette façon, les deux facultés – juger et former des opinions – sont rachetées en même temps. »

Hannah Arendt évoque en effet d’un seul trait le jugement et l’opinion en général, et en Amérique en particulier : elle constate d’abord que "L’opinion et le jugement, ces deux facultés rationnelles, politiquement déterminantes, avaient été presque entièrement négligées par la tradition américaine de pensée politique aussi bien que philosophique."

Et elle souligne, ensuite, que "Les pères fondateurs de la révolution américaine étaient conscients de l’importance de la pensée politique et philosophique en dépit du fait qu’ils n’essayèrent pas consciemment de redonner à l’opinion le rang et la dignité qui lui convenaient dans la hiérarchie des aptitudes rationnelles de l’homme. Il en va de même pour le jugement, et si nous voulions apprendre quelque chose touchant son caractère et sa portée étonnante dans le royaume des affaires humaines, il faudrait nous reporter à la philosophie de Kant plutôt qu’aux révolutionnaires. Les pères fondateurs - les révolutionnaires - eux-mêmes n’étaient pas capables de transcender "le cadre étroit et borné par la tradition de leurs concepts généraux" au point de reconceptualiser ces deux facultés rationnelles de la vie politique. En d’autres termes, on attend encore la reconstruction requise." [10]

De fait, on est encore vraiment loin de la reconstruction requise, comme nous le confirme Tony Judt : "Un président américain, constate-t-il, qui tient des réunions d’études bibliques à la Maison Blanche et qui commence les Conseils des ministres par une prière peut sembler un anachronisme curieux pour les alliés européens. Mais il est en phase avec ses électeurs." Et ce, avant de souligner ce qui rend les Européens perplexes à l’égard de l’Amérique : "C’est précisément, dit-il, ce que la plupart des Américains croient être le meilleur atout de leur pays : son mélange unique de religiosité moraliste, de systèmes de protection sociale minimaux et de liberté de marché maximale – l’american way of live -, conjugué à une politique étrangère missionnaire tendue vers l’exportation de ce même ensemble de valeurs et de pratiques." [11]

Cependant, s’agissant d’européens très peu perplexes, constatons qu’à son tour et sans concertation préalable, je le suppose, avec ses collègues d’Outre Manche, Philippe Van Meerbeeck, psychiatre et psychanalyste, professeur à l’Université Catholique de Louvain, écrit en 2003 : "Les deux tentatives laïques de singer le christianisme ont mené notre XXe siècle à deux expériences totalisantes et terrifiantes, le nazisme et le communisme, vaincue chacune sur leur propre terrain, le nazisme sur le terrain de la guerre en 1945, le communisme sur le terrain de l’économie en 1998." [12]

Et il ajouta : "Marc-Edouard Nabe a osé écrire, quelques jours après le 11 septembre 2001, dans un livre, brûlant comme un cierge, intitulé Une lueur d’espoir : "La seule chose que Georges Bush aurait dû faire le soir du onze au milieu des ruines, c’est s’agenouiller et demander pardon. "Un peu d’ardeur, repentez-vous !" disait Saint Jean. Au lieu de cela, on a droit à une « Justice sans limite », la nouvelle guerre prévue, exigée, programmée… Connerie sans limite, qui pousse au casse-pipe de pareils justiciers."

"Un peu d’ardeur, repentez-vous !", disait Saint Jean. Alors, avant de lever entièrement le coin du "voile" pour voir ce qui se cache en-dessous, repentons-nous et répétons les deux questions fondamentales que j’avais posées au début du chapitre, et qui, a priori, pouvaient paraître bizarres ou carrément insensées alors qu’elles soulèvent la "connerie sans limite" :

1. En Europe et aux Etats-Unis - comme en Arabie Saoudite et en Iran -, faut-il continuer à enseigner aux citoyens de toutes confessions en général, et aux citoyens de confession musulmane en particulier, qu’une prétendue "idéologie laïque" serait l’inspiratrice des "religions laïques" qu’auraient été le nazisme et le communisme ?

2. Faut-il continuer à leur enseigner que les deux expériences totalisantes et terrifiantes du XXe siècle - le nazisme et le communisme - auraient été deux tentatives "laïques" ayant pour but de singer les religions, dont le christianisme ?

"Toute nation", écrit Dominique Schnapper, "tend à se penser comme exceptionnelle ou Elue et a prétendre être la meilleure synthèse possible du particularisme et de l’universel. Les Américains ont consacré toute une littérature à leur singularité (exceptionnalism), en transfigurant la traversée de l’Atlantique en nouvel Exode et en interprétant leur expérience nationale à la lumière de l’Ancien Testament, ce qui faisait d’eux le nouveau Peuple Elu, auquel Dieu aurait confié la tâche de créer l’homme nouveau." [13]

Ce qui m’amène à examiner quelle pourrait être la meilleure synthèse possible du particularisme et de l’universel en Belgique.


CHAPITRE II

Notre laïcité belge,
est-elle « communautariste » ou « universaliste » ?

Dans les pages débats du journal "La libre Belgique" du 27 février 2004, j’ai lu un article intitulé « Commune, communauté, communautarisme » et signé par Monsieur Marcel Bolle De Bal, sociologue, professeur émérite de l’U.L.B., qui se demande "Pourquoi nos voisins français ne comprennent-ils pas le sens de notre laïcité, notre goût pour le communautaire bien organisé et le communautarisme bien tempéré ?"

Vu la question, j’ai été heureux d’apprendre que j’allais enfin comprendre ce que je n’ai pu comprendre depuis trente-trois ans, à savoir ce qu’est « notre laïcité », et j’ai aussitôt commencé à lire le contenu de l’article :

"Belges francophones et Français, nous sommes sensés parler la même langue. Belle illusion. Deux pays symétriquement dits d’"Outre-Quiévrain". Quiévrain ? Une coutume frontalière ? De part et d’autre de celle-ci, belge et francophone, les mots similaires se parent de sens différents…et les voisins, même s’ils se disent ou se veulent sentimentalement proches, ont parfois bien du mal à se comprendre, voire à s’entendre.

Pour plonger dans l’actualité la plus récente, ne prenons que le terme laïcité. La laïcité en France, malgré sa réalité d’exception culturelle, se veut universelle en son principe.

En Belgique, elle se pare d’atouts "communautaires" : le monde "laïc" - cette communauté d’athées, d’agnostiques et d’anticléricaux – affirme son identité face aux différents mondes religieux ; le cours de morale « laïque » - spécificité belge, et partiellement alsacienne – doit être suivi par ceux et celles qui ne se reconnaissent pas dans les différents cours de religion, et ce, même dans l’enseignement secondaire.

(…) Chez nous, la reconnaissance institutionnelle des communautés culturelles et linguistiques a constitué un des éléments conduisant à la fédéralisation de l’Etat belge … et donc à la survie de celui-ci. Une valeur politique et sociologique, donc. Rien de semblable en France.

Le "communautarisme" y est vilipendé comme le ver dans le beau fruit de la république laïque, comme le démon pervers détruisant les vertus et valeurs universelles de celle-ci. Universalisme vs. communautarisme : tel serait l’enjeu politique soi-disant majeur, révélé, occulté ou symbolisé par le débat autour du « voile » islamique"


A. En ce qui concerne notre laïcité qui aurait pour spécificité l’"Universalisme vs. communautarisme" :

Constatons d’abord que la soi-disant communauté laïque n’est pas une communauté reconnue par la Constitution dont les articles 1 et 2 stipulent que "La Belgique est un Etat fédéral qui se compose des communautés et des régions. La Belgique comprend trois communautés : la Communauté française, la Communauté flamande et la Communauté germanophone."

Constatons ensuite que ce qui est dispensé dans les écoles publiques dans notre pays, ce n’est pas le cours de « morale laïque » mais bien le cours de « morale non confessionnelle », et que ce cours n’est pas réservé aux enfants issus de « la communauté d’athées, d’agnostiques et d’anticléricaux » comme le stipule également l’article 24 §1er de la Constitution :

"L’enseignement est libre. (….) La communauté assure le libre choix des parents. La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves. Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle."

Mais on ne peut cependant pas nier l’existence réelle et la reconnaissance tacite dans notre pays, de ce que l’on peut qualifier de "religion laïque" qui bénéficie du financement public au même titre que les religions reconnues, et qui ne se distingue des autres religions que par la forme de ses rites, de ses cérémonies, de ses loges, de ses cercles, de son baptême.

Dès lors, il n’est pas étonnant que notre "laïcité" ait pour spécificité d’être incarnée ou représentée par ce "monde laïc" ; que la défense de la laïcité de la société et de l’Etat soit l’affaire de cette seule "communauté de croyants laïcs" qui serait exclusivement composée d’athées, d’agnostiques et d’anticléricaux, et qui affirmerait, face aux différents mondes religieux, son identité laïque assimilée à la laïcité ; que notre laïcité aussi ne cherche sa raison d’être que dans l’affrontement entre les communautés - autant il y en a, mieux c’est - ou dans l’opposition entre les cours de morale inspirés de la religion laïque et les cours de morale inspirés des autres religions.

B. Quant à nos valeurs politiques et sociologiques :

Comme le souligne le professeur De Bal, et comme nous venons de le constater, la reconnaissance institutionnelle des communautés culturelles et linguistiques, constitue effectivement un des éléments de la fédéralisation de l’Etat belge : « Une valeur politique et sociologique. »

Mais peut-on nous servir un tel argument pour réduire des problèmes de société à des problèmes de communautés, voir même à des problèmes privés ?

N’est-ce pas de cette façon que l’on provoque ce que Marcel Gauchet appelle "une pathologie de la désappartenance" comme le fait remarquer Marc Verdussen, professeur à l’U.C.L., dans le cadre de ses réflexions concernant l’appartenance des entités fédérées à un Etat fédéral, avant de souligner que "La coexistence au sein d’un même Etat, de plusieurs communautés ou de groupes, ne saurait occulter la nécessité d’un fonds commun de valeurs partagées. Au-delà de la diversité des formes de vie culturelles, la citoyenneté démocratique exige la socialisation de tous les citoyens dans le cadre d’une culture politique commune." [14]

Quels peuvent être alors les déterminants ou les composants du dénominateur commun de cette culture politique commune ? Le principe de laïcité, ne serait-il pas l’une de ces valeurs "universelles" qui procède du fondement même de la démocratie et de l'Etat de droit ?


"Un peu d’ardeur, repentez-vous !", disait Saint Jean, n’est-ce pas ? Alors, après avoir levé le coin du « voile » et entrevu ce qui se cache en-dessous, je prends ici le risque de présenter une toute petite partie de la longue histoire que j’ai fait raconter dans un livre dont je viens d’achever la rédaction, à une amie par crainte de dire « je », donc par nécessité de prise de distance par rapport à un vécu chargé et encore brûlant.

Ce fragment d’histoire concerne précisément la reconnaissance institutionnelle "vraiment désintéressée" des "communautés" culturelles et religieuses en Belgique, en quelque sorte, la mise en tutelle des ghettos solidement encadrés de l’extérieur, et admirablement bien gérés à l’intérieur par des mains invisibles et à des fins « amicales » jamais avouées. Ce qui semble être parfaitement bien adapté à "notre goût pour le communautaire bien organisé et le communautarisme bien tempéré."


C. La mise sous tutelle "anticommuniste" des "communautés de croyants" :

[ Mustafa Sari est citoyen belge d’origine turque. Il arrive en Belgique en 1970 comme étudiant. Après avoir appris le français à l’Institut des langues vivantes de l’Université Libre de Bruxelles, il fait ses études à l’Université Catholique de Louvain. Il s’installe à Liège en 1977 où il fait connaissance avec les immigrés d’origine turque.

Par le pur hasard de la destinée, il est conduit dans un monde qu’il trouve étrange. Une vraie soupe dans laquelle il faut chercher un petit pois pouvant servir de référence à une analyse préalable à la compréhension de la situation. Quelques mois plus tard, il a son idée concernant le mode de fonctionnement du "système" qui enferme dans des ghettos et qui maintient sous son emprise ces femmes, ces hommes et ces enfants appelés par le nom commun d’"immigrés".

Il met à jour progressivement l’existence de vastes réseaux turco-belges, organisant divers trafics visant au monnayage à prix exorbitant des besoins et nécessités administratifs, professionnels, religieux et autres de la population immigrée cloisonnée dans les ghettos. Ils s’y soumettent d’abord par méconnaissance de la langue et ensuite, par manque de connaissance des fonctionnements de la société et de ses institutions. Il en parle autour de lui. Il s’informe, avant d’agir ensuite.

Il entreprend diverses actions judiciaires afin de dénoncer des pratiques frauduleuses et extrêmement lucratives : faux documents médicaux, faux permis de conduire, faux permis de séjour et passeports, traductions mensongères, détournements au préjudice de la sécurité sociale, trafics en tous genres générant des sommes colossales.

A chaque initiative, il met l’accent sur la collaboration et la complicité dont bénéficient ces organisations notamment dans les vastes rouages des Etats belge et turc et sur les conséquences néfastes de ces agissements quant à l’insertion des immigrés dans la société où ils vivent.

Chaque démarche judiciaire, chaque initiative de quelque ordre que ce soit, semblent heurter la "Raison" d’Etat, et rencontrer un comportement réflexe visant à les étouffer. En réalité, elles heurtent les « raisons » d’existence notamment de ce que M. Sari nomme "la tristement célèbre et très officielle mafia turco-belge" ….

Au fil du temps, il découvre dans la soupe ce que l’on peut appeler le casse-dent : les actions d’un vaste réseau de "soldats de Dieu", appelés improprement intégristes musulmans. Il tente de comprendre le but qu’ils poursuivent par leur présence massive et leurs activités intenses en Europe. Ce qu’il trouve le plus surprenant, c’est la collaboration et la connivence à peine dissimulées de différents Etats, et même d’universités, dont bénéficient ces organisations dans plusieurs pays du Vieux Continent.

Un nom revient dans toutes les conversations et il est cité dans tous les écrits. Il se souvient alors de sa découverte hasardeuse, en 1974, d’une enseigne en trois langues (français, néerlandais et arabe) fixée sur la façade d’un prestigieux bâtiment dans un quartier huppé de Bruxelles :

Ligue mondiale islamique.
Centre culturel islamique de Belgique.
Mosquée de Bruxelles.

Bien que mise en avant sur l’enseigne, en première ligne et mentionnée avec des lettres plus grandes que les lettres avec lesquelles sont mentionnées les appellations lui servant de couverture, nulle part, jamais, personne ne parlera de la Ligue saoudienne avant 1989. A un point tel que, quinze ans plus tard, lors d’une conférence organisée, le 31 janvier 1990, au Centre socio-culturel des immigrés de Bruxelles, Monsieur Bruno Vinikas, alors Commissaire adjoint du Commissariat Royal à la Politique des Immigrés, faisait part de sa découverte surprenante en ces termes : "A travers le temps, il s’est avéré que le Centre culturel et islamique était dépendant de la Ligue mondiale islamique."

Sa vive curiosité suscitée par une référence historique, ne laisse pas M. Sari indifférent. Il s’informe et apprend que depuis 1969, "la Ligue mondiale islamique" est bénéficiaire de sa reconnaissance tacite par l’Etat belge comme le représentant de l’islam en Belgique.[15] A ce titre, cette Ligue a les clés de ce pavillon oriental du Cinquantenaire à Bruxelles, qui avaient été remises entre les mains de Sa Majesté le Roi Fayçal d’Arabie Saoudite par Sa Majesté feu le Roi Baudouin de Belgique.

Qui plus est - pour ne pas dire chose étrange -, le directeur de ce "Centre culturel islamique" désigné par l’Arabie Saoudite, et choisi parmi les membres influents de la "Ligue mondiale islamique", a le titre officiel de "grand imam". Ce qui rappelle qu’à l’époque médiévale, et selon la doctrine de l’Eglise établie, le Christ aurait, en vertu de sa souveraineté, intronisé ses apôtres, qui, à leur tour, auraient choisi des anciens, c’est-à-dire des évêques, puis des prêtres, etc. Et que dans cette hiérarchie chrétienne, il existerait un "grand prêtre" auquel chacun des évêque aurait été subordonné.

Quelques semaines plus tard après sa découverte de l’enseigne, l’attention de Sari est attirée par un article de presse suivis par d’autres. Il apprend, avec stupéfaction, que cette honorable institution se bat pour que la religion islamique soit reconnue en Belgique, et que des cours de religion islamique soient dispensés dans les écoles primaires et secondaires. Ce qui fut fait en 1978. La clé du pouvoir exclusif de désignation des imams dans les mosquées, de l’organisation des cours de religion islamique et de la désignation des professeurs dans les écoles belges, lui était offerte par un arrêté royal.

Remontons ici dans le temps pour constater comment on peut écrire l’histoire officielle que nous qualifierons volontiers de révisionniste ou d’histoire falsifiée dans d’autres cas.

Vingt-huit ans plus tard, en 2002, dans le rapport annuel du comité R, nous lisons l’information suivante concernant le Centre islamique et culturel : "Ce centre est installé dans l’ancien pavillon oriental de l’exposition universelle de 1958 qui fut offert au roi Fayçal d’Arabie Saoudite en remerciement de son action philanthropique en faveur des victimes de l’incendie du grand magasin de l’Innovation en 1967. En 1969, le roi Fayçal céda le centre à la Ligue Islamique mondiale. Son successeur, le roi Khaled assista à la cérémonie officielle d’ouverture de la mosquée en 1978." [16]

Si je comprend bien ce que je lis, le pavillon oriental lui étant offert, le roi Fayçal d’Arabie Saoudite en aurait fait ce qu’il lui plaisait d’en faire, et se l’aurait concédée à lui-même, c’est-à-dire à la Ligue mondiale islamique qu’il avait fondée en 1962. Et l’Etat belge aurait découvert cette mise en scène kafkaïenne en 2002 ? Pourquoi pas ? Et cela arrive, parce que tout le monde n’est pas sensé avoir lu l’inévitable enseigne, inévitable par sa taille, fixée sur la façade de la « Mosquée de Bruxelles ! » appelée officiellement la « grande mosquée », tout comme son imam fut nommé « grand imam ».

Mais en 1989, dans le volumineux rapport publié par le Commissariat Royal à la Politique des Immigrés, nous lisions la version suivante pour le moins risible, concernant l’action « philanthropique » d’un roi et la remise « symbolique » des clés du pavillon entre les mains de celui-ci par un autre roi :

« La crise économique liée aux chocs pétroliers, la fermeture des frontières à l’immigration, la révolution iranienne, les bouleversements politiques, économiques, religieux que traversent encore aujourd’hui les Etats du Proche et du Moyen-Orient, les sociétés européennes elles-mêmes en prise avec le renouvellement diffus des religions traditionnelles, ce sont autant d’éléments qui, de près ou de loin, ont contribué à rendre le religieux en général beaucoup plus immédiat dans nos environnements. L’islam ne fait pas exception à cette tendance, bien au contraire. En Belgique, tout comme dans d’autres pays européens, il est devenu de plus en plus visible.

Cette présence de l’Islam en Belgique a été institutionnalisée dès 1969 au moment où l’Etat belge reconnaissait le « Centre Islamique et Culturel de Belgique » en lui procurant l’ancien « Pavillon Oriental » situé dans le Parc du Cinquantenaire à Bruxelles. Il s’agissait en fait d’un geste symbolique – la remise officielle des clés du bâtiment au Roi Fayçal – qui revenait à donner à l’Arabie Saoudite un rôle de premier rang en matière d’organisation des affaires musulmanes sur le territoire belge. » [17]

Le Commissariat Royal ayant oublié que le pavillon avait été concédé à la Ligue mondiale islamique, parvenait ainsi à dissimuler celle-ci une ultime fois derrière l’appellation de « Centre culturel et islamique », et ne disait rien au sujet des affaires musulmanes dont s’occupait l’Arabie Saoudite sur le territoire belge en vertu du pouvoir lui conféré par un petit et insignifiant « geste symbolique ». A ce propos aussi, nous trouvons des informations, en 2002, dans le rapport du comité R :

« Le Conseil d’administration du centre comprend des chefs de mission diplomatique des pays musulmans accrédités en Belgique et auprès de l’Union Européenne. L’imam directeur, souvent de nationalité saoudienne (et nécessairement membre de la Ligue, ndlr), est d’obédience wahhabite dont la doctrine est tout à fait étrangère à celle de la majorité des musulmans vivant en Belgique.

Le Centre a été l’un des interlocuteurs officiels (interlocuteur officiel exclusif, ndlr) des autorités belges en ce qui concerne notamment, la délivrance des certificats qui permettent aux imams étrangers d’obtenir une autorisation de séjour sur le territoire belge et la désignation des enseignants de religion islamique dans les écoles belges.

Depuis 1978, le centre bénéficie des dispositions du « pacte scolaire » et reçoit des subventions (de l’Etat belge, ndlr) pour rémunérer quelques 600 enseignants religieux dans les écoles primaires et secondaires. Depuis 1989, le centre anime également l’école Al Ghazali, un institut de formation où sont enseignées les matières religieuses classiques comme l’exégèse du Coran ainsi que la langue arabe. La Sûreté de l’Etat y relève une influence significative des Frères musulmans. » [18]

Nous apprenions ainsi que la Sûreté de l’Etat belge avait découvert, depuis je ne sais quand, l’influence « significative » des Frères musulmans, alors que la plus grande majorité des professeurs et des imams recrutés dans différents pays arabes et importés en Belgique par la Ligue mondiale islamique depuis 1978, étaient des Frères musulmans. Néanmoins, je rappelle ici l’initiative américano-saoudienne prise, en 1966, par le Roi Fayçal d’Arabie Saoudite et le Président américain Johnson.

Il s’agit de l’initiative qui consistait à soutenir la stratégie de la « violence légitime » élaborée et prônée par la Confrérie des Frères musulmans depuis 1928 : soutenir, via précisément « la Ligue mondiale islamique », la machine de Guerre du fascisme « révélé » contre les pouvoirs jugés impies dans les pays musulmans, et partant dans les communautés musulmanes en Europe.

Ce n’est pas tout : nous découvrons aussi dans ce même rapport du Comité R, ce qui suit : « La Ligue, dont la branche belge est installée au Centre islamique et culturel de Belgique, a pour vocation de soutenir les minorités islamiques établies dans les pays non musulmans. A cette fin, la Ligue accorde des subventions aux associations islamiques qui créent ou entretiennent des mosquées, en particulier grâce au Conseil suprême des mosquées, fondé en 1975. »

Où se trouve ce Conseil suprême des mosquées et par qui a-t-il été fondé ? Il a été fondé par la même Ligue islamique mondiale et son siège européen n’est rien d’autre que le même Centre culturel et islamique de Belgique à Bruxelles.

Avant de soulever ce qui est essentiel, et pour constater que rien n’est dû au hasard, et que tous se rejoignent dans les coulisses obscures où tout est coordonné pour atteindre le but commun, je rappelle également la décision américaine qui avait été prise cette même année : il s’agit de la mise sur pied en 1978, en collaboration avec la CIA et les services secrets saoudiens et turcs, de réseaux de propagande islamiste via la Ligue mondiale islamique ; propagande destinée à noyauter également les communautés musulmanes en Europe afin de prendre en main le contrôle de celles-ci.

« Dans les années quatre-vingt », lisons-nous dans le rapport du Comité R, « le prince saoudien Turki ibn Fayçal, fils du fondateur de la ligue et chef des services de renseignements extérieurs saoudiens, a créé la légion islamique des Afghans également soutenue par l’I.S.I, le service de renseignement pakistanais. Ses volontaires sont recrutés partout dans le monde musulman, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis, principalement parmi les Frères musulmans. » [19]

Quel était le centre de recrutement des « volontaire » en Belgique ? Le Centre culturel et islamique de Belgique à Bruxelles. Avec qui le prince saoudien Turki ibn Fayçal avait-il créé la légion islamique en Afghanistan ? Avec Ben Laden. Par qui les « combattants de la liberté » ont-ils été soutenus, financés, armés, et entraînés ? Réponse :

« La présence de réseaux terroristes islamistes dormant au sein de l’Europe suscite des inquiétudes, constatent les rédacteurs du rapport du Comité R. Il y aurait ainsi, écrivent-ils, une nébuleuse de groupes en Belgique, en Allemagne, en France, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni, dont le but serait de détruire les intérêts américains partout où ils se trouvent. Pourtant, ce seraient les services de renseignement américains qui auraient favorisé l’émergence de groupes religieux fanatiques afin de combattre le communisme dans certaines régions du monde. » [20]

Bravo ! En 2002, l’Etat belge semblait découvrir - sans en être certain, cela arrive ! -, que « ce seraient les services de renseignement américains qui auraient favorisé l’émergence de groupes religieux fanatiques afin de combattre le communisme dans certaines régions du monde ».

Il n’est en effet jamais trop tard malgré les efforts fournis pour occulter l’essentiel, à savoir la complicité et la collaboration étroite avec les services de renseignement américains, des services de renseignement et des autorités notamment belges et turcs, allant du plus humble au plus haut niveau des deux Etats.

Et, comme aucun fait historique (la remise des clés) n’est la cause unique d’un autre fait historique (le religieux qui serait rendu en général beaucoup plus immédiat dans nos environnements pour cause de crise pétrolière notamment), et que même le silence peut être un fait historique, je me demande s’il n’y avait pas, en 1978, d’autres choses qui nouaient l’amitié belgo-saoudien, et qui seraient couvertes par le silence dans les deux rapports précités ….. ]

L’histoire est longue, comme vous l’avez compris, et nous y reviendrons en temps opportun. A présent, je souhaite vous faire part d’un souvenir que, quinze ans plus tard, j’ai retrouvé dans un livre dont l’auteur raconte : "En août 1986, se tient à Madrid une intéressante réunion passée complètement inaperçue. La présence au même moment dans la capitale espagnole du prince Turki, chef des services saoudiens de renseignement et officier traitant des fameux "Afghans", ne semble pas purement fortuite. Cette réunion, qui se tient sous la présidence du docteur Abdullah Bin Saleh al-Obaïde, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, rassemble des responsables en provenance de neuf pays d’Europe à savoir l’Espagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, et la Suède. La conférence a officiellement pour thème : « Soutenir le dialogue, la compréhension mutuelle et la coopération entre les cultures et les religions."

Sans formuler officiellement de revendications d’intégration de type communautaire, la conférence a néanmoins proposé un certain nombre de techniques visant à faire progresser « l’acceptation du voile islamique dans les écoles publiques », l’ouverture d’écoles coraniques, ainsi que la création de cimetières spécifiques réservés aux musulmans. Ces différentes "revendications légitimes", recommande la conférence, devant toujours être exprimées selon de