Le DRH de Renault s'attaque aux droits du travail en France by CQFD (posted by Yannindy) Friday, Jan. 09, 2004 at 10:29 AM |
Le DRH (directeur des ressources humaines) de Renault, Michel de Virville, celui qui a annoncé la fermeture de Vilvoorde, s'attaque maintenant au droit du travail en France.
Toilettage canin au salon du Medef
Article de CQFD, publié avec autorisation.
C'est un vieux, un très vieux fantasme patronal que le gouvernement s'apprête à exaucer : réduire le code du travail au format kleenex, se moucher dedans et balancer le machin au nez des « partenaires sociaux » qui, avec un peu de chance, l'avaleront sans plus d'histoires. Fin novembre, le ministre des Affaires « sociales », François Fillon, a en effet nommé une commission de neuf membres chargés de « toiletter » (sic) le code du travail. Leurs conclusions devront servir de base à un projet de loi attendu pour janvier. Si l'on s'en rapporte au petit Robert, le toilettage est l'action qui consiste à « faire la toilette d'un animal de compagnie ». On ne saurait mieux suggérer l'estime dans laquelle les sous-traitants ministériels du Medef tiennent les droits du salarié, ou ce qu'il en reste. Déjà sérieusement liftées par les dérégulations, le sous-travail obligatoire (RMA), la métamorphose de l'ANPE en super-agence d'intérim, les projets de laminage de l'inspection du travail et tous les opulents cadeaux offerts aux employeurs, les protections juridiques du travailleur — fruits d'une lutte longue et acharnée — se retrouvent au salon du toilettage canin. Sauf que ce n'est pas une épilation qui guette le caniche, ni un ruban rose sur la tête : en fait de toilettage, il faut plutôt s'attendre à un désossage.
Car Fillon a bien fait les choses. D'abord, il n'a trompé personne sur ses intentions : « Je souhaite que sur l'organisation du travail et sur les heures supplémentaires (contingent et rémunération), les entreprises retrouvent une plus grande liberté » (les Echos, 20/11/03). Pour le dire mieux : je souhaite que les salariés marnent plus dur, plus longtemps et pour moins cher. Comment ? En remplaçant les contraintes légales, évidemment trop « complexes », par des accords signés « soit au niveau des branches, soit au niveau des entreprises », dans le cadre de la seule loi qui vaille : celle du plus fort, celle du cash. La seconde trouvaille de Fillon, c'est d'avoir confié la présidence de cette commission à un virtuose du vandalisme social : Michel de Virville, le secrétaire général et directeur des ressources humaines du groupe Renault. C'est ce type qui a annoncé la fermeture de Vilvoorde en 1997. Trois mille ouvriers sur le carreau. « Il nous a appris ça par une conférence de presse à Bruxelles, sans même se rendre sur l'usine », se souvient un délégué syndical. La même année, Renault engrangeait un bénéfice net de 5,4 milliards de francs.
Pour réfléchir au code du travail et à son nécessaire « assouplissement », le DRH de Renault est à coup sûr le candidat rêvé. Les stocks humains qu'il a en gestion sont rompus à la souplesse : selon la CGT, les intérimaires représentent 12,2 % des effectifs, contre 3,5 % à l'époque de Vilvoorde. A l'embauche, un ouvrier touche moins de 1 000 euros par mois, alors que les dix plus gros salaires de la boîte — celui du PDG non compris — représentent un volume de 5,7 millions d'euros par an. Soit environ 50 000 euros par cravate et par mois. Il est certain que quand vous pesez autant que cinquante smicards réunis, cela vous confère, aux yeux de l'Etat, du législateur et des actionnaires, une autorité indiscutable pour « débloquer », comme dit Michel de Virville, « les limites de l'emploi salarié et indépendant, les contrats de mission, la sous-traitance », ou encore les « limites de la notion de temps de travail effectif, le régime des dérogations au régime du repos hebdomadaire, le temps partiel » (Le Monde, 27/10/03). C'est-à-dire, pour tailler en rondelles les dernières différences qui séparent le salarié de « l'animal de compagnie ». Ou, en l'occurrence, de la bête de trait. Garder confiance, cependant ! Le DRH de Renault n'est-il pas homme de dialogue et de consensus ? C'est en effet comme directeur de cabinet de Jean-Pierre Soisson, dans le gouvernement « d'ouverture » de Michel Rocard, qu'il a gagné en 1988 ses premiers galons de citoyen au service du bien public. On dit même qu'il en a gardé de solides amitiés au parti socialiste. Le toilettage canin, voilà encore un truc pas mal pour transcender les vieux clivages.