arch/ive/ief (2000 - 2005)

Après le Forum Social: questions sur base de l'atelier démocratie économique"
by Raf Verbeke Tuesday November 25, 2003 at 05:10 PM
carineraf@pandora.be 0497/23.07.60.

Pierre Mouton donne une synthèse des questions posés dans le débat à l'atelier du groupe de travail "démocratie économique" au Forum Social Européen.

APRES LE FORUM SOCIAL EUROPEEN

Le rapprochement effectué, à l’occasion de ce forum, entre entreprises, syndicats, et associations est significatif des effets bénéfiques de tels rassemblements. Le résultat, par exemple, du partenariat : CGT, JABIL, et ATTAC BREST nous permet de mesurer la synergie provoquée par ce rapprochement et d’en observer les résultats.

Ce rassemblement au Forum nous a permis d’effectuer un excellent travail duquel je vais pour ma part essayer de tirer plusieurs enseignements.

Outre que cette réunion nous a permis de faire connaissance, il nous a également permis de lister les points sur lesquels nous avons plus particulièrement à réfléchir et à travailler.

Ces points sont, en ce qui me concerne, les suivants, sans que cette liste soit exhaustive :

- 1°) Comment développer cette synergie syndicat – associations – parti politique ?
- 2°) Réfléchir à de nouvelles méthodes d’action juridique à côté des moyens d’action politique
- 3°) Développer l’autonomie du Comité d’entreprise
- 4°) Développer l’autonomie de l’entreprise
- 5°) Implication des travailleurs dans l’entreprise
- 6°) L’Europe est-elle un allié ou un obstacle ?
- 7°) Que signifie « sortir du capitalisme » et comment y parvenir ?
- 8°) Que représentent les « rapports de force » ?
- 9°) Comment développer, repenser et ouvrir le rôle des syndicats dans le développement économique et social, face au syndicat patronal unique ?

1°) Développer des synergies : Raf VERBEKE nous l’a très bien exposé. Le syndicat, nous a - t- il dit, ne doit pas rester renfermé sur ses problèmes et isolé, mais il doit être, selon ses termes, « proactif » et poursuivre son intervention hors du contexte de l’entreprise pour l’étendre le plus possible vers des actions plus globales, en s’associant le plus possible avec des partenaires associatifs et si possible politiques.

C’est exactement ce que nous venons de réaliser à un premier niveau entre CGT, JABIL et ATTAC 29 et qu’il faut désormais faire vivre sur différents plans :
- au plan politique, en Belgique avec le dépôt d’un projet de loi
- au plan action, en Belgique et en France avec la poursuite d’actions et d’une réflexion collective.

2°) Imaginer de nouvelles actions : Pour transformer une situation légale il faut parvenir à changer la loi .

Pour changer la loi plusieurs moyens sont disponibles :
- parvenir à faire voter une loi nouvelle en utilisant la voie politique
- parvenir à une nouvelle interprétation ou à de nouvelles applications de la loi en utilisant la voie juridique

En utilisant l’un ou l’autre de ces moyens ou les deux simultanément nous devrions pouvoir en ciblant judicieusement nos points d’intervention parvenir, sans révolution violente et par des moyens de Droit, à transformer notre Société. Nous allons prendre deux exemples.

3°) Développer l’autonomie du Comité d’entreprise : Nous pouvons agir pour développer le rôle du Comité d’entreprise par des moyens qui ne soient pas uniquement fondés sur le non respect des règles de fonctionnement actuelles ( non respect de l’obligation d’information, ou informations erronées, données au Comité d’entreprise, par exemple), mais aussi fondés contre les règles de fonctionnement du même Comité.

Le Comité d’entreprise est en effet reconnu personne morale par la Loi (art. L.431-6 du code du travail). Il est donc doté de la « personnalité juridique ». Il devrait pouvoir comme toute « personne physique », vous et moi, ou toute « personne morale », associations, sociétés commerciales, syndicats, agir librement, aller en justice, gérer ses biens, ou prendre des décisions souveraines. Or le Comité d’entreprise ne choisit même pas son « Président » qui est d’office le « chef d’entreprise ou son représentant » (art.L.434-2 code du trav.). Verrait-on ATTAC présidé d’office par le Préfet ? Ou la CGT présidée par le Président de la Chambre de commerce ?

Le Comité d’entreprise se voit reconnu le droit d’être « informé et consulté » (art.432-1 code du trav.) sur l’organisation , la gestion et la marche générale de l’entreprise et sur leurs modifications, mais sans aucun pouvoir souverain pour prendre part aux décisions ou s’y opposer. Il est informé et consulté. Point !

Le Comité d’entreprise ne choisit pas son budget. En fait le Comité d’entreprise ne choisit rien souverainement. Il agit entre des limites étroites qui lui sont fixées de l’extérieur contrairement à toutes les personnes physiques ou morales qui agissent librement et souverainement dans les limites du respect des droits de leurs concitoyens. ATTAC est totalement libre, autonome et souverain. La CGT est totalement libre, autonome et souveraine. JABIL est totalement libre, autonome et souveraine. Chacune de ces institutions légales, Associations, Syndicats, ou Sociétés sont libres autonomes et souveraines Pourquoi le Comité d’entreprise ne l’est-il pas ?

Y a-t-il des personnes morales de seconde catégorie ? Qui en décide ? La jurisprudence de la Cour de Cassation par un arrêt du 28 janvier 1954 (Comité d’établissement de Saint Chamont / Ray) a déclaré que la personnalité civile appartenait par principe à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression . Pourquoi le Comité d’entreprise ne se voit-il pas reconnaître cette prérogative ? Pourquoi le CE est-il mis sous tutelle ? La « tutelle » c’est à dire l’administration pour le compte d’autrui n’étant légalement admise que pour la protection des intérêts des mineurs, des incapables ou des condamnés privés de leurs droits civiques. A quel titre le Comité d’entreprise se voit-il doté d’une tutelle juridique ? En observant attentivement on peut remarquer que : Le Comité d’entreprise créé, au lendemain du dernier conflit, par ordonnance du Gouvernement provisoire, était le début d’une « Institution nouvelle » qui aurait dû se développer et qui est restée figée dans ses règles incomplètes de départ. Le Comité d’entreprise n’était-il pas l’organe de gouvernement de l’entreprise qui aurait dû être chargé de mettre en œuvre le principe constitutionnel fondamental selon lequel « Tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués…… à la gestion des entreprises ». Le Comité d’entreprise n’était-il pas destiné à devenir ce « gouvernement de l’entreprise » avec la participation des travailleurs comme le Conseil d’administration est le « gouvernement de la société » et dont le travailleur est exclu. ?

Tout était en place dès 1946 : le « droit fondamental » et « les moyens de gérer ce droit ». Et rien n’a été fait !

Nous devons reprendre cette « Institution » et lui faire reconnaître ses droits fondamentaux . Toutes les personnes morales (à l’exception du Comité d’entreprise) comme toutes les personnes physiques sont libres autonomes et souveraines, ces droits leur étant garantis par les principes fondamentaux de notre Constitution. Pourquoi le Comité d’entreprise ne l’est-il pas ?

Nous ne demandons rien d’autre que l’application de notre Constitution. Nous devrions bien parvenir à faire reconnaître ces droits par un Tribunal .

Le « droit » n’est pas quelque chose de figé. Si personne n’avait insisté les Femmes ne voteraient peut-être pas encore ! Les Noirs américains n’auraient peut-être pas récupéré leurs droits civiques et l’apartheid serait-il encore en place en Afrique du sud . Peut-être aurions- nous encore deux sortes de citoyens dans nos ex-départements d’Afrique du nord ?

Ce qui est vrai c’est que certains de nos principes fondamentaux ne sont pas respectés par les règles de fonctionnement de certaines de nos institutions et le « Comité d’entreprise » en est un exemple Si nous ne les réclamons pas, personne ne viendra nous les offrir sur un plateau. Nous devons donc engager des actions .

4°) Développer l’autonomie de l’entreprise : La situation se présente un peu différemment pour « l’entreprise ». Cette « Institution » connue et reconnue par le Droit puisque la Constitution, le droit fiscal, le droit du travail y font référence n’est pas reconnue officiellement « personne morale ». Elle ne l’est que « de fait » en se référant à la jurisprudence de Cassation. Tout groupement pourvu d’un moyen d’expression, ce qui est le cas de l’entreprise avec le Comité d’entreprise, devrait être par principe, pourvu de la personnalité civile.

Pourquoi encore une fois ne l’est-elle pas ? Et pourquoi est-elle gérée par la « société » ? Cette gestion de l’ « entreprise » par la « société » équivaut de nouveau à une mise sous tutelle sans justification légale. Nous retombons dans le même piège. Chaque fois que le travailleur entre dans une Institution , celle-ci est sous tutelle ce qui l’empêche de s’exprimer librement.

Nous devons donc séparer juridiquement « l’entreprise » de la « société », comme les parents sont juridiquement séparés de leurs descendants et où la tutelle légale n’est admise que dans des conditions déterminées pour leur protection . Or l’entreprise n’est pas sous la tutelle de la « société » pour la protection du travailleur puisque nous voyons très souvent agir la « société » contre les intérêts des travailleurs. Nous pouvons d’ailleurs en administrer la preuve

Si nous voulons trouver une définition juridique de l’ « entreprise » qui ne figure dans aucune loi, il suffit de nous reporter à un document du CNPF de 1995. IL s’agit d’un rapport rédigé à l’époque dans le cadre d’une réflexion sur « le gouvernement d’entreprise » et qui portait sur « le Conseil d’administration des Sociétés Cotées ». Ce qui peut sembler contradictoire et ne l’est pas puisque ce sont les « Conseils d’administration » des « Sociétés » qui sont chargés d’administrer les « Entreprises ».

Ainsi ce sont les « Conseils d’administration » des « Sociétés » qui gouvernent les « Entreprises » et dans la majorité des cas le travailleur est exclu de ces conseils ! Comment dès lors appliquer le principe constitutionnel de « participation des travailleurs » ?

Dans ce rapport dit « rapport VIENOT » du nom de son rapporteur, nous trouvons une définition de l’entreprise : « l’intérêt social de l’entreprise peut ainsi se définir comme l’intérêt supérieur de la « personne morale » elle-même, c’est à dire de « l’entreprise » considérée comme un agent économique autonome, poursuivant des fins propres, distinctes de celle de ses actionnaires, de ses salariés, de ses créanciers dont le fisc, de ses fournisseurs et de ses clients, mais qui correspondent à leur intérêt général commun, qui est d’assurer la prospérité et la continuité de l’entreprise »

« L’entreprise agent économique autonome poursuivant des fins propres », voilà comment cette commission définissait l’institution mais, bien sur, elle n’en tenait pas compte puisqu’elle considérait finalement que l’administrateur de la « société » , celui qui est chargé d ‘administrer « l’entreprise », doit être inspiré par le seul souci de l’intérêt de la « Société ». ( Rapport VIENOT page 9)

Nous voyons tout l’intérêt que nous pourrions trouver dans la reconnaissance juridique de « l’entreprise » et dans sa séparation juridique avec la « société » des actionnaires.

Notons au passage que cette Commission de travail présidée par Marc VIENOT , PDG à l’époque de la SOCIETE GENERALE, comprenait dans ses rangs Messieurs Serge TCHURUK, PDG d’ALCATEL ALSTHOM et Philippe BISSARA, Secrétaire général d’ ALCATEL ALSTHOM. Et que nous avons ainsi la preuve que ces personnes n’agissent pas dans l’intérêt de leurs salariés mais d’abord et dans le seul souci de l’intérêt des actionnaires.

Nous sommes donc très loin, et même très très loin du principe constitutionnel selon lequel « les travailleurs participent par l’intermédiaire de leurs délégués …….à la gestion des Entreprises » et nous devons et nous pouvons pour obtenir l’application de la Constitution agir juridiquement. Comment imaginer qu’il ne se trouverait aucun juge en France pour reconnaître que nos droits fondamentaux ne sont pas respectés ?

Nous devons naturellement faire preuve d’imagination pour introduire ces procédures mais nous avons les éléments juridiques nécessaires à notre disposition. Il ne s’agit plus que de technique de procédure. Et personne ne viendra nous apporter la solution sur un plateau . Notre ami Raf à raison, il faut être proactif ou réactif mais dans tous les cas actifs.

5°) Implication des salariés dans la gestion des entreprises : Faire participer les travailleurs à la gestion de leur entreprise revient à les impliquer d’une manière quelconque dans cette gestion . Implication suppose participation, mais participation à quel niveau ? Si nous nous reportons à certains documents européens nous constatons que cette implication peut se réaliser à trois niveaux.

La « Directive 2001 /86 / CE DU CONSEIL » du 8 octobre 2001, qui complète le statut de la Société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs, indique ART.5 « La grande diversité des règles et pratiques existant dans les états membres en ce qui concerne la manière dont les représentants des salariés sont impliqués dans le processus de prise de décision des sociétés rend inopportune la mise en place d’un modèle européen unique d’implication des salariés, applicable à la SE ». La SE renvoie donc aux droits nationaux pour cette implication des salariés.

Un autre document européen le « Rapport final du groupe d’experts : Européan Systems of Worker Involvement » , présidé par Monsieur Etienne DAVIGNON Président de la Société générale de Belgique et ancien Vice-Président de la Commission européenne. Document connu sous le titre de rapport DAVIGNON , a examiné cette situation dans les Etats membres et a rassemblé dans une annexe III « Les formes nationales d’information, consultation et participation des travailleurs ». Cette annexe de 9 pages rapporte très exactement la situation dans chaque pays et nous renvoie aux trois niveaux existant actuellement

Le premier niveau est celui de l’ « information » des travailleurs.
Le second niveau est celui de la « consultation » des travailleurs
Le troisième niveau, rare, est celui de la « participation » effective d’un ou plusieurs membres salariés dans les organes de décision, avec les mêmes droits de vote que les représentants des actionnaires.

Nous percevons bien qu’entre le niveau de la simple information et celui de la réelle participation il y a une marge considérable, accrue encore par le fait que tant que vous n’êtes pas parvenu au niveau de la participation effective vous n’avez aucune garantie sur les informations qui vous sont fournies et qui naturellement n’incorporent pas tout ce qui concerne les comptes ou filiales off shore, destinées précisément à camoufler des informations au fisc mais aussi aux salariés ! Quand on sait que certaines Sociétés ont de dizaines voire des centaines de filiales ou de comptes bancaires off shore on imagine aisément la valeur réelle des informations fournies ! Même des PDG d’importantes sociétés s’en plaignent !

Il en va de même de la « consultation », qui même réelle n’engage en aucune façon la Société à tenir compte des observations faites. Elle prend note et modifie ou ne modifie pas son plan mais rien ne la contraint à prendre en compte ces observations. Encore une fois cette forme d’implication est beaucoup plus formelle que réelle. Pour la forme , on consulte , mais dans le fond, l’actionnaire s’en fout ! S’il a envie de partir au bout du monde, de votre avis, il s’en moque !

Enfin nous arrivons au troisième niveau, le plus sérieux et le seul vraiment réel d’implication effective dans la gestion, et là que constatons- nous ?

Qu’il n’y a réellement parité ou quasi-parité des sièges qu’en Allemagne et dans les très grandes entreprises de plus de 2000 salariés. Ailleurs elle est généralement minoritaire avec un tiers des sièges au maximum.

En France, y compris dans le secteur privé , l’influence atténuée du comité d’entreprise sur le conseil d’administration s’exerce par :
- l’assistance d’une délégation du comité d’entreprise (2ou 4 membres) aux séances du conseil avec voix consultative
- la possibilité de soumettre des vœux devant recevoir une réponse motivée

En fait il n’y a jamais la possibilité de s’opposer réellement (sauf cas particulier en Allemagne) aux décisions d’un conseil d’administration et la « participation » sous cette forme atténuée n’est pas un droit équivalent aux pouvoirs des actionnaires ! Il n’est pas besoin de faire un dessin pour bien le comprendre ?

Que signifie par conséquent d’avoir rappelé dans le préambule de la Constitution quels étaient les fondements légitimes du Droit français :
- égalité en droits de tous les citoyens
- participation des travailleurs à la gestion des entreprises.
si ces droits fondamentaux ne sont en réalité que des chiffons de papier ?

La réponse, je le crois, est simple : Nos principes constitutionnels ne sont pas appliqués dans l’entreprise. Les tribunaux, si nous les mettons en capacité d’évaluer cette situation, pourraient –ils faire autrement que de le reconnaître et de les faire appliquer ?

6°) L’Europe est-elle un allié ou un obstacle ?

Nous avons vu à la lecture de documents européens que les Directives prises dans le domaine de l’entreprise par la commission n’avaient jusqu'à présent pas eu pour résultat d’unifier les situations mais au contraire de considérer, selon ses propres termes, qu’il n’était pas opportun de rechercher cette unification et de s’en reporter simplement aux droits nationaux.

Cette position a pour résultat, certains pays ayant en matière d’implication de leurs salariés , un niveau bien inférieur aux autres, de tirer vers le bas les accords qui interviendront dans le cadre de la SE et à ne pas se préoccuper d’une unification du droit européen dans ce domaine particulier.

La situation actuelle de grande diversité « rend inopportune la mise en place d’un modèle européen ». Cette phrase que je n’ai pas inventée figure dans la Directive 2001/86 / CE DU CONSEIL du 8 octobre 2001.

Je crois donc qu’en matière de défense des droits des salariés dans l’entreprise c’est au niveau des Etats membres que nous devons poursuivre nos actions même si conjointement nous pouvons mener auprès de la Commission des actions pour faire évoluer sa position .

Cette position fait, en tout état de cause, apparaître que l’Europe est actuellement plus libérale que sociale et qu’elle n’hésite pas à engendrer dans l’espace qu’elle administre des situations discriminantes entre les peuples concernés puisqu’un Britannique devra encore se contenter longtemps de droits inférieurs à un Allemand ou un Portugais de droits inférieurs à un Néerlandais !

7°) Que signifie « sortir du capitalsme » ?

Pour un certain nombre de camarades dont je fais partie, nos luttes actuelles ont toujours pour objectif de « sortir du capitalisme ». Mais le « capitalisme » étant une dictature du capital , puisque les détenteurs de capitaux y ont des droits discrétionnaires que les travailleurs n’ont pas, faut-il pour autant revenir à une autre dictature, celle du « prolétariat » ? Dictature du capital ou dictature du prolétariat , ou dictature d’autre chose ; pour moi toutes les dictatures sont haïssables. Mais faut-il vraiment pour sortir de la dictature du capital passer sous une autre dictature ? Je ne le crois pas.

Ce qui n’est pas supportable dans le capitalisme et que je ne supporte pas, c’est un pouvoir anormal, un pouvoir discriminant, un pouvoir inégal, un pouvoir déséquilibré, un pouvoir actuellement dictatorial qui est aussi contraire à la Constitution, à la logique, à l’équité, à la morale. Il suffirait donc pour sortir du capitalisme de supprimer ses privilèges, son inégalité, ses discriminations, pour les remplacer par un pouvoir démocratique, équilibré, moral et juste. Je n’ai rien à faire d’une nouvelle dictature ! Je me satisferais d’un partage de pouvoir équitable et comment établir un pouvoir équitable dans l’entreprise ? En mettant le travailleur en mesure de s’opposer réellement à des mesures qui le lèsent et auxquelles il n’a pas participé. Nous voilà ramenés à des choses simples Pour sortir du capitalisme il suffit de partager le pouvoir dans l’entreprise a un niveau réel.

Il ne s’agit pas de jouer aux chaises tournantes, ôte- toi de là que je m’y mette, mais d’une réalité pondérée, logique, stable. Comment réaliser ce pouvoir pondéré, logique, stable ?

Trois possibilités s’offrent : autogestion, cogestion ou codécision ?
- l’autogestion, c’est à dire la gestion par soi-même, est appliquée par les capitalistes dans la « société ». Ils gèrent eux-mêmes leurs capitaux. L’autogestion de l’entreprise par les travailleurs a aussi été proposée. Elle n’a pas fonctionné car les capitaux ne suivaient pas !
- la cogestion est une gestion commune ou une gestion en commun. Elle n’élimine plus l’un ou l’autre. Elle correspond mieux à ce que nous souhaitons mais certains redoutent de devoir collaborer toute la journée avec les représentants du capital . N’en est-il pas de même pour eux et puis que deviendrait la rapidité de réaction et de décision si sur chaque point un accord doit être trouver ?
- reste la « codécision » qui n’est plus la gestion partagée mais la décision partagée sur les points sensibles. Par ce moyen on peut imaginer que la gestion soit dévolue à un chef d’entreprise désigné par tous avec tous les pouvoirs mais que sur certains points il soit permis à quiconque, représentant des actionnaires ou représentant des travailleurs, de dire : Attention ici nous ne sommes pas d’accord . Négocions ce choix. C’est à cette forme de partenariat que nous devons parvenir pour quitter définitivement le capitalisme et pour cela un simple pouvoir de blocage est suffisant. Le pouvoir de dire réellement non à une décision trop défavorable à l’une des parties.

Peut-on penser que la « codécision » organisée sur ces principes :aucune partie ne dominant l’autre et respect mutuel des intérêts respectifs, soit irréalisable ? Je ne le crois pas d’ailleurs n’y a-t-il pas déjà quelques entreprises qui ont mis au point des formes de pouvoir partagé ?

8°) Que représentent les « rapports de force » ?

Certains de nos camarades évoquent souvent les rapports de force qui gouvernent finalement nos Collectivités en sous-main Ce sont les rapports de force qui autant que la Loi régissent nos sociétés. Ce n’est pas faux. Mais ce n’est pas non plus totalement vrai .

Après quelques millénaires nos sociétés humaines ont fait quelques progrès et ont réussi à dégager un certain nombre de « principes fondamentaux ». Ces principes sont notamment connus sous l’appellation de « Droits de l’homme ». Des déclarations ont été proclamées. L’une d’elle a été votée par l’ensemble des nations en 1948 à PARIS. Hélas ces « Droits de l’homme » ne sont pas encore partout respectés ou sont peu respectés. Il y a donc aujourd’hui deux attitudes possibles. La première conforme à ces droits fondamentaux et l’autre non conforme à ces droits fondamentaux . La première est conforme aux principes généraux du Droit, la seconde ne l’est pas et c’est cette seconde attitude non conforme aux droits fondamentaux qui doit être considérée comme s’opposant à la morale. C’est l’attitude aujourd’hui des capitalistes et non des travailleurs.

Ce sont les capitalistes qui entretiennent un rapport de force qui leur est favorable en mettant en échec les « droits fondamentaux » de l’homme Le rapport de force capitaliste s’oppose donc à la Loi. Les travailleurs pour qui le rapport de force est aujourd’hui défavorable ne doivent pour autant oublier la Loi. Ils doivent s’en tenir à ses principes généraux auxquels ne se conforment pas certains détails de la Loi . Toute la difficulté vient de là . Nous avons vu comment pour le « comité d’entreprise » ou pour l’ « entreprise » elle- même, la loi ordinaire ne se conformait pas aux principes fondamentaux.

Les travailleurs doivent persister à revendiquer leurs droits fondamentaux par tous les moyens de droit. Les capitalistes qui bénéficient encore d’un rapport de force favorable à cause de lois encore inégales et contestables devront bien un jour abandonner leurs prérogatives comme l’homme a dû le faire pour respecter les droits fondamentaux des femmes ou l’américain blanc devant les droits fondamentaux de l’américain noir. La progression du Droit est sans doute lente mais elle est inexorable.

C’est à agir dans cette perspective que je vous engage avec mes propositions. Les capitalistes sont en porte à faux vis à vis du Droit . Le travailleur est parfaitement clair en revendiquant les siens.

9°) Quel rôle pour les syndicats ?

Juste quelques mots pour évoquer le rôle des syndicats de salariés dans ce combat. Il est indispensable mais pour autant ne doivent-ils pas se transformer et transformer leurs méthodes ? Ne sont ils pas trop divisés, morcelés, dispersés ?

Le pouvoir exorbitant, anormal, et inégal de l’actionnaire n’a pas eu pour conséquences de rendre obsolète le rôle du syndicat patronal ! Ou ce pouvoir anormal des détenteurs de capitaux est-il le résultat d’un accompagnement très efficace de ce syndicat ? Le résultat est là : le Medef syndicat patronal unique est un contre pouvoir fort qui parvient à imposer ses désirs. Les syndicats de salariés divisés forment un contre pouvoir faible qui ne parvient pas à imposer les siens. Les permanentes surenchères des uns sur les autres au détriment d’une action coordonnée ne se fait-elle pas au détriment de leurs mandants ?

Pour compléter cette réflexion je renvoie aux nombreux documents déjà publiés.

Le 19 novembre 2003

Pierre MOUTON 14 rue Théodore BOTREL 29290 St.RENAN Tel 02.98.84.22.08
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