arch/ive/ief (2000 - 2005)

Une opinion sur la polémique campagne de RSF contre le régime cubain
by Salim Lamrani Thursday October 23, 2003 at 04:32 PM

Une opinion sur la polémique campagne de RSF contre le régime cubain REPORTERS SANS FRONTIÈRES : LA CALOMNIE COMME ARME DE PROPAGANDE CONTRE CUBA

Fidèle à sa politique de manipulation de la réalité cubaine, l'organisation Reporters Sans Frontières a de nouveau effectué un pas de plus vers la bassesse déontologique en basant son argumentaire sur une grotesque attaque. Le 17 octobre 2003, RSF publiait un communiqué dans lequel elle accusait un employé de l'ambassade de Cuba à Paris d'avoir été en possession d'une arme lors de l'illégale opération agencée, le 24 avril 2003, par M. Robert Ménard, le secrétaire général de ladite entité, et un groupuscule de l'extrême droite cubaine de la capitale française. A cela s'ajoute la publication du « deuxième classement mondial de la liberté de la presse » réalisée sur la base de critères non explicitement définis. [1]

Suite aux arrestations effectuées par les autorités cubaines en mars 2003 de « dissidents » au service d'une puissance étrangère, RSF déclencha immédiatement une campagne médiatique - relayée par l'immense majorité de la presse nationale - dans laquelle, après avoir minutieusement occulté une bonne partie de la base factuelle, elle accusait vigoureusement le gouvernement de La Havane de mettre en prison des « journalistes indépendants ». Le 24 avril 2003, l'organisation de « défense de la liberté de la presse » dirigé par M. Ménard, après avoir soigneusement préparé l'initiative et mobilisé auparavant plusieurs médias français et étrangers, a illégalement investi l'ambassade de Cuba. Profitant de l'entrée d'une jeune ressortissante cubaine venue effectuer des démarches consulaires, les militants de RSF ont brutalement bousculé la jeune femme pénétrant de force sur le territoire diplomatique cubain. [2]

Après avoir été, dans un premier temps, repoussé par les membres de l'ambassade, les activistes dirigés par M. Ménard ont enchaîné les portes d'accès à l'enceinte diplomatique avec des chaînes et des cadenas, en flagrante violation du Droit International et de la législation française auxquels RSF ne semble pas vouloir se soumettre quand il s'agit de Cuba. D'une position d'agresseurs violents et provocateurs, l'organisation parisienne a tenté d'habile manière d'inverser les rôles et de faire passer les employés de l'ambassade pour des « voyous », comme les a qualifiés textuellement M. Ménard. [3]

Pour justifier une telle agression, RSF a évoqué, par le biais de son secrétaire général, la raison d'un tel comportement qui aurait certainement entraîné des poursuites judiciaires contre l'organisation s'il ne s'agissait pas de l'ambassade de Cuba. M. Ménard tenta d'expliciter les agissements du groupuscule, qu'il a mené, qui a envahi les locaux de l'ambassade : « J'ai sonné à la porte en demandant à remettre une lettre [destinée] à Fidel Castro à l'ambassadeur ». [4] Cependant, le porte-parole de RSF n'a pu su expliquer pourquoi les agresseurs de RSF étaient en possession d'une chaîne et d'un cadenas s'ils étaient supposément venus manifester de manière pacifique. De plus, le matériel qui a servi à bloquer les accès à l'ambassade était de fabrication espagnole ce qui confirme que l'opération illégale avait été soigneusement mise en place communément entre les exilés cubains d'extrême droite de la Péninsule Ibérique - dont les liens avec la Fondation Nationale Cubano Américaine, (l'organisation extrémiste responsable de nombreux attentats terroristes contre Cuba) sont très directs - et Reporters Sans Frontières.

L'ambassadeur de Cuba en France, M. Eumelio Caballero Rodríguez, dont la version des faits a complètement été censuré par les médias français, a affirmé que les militants de RSF ne l'ont à aucun moment sollicité pour lui « remettre un message » : « Quand nous nous sommes rendus compte de leur présence, ils avaient déjà enchaînés les portes d'accès de l'ambassade. Mais ils ont oublié que Cuba est spécialiste dans la destruction des chaînes. Nous avons brisé les chaînes du colonialisme espagnol, nous avons brisé les chaînes du néocolonialisme nord-américain, et nous avons également rompu leurs chaînes ». [5]

Après la vague de propagande médiatique contre Cuba, après la « soirée de solidarité avec le peuple cubain » organisée en faveur « de la liberté de la presse » dans le théâtre Franklin D. Roosevelt sur l'avenue des Champs Elysées, à Paris (il est très facile d'être solidaire du peuple cubain en mangeant des petits fours, dans le plus prestigieux théâtre de la capitale française), l'organisation, qui apparemment ne manque pas de moyens financiers, ne se lasse pas. La nouvelle campagne d'intoxication entreprise par RSF consiste à accuser un employé de l'ambassade d'avoir « charg[é] son arme, un revolver, alors qu'il se trouv[ait] à l'extérieur de l'enceinte de l'ambassade, en territoire français », lors des événements survenus le 24 avril 2003. M. Ménard s'est offusqué : « l'un d'eux portait une arme à feu qu'il a chargée alors qu'il se trouvait à l'extérieur de l'ambassade. Ce fait nouveau est extrêmement grave ». La preuve fournie consiste en une vidéo dans laquelle, effectivement, apparaît clairement un membre de l'ambassade une arme à la main. [6]

Cependant, ce fait nouveau soulève plusieurs interrogations. En imaginant que l'employé tenait une arme à la main - en imaginant seulement car la probabilité que le revolver en question ait bien existé est proche ou égale à zéro. En effet, il est extrêmement facile de trafiquer informatiquement une image vidéo et les médias privés vénézuéliens opposés au président Hugo Chavez sont spécialistes en la matière. Récemment, un journal de l'opposition a publié une photo qui montrait le chef de l'Etat donnant un discours une arme à la main. Dans la photo originale, M. Chavez avait en réalité une fleur entre les mains - pourquoi RSF a-t-elle attendu 177 jours pour divulguer une information d'une telle importance ? Pourquoi n'a-t-elle pas immédiatement saisi les autorités judiciaires pour leur faire part d'un fait si grave ? Pourquoi M. Ménard n'intente-t-il pas un procès contre l'ambassade de Cuba en France ? Pourquoi ne demande-t-il pas l'immédiate expulsion de la personne en question ? Parce qu'il sait pertinemment que la vidéo en question est passé par les filtres de la manipulation de l'opinion publique et que sa valeur est juridiquement nulle. Le but de RSF n'est pas mener une action en justice contre la diplomatie cubaine, qui serait perdue d'avance vu l'énormité de la supercherie, mais simplement salir l'image de Cuba déjà passablement ternie par plus de six mois d'endoctrinement médiatique.

Parallèlement à cette nouvelle tentative de manipulation de la réalité cubaine s'ajoute la publication par RSF du « deuxième classement mondial de la liberté de la presse », comportant 166 pays, où Cuba figure en avant-dernière position juste devant la Corée du Nord (curieusement deux ennemis jurés des Etats-Unis). Là encore, le classement est entièrement focalisé sur Cuba avec le titre suivant : « Cuba, avant-dernier, juste devant la Corée du Nord ». Mais à quoi peut-on s'attendre de la part de l'organisation de M. Ménard qui ose placer des pays comme le Nicaragua et le Salvador respectivement en 36ème et 39ème positions alors que régulièrement des journalistes sont assassinés et où l'ensemble de la presse est entre les mains d'une puissante oligarchie représentant les principaux intérêts économiques du pays ? Que dire quant au classement de la Colombie (147ème) et la Russie (148ème) alors que ces pays sont les leaders mondiaux de l'assassinat et de l'enlèvement des reporters ? Et enfin que faut-il espérer du classement de Cuba où pas un seul journaliste n'a été enlevé, torturé, ou assassiné depuis 1959 ? Qu'il occupe une place devant les pays précédemment cités ? Nullement ! L'organisation de M. Ménard utilise des critères bien spécifiques à son rôle, c'est-à-dire, primordialement idéologiques. [7]

Etant donné que ces nobles « défenseurs de la liberté de la presse » doivent faire face à leur carence argumentaire, ils n'ont d'autres recours que de noyer leur médiocrité dans la calomnie.

NOTES:

[1] Reporters Sans Frontières, « Un employé de l'ambassade de Cuba à Paris était armé face aux manifestants de Reporters sans frontières », 17 octobre 2003.).

[2] Reporters Sans Frontières, « Cuba, la plus grande prison de journalistes au monde », pas de date. (site consulté le 20 octobre 2003).

[3] Interview de Robert Ménard réalisée par l'auteur le 12 mai 2003 aux locaux de Reporters Sans Frontières à Paris. Interview intégrale disponible sur : Salim Lamrani, le Lobby cubain aux Etats-Unis de 1959 à nos jours, Cuba Solidarity Project, juillet 2003, (site consulté le 16 octobre 2003) ou Salim Lamrani, « El Lobby cubano en los Estados Unidos de 1959 hasta nuestros días », Rebelión, 25 septembre 2003.(site consulté le 17 octobre 2003), pp. 199-208.

[4] Ibid

[5] Ibid.

[6] Reporters Sans Frontières, « Un employé de l'ambassade de Cuba à Paris était armé face aux manifestants de Reporters sans frontières », op. cit.

Le territoire souverain d'une ambassade est composée des locaux présents à l'intérieur de l'espace délimité mais aussi tout un périmètre autour de l'ambassade et les photos prises par RSF montrent que, lors des incidents du 24 avril 2003, les employés se sont bien cantonnés à leur périmètre. Mais apparemment, M. Ménard ne semble pas être très familier de la législation internationale malgré son prestigieux statut de secrétaire général de Reporters Sans Frontières.

[7] Reporters Sans Frontières, « Deuxième classement mondial de la liberté de la presse. Cuba, avant-dernier, juste devant la Corée du Nord », 20 octobre 2003. (site consulté le 20 octobre 2003).