StarLink, chronique d’un scandale annoncé by Transrural Initiatives Tuesday October 07, 2003 at 07:56 PM |
Révélée au cours de l'été 2000, "l'affaire StarLink" est particulièrement révélatrice des craintes exprimées par les associations environnementalistes et consuméristes. Les effets en cascades de cette contamination démontrent la nécessité de la traçabilité des produits transgéniques et prouvent qu’il faut instaurer un régime de responsabilité économique des producteurs d'OGM.
Tout commence avec la campagne Genetically Engineered Food Alert1. Dans ce cadre, un collectif d'ONG américaines découvre du maïs transgénique StarLink dans des "tacos" (sortes de chips). Or ce maïs est prohibé pour la consommation humaine car il synthétise une protéine (Cry9C) susceptible de provoquer des allergies. Commercialisé par Aventis CropScience, groupe agrochimique franco-allemand, StarLink développe son propre insecticide, à partir d’un transgène issu de la bactérie Bacillus thuringiensis. Totalement interdit en Europe, il est autorisé, depuis 1998, aux États-Unis pour l'alimentation du bétail et la production d'éthanol.
Après avoir mangé des aliments contenants du maïs StarLink, 44 Américains ont porté plainte auprès de la Food and Drug Administration (FDA) pour diarrhées, vomissements et rougeurs. Remonter la filière de production et d'approvisionnement a alors permis de mesurer l'ampleur de la contamination. Les tacos contaminés ont été fabriqués au Mexique par Sabritas Mexicali (filiale de PepsiCo) qui avait acheté la farine à une minoterie texane, laquelle s'était approvisionnée auprès d'agriculteurs de six États américains… Le 22 septembre, après avoir réalisé ses propres tests et trouvé des traces de StarLink dans 1% de ses tacos, le distributeur final (Kraft Foods) décide d’en rappeler des millions. La FDA entreprend alors de tester différents produits alimentaires pour évaluer l’ampleur de la contamination. Et le 1er novembre, elle publie une liste de quelques 300 produits qui doivent être retirés des étalages2. Les responsables industriels reconnaissent qu'il est presque impossible d'éviter la présence du StarLink dans les produits alimentaires compte tenu de l'ampleur de la contamination.
Comment ce maïs a-t-il pu contaminer la chaîne alimentaire humaine ? Certains agriculteurs pouvaient ne pas connaître les restrictions de débouchés du StarLink ; d'autres, bien qu'au courant, ont reconnu avoir oublié cette restriction lors de la vente du maïs ; d'autres n'ont pas pris soin de séparer leurs récoltes StarLink des autres... Les responsables d'Aventis ont estimé que la superficie cultivée en StarLink était de 150 000 hectares, auxquels il faut ajouter 100 000 ha situés en zones tampons et eux aussi contaminés, les agriculteurs de ces zones n'ayant pas été informés de la présence du StarLink à proximité de leurs cultures. Aventis estime que le maïs récolté a été vendu à des centaines de silos à travers le pays. Ces silos ont ensuite, en toute ignorance, vendu ce maïs à des minotiers et à des transformateurs
Survient alors une "affaire dans l'affaire". Au hasard de contrôles qualité sur des échantillons de maïs Garst 8481IT, la société Garst Seed découvre que son maïs contient la protéine Cry9C allergène. L'USDA (équivalent américain du ministère de l'agriculture) lance une enquête sur l'origine de cette contamination. Sans doute s'agit-il d'une contamination par pollinisation croisée entre maïs. Cela veut donc dire que cette deuxième variété, potentiellement contaminée, doit aussi être retirée du marché…
Impacts économiques et judiciaires en cascade
Devant l'étendue de la contamination, l’USDA et l'industrie ont annoncé qu'ils achetaient la totalité de la récolte de maïs StarLink (coût estimé : 70 millions de dollars). Aventis devra les "rembourser ultérieurement" pour les coûts occasionnés (transport, stockage du maïs, test de dépistage et ségrégation). En décembre 2000, le groupe provisionnait dans ce but 100 millions de dollars.
Mais l'IATP3 estime que les coûts totaux pourraient atteindre un milliard de dollars. L'affaire prend alors une dimension judiciaire : seize procureurs généraux de différents États américains demandent à Aventis de procéder au remboursement rapide et de prévoir des dédommagements supplémentaires et de s'engager de manière plus claire sur sa responsabilité par rapport aux pertes économiques que cette affaire engendre.
L'IATP a également entamé une enquête pour identifier les pays qui ont importé du maïs StarLink. Le Japon, premier importateur de céréales américains, réagit vivement après avoir découvert l’OGM dans des tacos et des gâteaux. Il se tourne vers la Chine pour ses importations. En Corée, à trois reprises, plusieurs milliers de tonnes de maïs américain contenant du maïs StarLink ont été confisquées par l'administration. L'Espagne a décidé aussi de se protéger, achetant 150 000 tonnes de maïs brésilien garanti sans OGM. Les autres pays européens n'ont pas encore réagi. Mais ils importent peu de maïs hors de l'UE. En France, la Confédération paysanne, Greenpeace et Solagral ont lancé conjointement, le 24 novembre, un appel pour demander au gouvernement américain de cesser immédiatement toute exportation de maïs StarLink4. Les exportations américaines ont déjà chuté de 39% par rapport à la moyenne des années passées.
Cette affaire StarLink a conduit l'USDA a un revirement spectaculaire de sa position. Il a été amenée à reconnaître l'utilité de la séparation des filières conventionnelles et transgéniques en mettant en place les moyens de contrôle. Les organismes stockeurs et les distributeurs ont eux aussi modifié leur politique d'achat de grains pour 2001 : par le biais d'une lettre aux agriculteurs ou par des spots radio, ils ont informé qu'ils n'achèteraient plus que des variétés autorisées partout dans le monde pour l'alimentation humaine. De même, Tyson Foods, le deuxième distributeur de volailles américain, ne nourrira plus ses poulets avec le maïs StarLink. Les fabricants d'OGM en tirent aussi des leçons : Monsanto va restreindre ses plantations de maïs OGM en 2001.
Notes :
1 http://www.gefoodalert.org
2 http://www.thecampaign.org/fda-recall.htm
3 http://www.solagral.org/publications/cdp/cdp59/article5.htm
4 http://www.envirodev.org/archives/biosecu/iccp_1200/presse2.htm