Hommes en désarroi et déroutes de la raison by Francis Dupuis-Déri Friday September 26, 2003 at 03:01 PM |
Il serait plus prometteur d'encourager un féminisme au masculin que d'adopter une approche réactionnaire et de chercher à définir de façon traditionnelle l'identité des hommes.
Plusieurs hommes du Québec se réjouissent des victoires du féminisme, synonymes de liberté, d'égalité et de justice. Mais beaucoup d'hommes insistent plutôt pour rappeler que le féminisme serait allé « trop loin », évoquant sans subtilité aucune la « domination » féministe, voire le « féminazisme », expression qui insulte à la fois la mémoire des millions de victimes réelles du nazisme et l'intelligence de quiconque à une connaissance minimale de l'histoire politique.
Les « masculinistes » (c'est le terme qu'ils utilisent) affirment que l'identité masculine est aujourd'hui bouleversée, voire méprisée, et exigent donc quelle soit (re)valorisée. L'ensemble du discours masculiniste est traversé par une volonté de simplifier la réalité sociopolitique et de tout expliquer par une cause unique (l'émancipation des femmes).
(...) Des études universitaires ont démontré que c'est précisément lorsque les garçons s'identifient le plus à des modèles masculins traditionnels qu'ils réussissent le moins à l'école.
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L'argument central des antiféministes selon lequel les hommes québécois manquent aujourd'hui de modèles masculins est lui aussi sujet à caution. Où les jeunes garçons -- et filles -- apprendront-ils que des femmes peintres peuvent avoir autant de talent que Michel Ange ou Picasso ? Que des physiciennes peuvent être aussi intelligentes qu'Einstein ? Et d'ailleurs, quelle femme est plus puissante que George Bush II ? Plus riche que Bill Gates ? Plus méchante qu'Oussama ben Laden ? À la tête du Québec, du Canada, de l'ONU, du G8, des hommes et encore des hommes. Tous les prix Nobel en économie ont été attribués à des hommes. « Nos » Alouettes, « nos » Expos, « nos » Canadiens ? Des hommes. Et les légendes pour adolescents ? Les héros de La Guerre des étoiles ? Des hommes. La compagnie du Seigneur des anneaux ? Dix hommes (ou elfes, ou nains, ou hobbits, mais tous mâles... ). Harry Potter ? Un homme. Et la religion : le pape, les rabbins, les mollahs, tous des hommes... Et Dieu ? Une image plutôt masculine... (...)