ClearChannel : L'ogre controversé du circuit rock by JCC Thursday September 18, 2003 at 10:49 AM |
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Vous vous payez un concert rock ? Vous payez ClearChannel. La multinationale US a acheté les gros organisateurs belges de concerts et représente les grandes stars du rock. Les programmateurs s'en plaignent. Des consciences aussi : ClearChannel soutient activement Bush.
ClearChannel aux Etats-Unis, c'est 1.235 radios, des dizaines de stations de télévision, un réseau d'affichage qui se fait fort d'atteindre la moitié de la population nationale, plus de 110 salles de concerts et clubs contrôlés ou programmés exclusivement par la société, 27 millions de tickets vendus annuellement. Mais c'est aussi une machine à promouvoir le conservatisme…
Fondée au Texas en 1972, la société a pris la tête de l'industrie par des acquisitions successives, dont AMFM en radio et SFX pour l'organisation de concerts. Son influence croissante, rendue possible par la première dérégulation des ondes en 1995, n'avait pas échappé aux professionnels de la radio et de l'industrie musicale.
L'attention du reste du pays a été attirée, en mars dernier, par des manifestations « de soutien aux troupes » organisées par diverses radios de ClearChannel, au début de l'offensive en Irak. Cette réplique transparente aux vastes manifestations contre la guerre a fait de ClearChannel la cible des pacifistes, qui dénoncent « Fear Channel » (la chaîne de la peur).
L'option politique de la firme n'a jamais été un mystère. Les shows vedettes que ClearChannel distribue à travers l'Amérique sont ceux de Rush Limbaugh, héraut du populisme réactionnaire, et de Laura Schlessinger, « Docteur Laura », qui prône le mariage traditionnel.
Les liens des patrons de la société avec George W. Bush ont précédé sa carrière politique, quand un des principaux investisseurs de ClearChannel, Tom Hicks, lui a racheté l'équipe texane des Rangers. Son frère et partenaire en affaires, Stephen, a rejoint depuis le club des « pionniers » qui ont contribué, à raison de 100.000 dollars chacun, à la campagne présidentielle de l'ex-gouverneur du Texas.
ClearChannel emploie également des « anciens », recrutés à Washington : l'assistant parlementaire qui a rédigé la disposition de 1995 qui lui a permis de devenir la force dominante du marché de la radio, l'ancien patron de la division antitrust du ministère de la Justice… En dépit de ces excellents contacts, la firme a été accusée de vouloir, par ses rallyes patriotiques, se concilier les bonnes grâces de l'administration à quelques mois d'une réforme dérégulant davantage encore les médias.
Les murmures contre la montée en puissance de ClearChannel n'avaient pas attendu ce printemps pour se manifester. Murmures (à l'exception d'un rare procès intenté par un promoteur de concerts de Denver) car chacun mesure et craint l'influence de la firme. John Scher, dont la société a promu les éditions 94 et 99 de Woodstock, confirmait à « Business Week » l'énorme difficulté pour concurrencer une firme qui contrôle la majorité de la radio musicale sur un marché.
A New York, par exemple, ClearChannel possède cinq stations. Dans d'autres villes, elle bénéficie d'un monopole de fait. Elle contrôle ainsi le temps d'antenne donné aux nouveaux albums et ne risque pas de parler sur ses ondes d'un spectacle dans une salle qu'elle ne contrôle pas. ClearChannel peut aussi mettre sous pression les groupes dont il présente les tournées.
Leader de l'industrie, il a les moyens de renchérir sur les offres de ses concurrents. L'effet est répercuté sur les fans, avec des tickets de concerts dont les prix s'envolent (+ 61 % depuis la dérégulation). La pratique se serait, à l'occasion, retournée contre des groupes contraints à des prestations gratuites pour permettre à ClearChannel de rentrer dans ses frais.
Enfin, la firme n'a pas meilleure cote auprès des amateurs de radio : elle a homogénéisé la programmation de ses stations leaders avec des « formats » type.
Ces accusations, répercutées essentiellement par la radio publique et les médias « alternatifs », les porte-parole de ClearChannel les récusent comme autant de « mythes ». Le boycott de fait des Dixie Chicks sur ses ondes, après le commentaire acerbe de Natalie Maines sur George Bush, aurait été décidé individuellement par les patrons de stations de la chaîne. Loin de se limiter au plus petit commun dénominateur des hit-parades.·
Source: Le Soir en Ligne
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Pour plus de détails, l'avis de Starflam et de Fabrice de la Soundstation de Liège, voir sur: