Cancun : Mobilisations tropicales et bottes de combat sur la plage

Les premières manifestations ont commencé à Cancun en marge de la 5e réunion des ministres du commerce extérieur des pays membres de l'OMC. Il faut tout de suite dire que les altermondialistes ne manquent pas d'imagination et qu'ils adaptent leurs stratégies à la géographie locale. Lundi après-midi, entre 30 et 40 activistes italiens et mexicains se sont rendus en autobus, par petits groupes de 4 ou 5 personnes, à la Playa Langosta, dans la zone hôtelière maintenant fermée à tout ceux qui n'ont pas d'autorisation. Arrivés sur la plage, ils se sont dévêtus complètement et ont formé, couchés sur le sable, la phrase 'No a la OMC'. Ils sont demeurés ainsi pendant quelques minutes, le temps que des journalistes les prennent en photo (la plupart de la presse mexicains, mais Reuters et AP y étaient aussi). Ils ont alors pris un petit bain pour se débarasser du sable, se sont rhabillé et ont quitté les lieux sans se faire inquiéter.

Il va sans dire que cela ne sera plus possible : depuis mardi matin, des gardes sillonnent toutes les plages, des barrières empêchent de passer d'une plage à l'autre et la garde côtière est apparue.

L'objectif de cette mobilisation est bien sûr symbolique : il s'agit de montrer au monde entier que l'altermondialisme n'égale pas nécessairement violence et destruction, mais aussi festivité et imagination.

Pendant ce temps, dans la ville de Cancún, à l'extérieur des barricades, plus de dix mille paysans du monde entier se réunissent pour un forum alternatif. Malheureusement, votre humble serviteur ne pourra y être : son accès à la ville est, depuis aujourd'hui mardi, fort aléatoire. Donc, des paysans du Honduras, du Brésil, de la Corée, d'Espagne, d'Argentine, du Panama et d'autres pays américains se rendent en ville pour participer à un Forum Mondial des Peuples qui se tiendra autour de la Place de la... Réforme. Plus de 400 Zapatistes sont partis en autobus de San Cristóbal de la Casas, au Chiapas, pour venir les rejoindre. Tout ce beau monde manifestera en ville et défilera près de la barricade principale qui les empêche de pénétrer dans la zone hôtelière. Toute la semaine se tiendra des discussions et des ateliers sur la situations des paysans dans le monde et sur leur place dans le système que nous concocte l'OMC.

Justement, à ce propos...

Agustín Gutierrez Canet, directeur des relations avec les médias étrangers, assure que les manifestations sont permises, de même que la liberté d'expression et de circulation. En excluant, bien sûr, tout ce qui est interdit.

Communications et amadouage

La police mexicaine "évoque la possibilité" que les agents de la paix déployés pour le contrôle de la foule en ville portent un brassard blanc pour signifier que leurs intentions sont pacifiques et que les manifestants sont les bienvenus. De même, il y a une "possibilité" que tous les employés de l'État portent ce même brassard avec l'inscription "Unis pour la paix". C'est là une noble intention qui n'a sûrement rien à voir avec l'habitude des foules mexicaines de tabasser les flics lorsque la possibilité de le faire existe...

Sur ordre du maire de la Cancún, l'Institut mexicain de sécurité sociale (un hôpital) a suspendu 165 chirurgies qui devaient avoir lieu cette semaine pour laisser le personnel médical en disponibilité, advenant des blessures lors des manifestations.

Effectifs policiers et militaires

Difficile d'évaluer les effectifs policiers et militaries déployés pour le contrôle de la foule. On parle d'autour de 1500 policier fédéraux, plus des policiers de la brigade "touristique" normalement affectée à la zone hôtelière. En plus, des éléments de la marine patrouillent les plages, des surnuméraires aussi, et les militaires sont gardés en réserve pour s'il y a de la casse.

Le Sous-secrétaire des Relations Extérieures du Mexique certifie qu'aucune indication ne pourrait laisser croire que Al-Quaïda puisse s'intéresser au Mexique pour fêter dans les explosions et la terreur le deuxième anniversaire de vous-savez-quoi. Devinez qui avait laisser sous-entendre que vous-savez-qui pourrait faire vous-savez-quoi au Mexique plutôt qu'ailleurs. Si vous devinez, je vous ramène un porte-clé fait en Chine écrit I Love Cancún.

Sports et sports et pis rien d'autre

Dans la feuille de choux quotidienne de la zone hôtelière, publiée en anglais, on ne parle pas de l'OMC et du sommet des minisses. Cette publication de 4 pages donne des nouvelles du "monde extérieur normal". J'y ai appris avec joie aujourd'hui que les Yankees de Nouille-Yorke ont défait par 9 à 3 les Blue Jays de Toronto. C'est une grave erreur de la part de Novedades Cancún Hotel Zone de ne pas parler de la réunion de l'OMC, parce que les pôvres touristes se retrouvent avec des clôtures partout, des militaires qui fouinent et des embouteillages monstres et ils ne savent pas pourquoi...

Dans le maudit débat entre les appellations "altermondialiste" et "antimondialiste", les mexicains apportent leur grain de sel. Ici, ce sont des "Globalicriticos" ('"critiques de la globalisation") ou des "Globalifobicos" ('qui ont la phobie de la globalisation, en tradcution mot à mot).

Le Couac Dinner a gracieusement eu accès à un communiqué de presse transmit par un pote journaliste accrédité qui a accès au centre des médias situé sur le lieu de la reunion officielle. Le Groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ont décidé de se donner un seul représentant à l'OMC et de faire des propositions communes. Cela leur permettra de fournir à ce représentant une vrai équipe de recherchistes et de conseillers, ainsi qu'un budget potable. En effet, l'OMC étant une organisation libre, aucun système de péréquation n'existe et les plus petits pays n'ont souvent pas les moyens d'entretenir une délégation capable de suivre le train d'enfer des gros. On souhaite bonne chance au ministre du Commerce et de l'Industrie du Botswana, qui a été désigné pour remplir ce rôle.

C'est pas mal tout pour ce soir. Plus de nouvelles pas objectives du tout demain soir. J'aurai alors des choses à vous dire sur le commerce équitable (parce que je suis ici pour ca) et, peut-être, des nouvelles de notre minisse Pettiscrew, à qui j'espère bien pouvoir poser quelques questions demain soir.

En attendant, si vous avez des messages à faire passer aux militaries qui campent sur la plage en face de mon hôtel, vous n'avez qu'à m'envoyer vos commentaires et je les transmettrai avec plaisir.

Marco Silvestro, Le Couac Dinner.

Je remercie Sophie-Anne Legendre pour son aide à la traduction des articles de la presse mexicaine.

arch/ive/ief (2000 - 2005)