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Débat sur le port du foulard à l'école
by tirés de "Rouge" Tuesday September 09, 2003 at 05:55 PM

Le débat sur la question du foulard est présent également à nouveau en France depuis le printemps dernier. Vous trouverez ci-dessous trois textes publiés précédement dans l'hebdomadaire "Rouge" qui fond largement le point sur les différents points de vue traversant la gauche.

Le gouvernement français envisage de légiférer sur l'interdiction du foulard à l'école. Trois points de vue, publiés dans "Rouge". Le premier relèVe d'un travail réalisé par des militants du secrétariat antiracisme-immigration, du secrétariat femmes et de la commission banlieues-cités-quartiers de la LCR.Le troisième à partir de l'annonce de la création d'une commission de la laïcité par Chirac en juillet après celle, par Sarkozy, d'un projet de loi sur l'interdiction du port du voile


Une seule école pour toutes (1)

Confronté à une mobilisation historique des personnels de l'Education nationale contre son offensive libérale, le gouvernement Raffarin agite l'idée d'une loi contre le foulard à l'école. Il n'a aucune légitimité pour se draper dans de prétendues intentions laïques. Ce n'est pas les 150 cas conflictuels de port du foulard qui menacent aujourd'hui l'école publique mais bien la politique du gouvernement, notamment sa loi sur la décentralisation. L'énorme manifestation laïque de 1994 l'ayant contraint à renoncer à son projet d'augmenter le financement des écoles confessionnelles, François Bayrou avait lui aussi tenté de se donner des airs de laïcité avec une circulaire sur l'interdiction du voile à l'école. En affichant leur consensus avec la droite sur cette question, Fabius, Lang et consorts sèment la division à gauche.
L'idée d'une loi interdisant le port du foulard à l'école est aussi un prolongement de l'offensive xénophobe et sécuritaire de Sarkozy. La stigmatisation de la population musulmane, immigrée ou issue de l'immigration, depuis longtemps accusée d'être responsable du chômage et de la délinquance, s'est renforcée depuis le 11 Septembre, avec le fantasme d'un "complot terroriste fomenté dans les cités de banlieues". Cette accentuation de l'islamophobie survient dans un contexte d'offensive des fondamentalismes sur fond de remise en cause des luttes collectives du mouvement des femmes et de dégradation du tissu social des quartiers populaires. La disparition progressive des services publics et des politiques de prévention a laissé le terrain à un travail de substitution développé notamment par des organisations musulmanes. Les politiques municipales, essentiellement ciblées en direction des garçons des cités, ont de fait contribué à l'exclusion des filles de l'espace public. Les reculs sociaux ont nourri les replis identitaires.

Une oppression

Le port du foulard est une oppression. Il est la marque de la soumission à un rôle social sexué autant que la négation du droit des femmes à disposer de leur corps. Pour les jeunes filles qui le portent, il n'en véhicule pas moins un ensemble complexe de messages. Il n'est pas systématiquement vécu comme le signe d'une soumission à l'autorité du père, des frères, du mari. Il est parfois non seulement revendiqué comme un moyen de contourner cette autorité, mais comme une protection contre le sexisme ambiant et le harcèlement dans les espaces publics. Ce faisant, il relèVe d'une démarche individuelle au lieu de la nécessaire lutte collective et matérialise une adaptation à la domination masculine. Il peut enfin représenter une volonté d'affirmer une identité culturelle et donc une résistance à l'assimilation forcée au modèle dominant, par opposition à la docilité que les parents ont manifestée dans une société discriminatoire. Certaines adolescentes tiennent tête à leurs parents qui leur interdisent le foulard et expriment une crise d'identité en le portant. L'enjeu n'est donc pas d'obtenir le retrait du foulard par la contrainte. Ce n'est pas par une loi s'attaquant aux victimes que l'on combat une oppression.
Car légiférer sur l'interdiction du port du foulard à l'école signifie inévitablement aller jusqu'à l'exclusion. Or, loin d'améliorer le sort des jeunes filles porteuses du foulard, leur exclusion aggraverait leur situation et renforcerait à la fois le racisme et le repli communautaire. La jeunesse musulmane, déjà abandonnée à son sort, deviendrait une proie encore plus facile pour le fondamentalisme musulman. Les enfants et les jeunes immigrés ou issus de l'immigration doivent pouvoir accéder à une scolarité normale et à tous les choix de formation, à égalité des droits. Aucun prétexte ne doit permettre que des jeunes filles soient retirées de l'école publique, dirigées vers des écoles religieuses ou, pour certaines, cloîtrées dans leur famille jusqu'au mariage. L'exclusion au nom d'un étroit discours laïque renforcerait le dualisme scolaire et le communautarisme. Au contraire, le grand service public et laïque d'Education que nous revendiquons doit être en mesure d'accueillir tous les enfants et tous les jeunes.

Pour convaincre les porteuses de foulard et, au-delà, toute la jeunesse de se libérer des oppressions religieuses et sexistes, il est essentiel que toutes les jeunes filles se retrouvent dans le cadre commun de l'école publique pour y développer leur esprit critique et leur personnalité. Cela exclut une logique d'enseignement à la carte : tous et toutes doivent assister aux mêmes cours, y compris le sport ou la biologie lorsqu'on évoque la théorie de l'évolution. Cela suppose aussi de réaffirmer l'importance d'une véritable éducation sexuelle qui ne se limite pas à l'enseignement de la reproduction, qui développerait une conception non normée de la sexualité, du corps, des désirs ainsi qu'une information sur la prévention et la contraception.

Sans compromis

Nous défendons la laïcité contre tous les prosélytismes religieux. Certains "laïcards" de circonstance ne combattent pas avec la même vigueur le foulard et le financement public des écoles confessionnelles, la présence d'aumôneries dans les enceintes scolaires, le statut privilégiant l'église catholique en Alsace-Moselle ou l'introduction d'un enseignement des religions. La "laïcité" a souvent bon dos pour masquer une vision assimilationniste et ethnocentrique de l'intégration. Une véritable laïcité suppose que cohabitent les différences culturelles dans le respect mutuel, la découverte et l'échange. La laïcité que nous revendiquons implique une école publique unique, indépendante de toute institution religieuse et de toute religion, démocratique, obligatoire pour tous et garantissant une réelle mixité.
Notre refus d'une loi interdisant le port du foulard à l'école ne concède rien aux fondamentalismes religieux. Nous dénonçons vigoureusement l'idée que ce serait la permissivité ou les tenues vestimentaires qui provoqueraient les agressions sexuelles. Nous apportons un soutien total et actif aux mouvements et associations de jeunes femmes luttant contre l'oppression, à l'image de "Ni putes ni soumises" ou de Masculin-féminin à Vitry, sans accepter la moindre réserve au prétexte de ne pas stigmatiser les jeunes garçons de banlieue. Il s'agit même d'un travail que toutes les sections de la LCR doivent développer. De même, nous combattons toute manifestation d'antisémitisme, y compris dissimulé derrière des prétentions anti-impérialistes, antisionistes ou islamophiles. Notre combat contre tous les fondamentalismes, contre toutes les oppressions et violences subies par les femmes, notre refus d'une société où chacun et chacune serait identifié par un marquage religieux ne peuvent en aucun cas être associés à ce gouvernement réactionnaire et raciste. C'est au moyen d'une activité dans les quartiers populaires guidée par tous nos principes que l'on combattra à la fois l'offensive libérale et le fondamentalisme réactionnaire.

Emmanuel Sieglmann et Pauline Terminière.

Rouge 2024 03/07/2003
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Débat sur le port du foulard à l'école(2)
Laïcité et foulard

On prend de grands risques à n'aborder la question dite du "foulard" que lorsque les médias décident de faire dans le spectaculaire, ou quand le gouvernement est saisi de fièvre législatrice. Risque de se payer de polémiques faciles, contre la menace de voir des jeunes filles "exclues" de l'école. Cette émotion à éclipses fait oublier que depuis plus d'une décennie le problème perdure dans certains établissements, sans que l'attachement laïque des enseignants ait conduit à des exclusions. En revanche, s'interroge-t-on sur le nombre de jeunes filles qui, ayant sacrifié à ce combat militant leurs études et leur avenir, se sont finalement retirées de l'école ? Et voit-on que le problème s'aggrave ? Généralisation du port du voile dans certains quartiers, un voile (cessons de dire "foulard") devenu parfois dans les écoles uniforme complet, à la saoudienne, ce qui témoigne qu'on est très loin des "signes discrets" sur lesquels a légiféré le Conseil d'Etat... Et risque de contourner l'essentiel : l'enjeu, non pas religieux, mais politique. Le statut des femmes musulmanes, son inscription dans la société (française), à partir de l'école, comme point d'appui d'une politique : celle qui vise à ce qu'une fraction de la population se définisse à partir de l'identité religieuse, dans une version intégriste.

Emmanuel Sieglman et Pauline Terminière, réservant leurs coups aux "laïcards", évitent de répondre à la seule question digne d'intérêt : convient-il d'accepter, voire de favoriser, le port du voile à l'école ? Notre réponse doit être clairement négative.

Laïcité en danger

La conception française de la laïcité, contre laquelle s'élèvent aujourd'hui tant de voix officiellement soucieuses de "tolérance", est le produit de la radicalité de la Révolution française et du combat intransigeant que le mouvement ouvrier aura dû mener pour faire triompher la République face à la réaction et à l'obscurantisme. Au-delà de ses proclamations de "neutralité", singulièrement formelles, elle représente une condition essentielle de la liberté de conscience, qui ne saurait s'exercer sans que soient distingués la sphère du public et celle du privé, le domaine du spirituel et celui du temporel. Elle constitue, pour cette raison, un point d'appui pour résister aux assauts répétés des Eglises et des puissances d'argent.
Dans le contexte de la contre-réforme libérale actuelle, l'idéal laïque se trouve être l'objet d'attaques convergentes de forces qui, pour diverger dans leurs visions du monde, n'en cherchent pas moins à briser cet acquis. Comment ignorer qu'une grosse centaine de députés UMP viennent de cosigner une proposition de loi visant à augmenter massivement la part des subventions publiques autorisées pour le fonctionnement des écoles privées ? Que l'archevêque de Paris ne cesse d'expliquer que le rationalisme des Lumières a conduit à la Shoah ? Que le grand rabbin de Lyon en appelle à la remise en cause de la loi de 1905, au motif que "nous sommes dans une société multiculturelle" ? Que les nouvelles institutions musulmanes de France se retrouvent aux mains d'une tendance fondamentaliste, de par la volonté de Nicolas Sarkozy ? Que de nombreux secteurs du patronat se proposent dorénavant de former la jeunesse aux techniques de la rentabilité financière et du boursicotage, telles que les promeut la mondialisation du capital ?

Renouer le fil du combat laïque devient une urgence. Et cela passe, évidemment, par le refus de tout financement public des écoles privées ou par la dénonciation de toutes les subsistances de l'influence religieuse à l'école. Mais aussi par le rejet de toute forme de prosélytisme et d'affirmation ostentatoire des appartenances confessionnelles dans l'espace public.

Discrimination symbolisée

C'est dans ce cadre qu'il nous faut reposer la question du voile dit islamique. Peut-être, dans l'esprit de quelques-unes des jeunes filles concernées, s'agit-il d'une revendication identitaire, d'un acte de contestation d'une société qui exclut les populations issues de l'immigration, d'un moyen d'exprimer une visibilité sociale. La crise du modèle français d'intégration fait ici sentir ses effets dévastateurs. Cet attribut vestimentaire, qui n'est d'ailleurs requis que par une interprétation bien particulière de l'islam, est fondamentalement une symbolisation affichée d'une discrimination sexiste.
Loin de consacrer la liberté d'un sujet maître de ses décisions, il souligne l'assujettissement d'une personne à un statut d'infériorité. Plutôt qu'un signe d'ouverture de l'école, son acceptation reviendrait à tolérer un principe de fermeture et d'aliénation, la primauté de la loi de la famille ou de la communauté sur les rapports de citoyenneté qui régissent théoriquement l'espace public. Seul l'intégrisme peut y trouver avantage, dans la mesure où la subordination des femmes vient relayer une conception littéralement totalitaire de la vie sociale (qui lie la négation du pluralisme et des libertés à une inégalité instituée entre hommes et femmes) et légitimer ses prétentions à l'hégémonie sur les musulmans de France.
Consentir à pareille dérive reviendrait à ouvrir la porte à d'autres remises en question de la laïcité, à déposer préventivement les armes devant des offensives qui visent le contenu même des programmes d'enseignement et la mixité, à accepter que s'instaure insidieusement une différence des droits, à laisser isolées les jeunes femmes qui s'efforcent courageusement de secouer la tutelle des pères ou des frères dans les banlieues et les cités (à l'instar de l'immense majorité des jeunes filles issues de l'immigration maghrébine, et de celles qui se regroupent dans un mouvement comme "Ni putes, ni soumises").
Le projet d'une loi, évoqué dans les rangs de la majorité parlementaire du moment, ne répond pas au problème. En l'état actuel des choses, produite par un gouvernement qui développe les discriminations dans la société française, il ne s'agirait que d'un texte de circonstances, pour ne pas dire d'exception. Autrement dit d'une législation risquant de désigner toute une population à la vindicte publique, ce dont se frotteront les mains les racistes, même si dans le même temps certains fascistes continueront à clamer "Musulmanes, mettez les voiles !". Le combat contre le fondamentalisme réactionnaire nécessite au contraire d'assurer, d'un point de vue démocratique, l'égalité de traitement entre toutes les religions, c'est-à-dire de permettre à l'islam de bénéficier d'une effective liberté de culte, dans le respect scrupuleux des règles d'une société profondément sécularisée. Plus que par la coercition étatique ou par des dispositions administratives, c'est par une grande bataille d'opinion, par la construction d'un rapport de forces politique (associant les usagers de l'école aux associations de défense des droits de l'Homme et des droits des femmes, les syndicats enseignants aux organisations étudiantes et lycéennes) qu'il convient de nouveau d'écarter le prosélytisme religieux de l'école, de battre les pressions discriminatoires visant les femmes, de refonder les principes laïcs dans la conviction collective.

Michèle Ernis, Christian Picquet, Francis Sitel.

Rouge 2025 10/07/2003
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Débat sur le port du voile à l'école (3)

Refuser l'oppression

"Rouge" poursuit le débat engagé début juillet (voir les numéros des 3 et 10 juillet) sur le port du voile islamique et sur l'intention du gouvernement de légiférer à ce propos.
L'annonce de la création d'une commission de la laïcité par Chirac en juillet après celle, par Sarkozy, d'un projet de loi sur l'interdiction du port du voile à l'école relance un débat piégé.

Quand Sarkozy fait de l'intégration "une question nationale de la plus grande importance", tout en menant une politique aggravant la situation des immigrés, il chasse sur le terrain de Le Pen. Il se revendique de l'égalité républicaine dont l'école serait le creuset alors que la politique du gouvernement contribue à creuser les inégalités sociales, à l'école et dans toute la société.

Nous combattons cette politique sur tous les terrains y compris quand elle prend le masque de la laïcité.
Une loi interdisant le voile ne pourrait que contribuer à donner une légitimité politique aux prétentions des intégristes de dévoyer la révolte des jeunes filles sur le terrain religieux. Nous la dénonçons. Une telle politique répressive ne peut que contribuer à jeter de l'huile sur le feu de la division entre Français et immigrés dans un contexte général où, après les attentats du 11 Septembre et les guerres menées au nom de la lutte contre le terrorisme, l'impérialisme se livre à une propagande pernicieuse flattant les préjugés racistes.

Ceci dit, dénoncer cette politique, combattre le racisme ne saurait conduire à la tolérance à l'égard du voile.

Recul social et démocratique

Avec l'offensive de la bourgeoisie contre les droits sociaux et démocratiques, la situation de l'ensemble des femmes est en recul. Dans les pays musulmans, les femmes sont les victimes toutes désignées de la régression sociale, contraintes, parfois au risque de leur vie si elles se révoltent, de vivre cloîtrées, sans droits, de ne sortir qu'accompagnées et rendues invisibles sous un voile, un tchador ou une burqa. Ici, où prévaut la séparation de l'Eglise et de l'Etat, l'aspiration à la liberté des femmes de confession musulmane, leur refus de porter le voile, peuvent trouver des soutiens parmi les femmes et les hommes qui ont pu conquérir leur émancipation de la morale réactionnaire. Pour cela, il est nécessaire que cette solidarité s'affiche ouvertement pour faire contrepoids à la pression exercée par les milieux intégristes qui contraint des femmes à revendiquer elles-mêmes une infériorité qui leur est imposée.

Le voile ne représente pas seulement un signe extérieur d'appartenance religieuse, au même titre que la croix pour les catholiques ou la kippa pour les Juifs. Il est le symbole du mépris vis-à-vis des femmes et de leur oppression insupportable, déni de leur droit à choisir leur vie, à assumer leur liberté, à disposer de leur corps.
Parler du "libre" choix du port du voile par certaines jeunes filles est une hypocrisie qui ferme les yeux sur les pressions dont elles sont l'objet, même quand ce prétendu libre choix se revendique d'une quête identitaire face à une société qui les rejette. C'est se détourner de celles qui, bien plus nombreuses, luttent pour s'y soustraire. Les militants du mouvement social, les enseignants doivent soutenir activement le combat de ces dernières.

C'est au nom de l'égalité entre les hommes et les femmes, égalité sociale et pas seulement juridique, que le mouvement ouvrier est partie prenante dans la lutte contre le port du voile. Cette lutte s'intègre pleinement dans la lutte pour le progrès social et la démocratie à travers laquelle se construit l'unité des travailleuses et des travailleurs.

La laïcité et ses limites bourgeoises

Ce combat contre l'oppression n'a pas besoin d'autre légitimité que lui-même. La laïcité à l'école comme dans la vie sociale est un acquis démocratique lié au développement de la bourgeoisie. Nous la défendons comme tous les droits et acquis démocratiques, nous l'utilisons dans la lutte contre les préjugés religieux mais sans oublier qu'elle est bien hypocrite. Elle prétend faire des questions religieuses une affaire privée mais pour mieux y soumettre "démocratiquement" l'Etat. Elle s'accommode du financement des écoles privées par l'Etat, de la présence d'aumôneries dans les lycées, de la banalisation de signes ostentatoires d'appartenance religieuse comme le port de la croix, de la propagation des idées réactionnaires et hostiles au matérialisme.

Ce ne peut être au nom des valeurs de la République que les militants du mouvement ouvrier défendent l'égalité entre hommes et femmes, la mixité, l'égalité du droit à la culture, au progrès, à choisir librement leur vie, à disposer librement de leur corps.

La séparation entre l'Eglise et l'Etat n'a été sanctionnée par la loi en 1905 que parce que des militants qui appartenaient à des partis se réclamant de la classe ouvrière, notamment des instituteurs laïcs, avaient engagé le combat contre le cléricalisme des partis réactionnaires. La bourgeoisie a su se servir de la loi pour la plier à ses intérêts.

Tous les progrès sociaux et démocratiques ont été imposés par "en bas". La législation en faveur des femmes, comme de l'ensemble des travailleurs, n'a jamais fait que reconnaître des droits issus d'un rapport de forces ; même devenus légaux, ces droits ne peuvent avoir un contenu concret et vivant que si des femmes et des hommes en font leur affaire.

Un rapport de forces politique et social

Le combat contre le port du voile est avant tout un combat politique, démocratique qui affirme sa solidarité active avec toutes celles qui dénoncent l'oppression dont elles sont victimes, comme le mouvement des filles des banlieues Ni putes, ni soumises.

Le mouvement de mai et juin au sein de l'Education nationale et ses suites ne manqueront pas d'attiser l'hostilité des réactionnaires, en particulier des intégristes. La question du voile sera pour eux un moyen de diviser, de créer incidents et affrontements en utilisant le désespoir ou la faiblesse de jeunes filles soumises à la loi des grands frères.

Les enseignants ont toute légitimité, face à l'offensive réactionnaire déjà engagée, à refuser le port du voile à l'école, par le dialogue et la médiation le plus souvent mais sans craindre d'aboutir à l'exclusion de celles qui acceptent de s'en faire les militantes.

Les enseignants s'appuient dans cette lutte sur la laïcité, la défendent tout en sachant que ce combat, comme celui de mai et juin, est un combat politique pour changer le rapport de forces.
Leurs alliés, nos alliés sont les jeunes filles et les femmes d'origine musulmane qui refusent l'humiliation du voile comme leurs frères de liberté et de dignité.
Le combat contre le voile, c'est leur combat. Au mouvement ouvrier, aux enseignants, aux révolutionnaires de les aider, de leur donner confiance dans les idées d'émancipation sociale et de progrès pour qu'elles trouvent la force de résister aux pressions des intégristes et de se soustraire au port du voile, à l'école et dans la société, afin d'exercer leur propre pression et de faire reculer les intégristes.

Valérie Héas, Yvan Lemaitre.

Rouge 2029 04/09/2003