arch/ive/ief (2000 - 2005)

Brésil: six mois au service du FMI
by Luciana Genro Sunday August 24, 2003 at 11:31 PM
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Le gouvernement Lula a crié victoire et la presse lui a fait écho. En réalité, cette victoire lors du premier vote parlementaire sur la « réforme » de la Sécurité sociale a été une déroute politique et morale. Pourquoi? Parce qu'il a fallu déplacer des députés et négocier des votes à la dernière heure, parce qu'il a fallu réprimer avec les forces de l'ordre et parce qu'il a fallu affronter plus de 60.000 travailleurs qui sont arrivé à Brailia des quatre coins du pays.

Le gouvernement Lula a crié victoire et la presse lui a fait écho. En réalité, cette victoire lors du premier vote parlementaire sur la « réforme » de la Sécurité sociale a été une déroute politique et morale. Pourquoi? Parce qu'il a fallu déplacer des députés et négocier des votes à la dernière heure, parce qu'il a fallu réprimer avec les forces de l'ordre et parce qu'il a fallu affronter plus de 60.000 travailleurs qui sont arrivé à Brailia des quatre coins du pays.

Le gouvernement de Lula compte six mois d'existence. Aucune des promesses assumées envers le peuple n'est en train d'être réalisée. Par contre, les engagements assumés avec le FMI, rendus publics via la Lettre d'Intention du 28 février 2003, sont ponctuellement respectés. Les mesures fiscales draconiennes de cette année seront étendues – par décision du gouvernement fédéral – jusqu'en 2006. Les budgets alloués pour les secteurs sociaux tels que la santé, le logement et l'éducation, seront sans cesse plus réduits; depuis janvier, plus d'un demi-million d'emplois ont été perdus et le chômage dans les grandes villes atteint les 20%; les investissements dans l'infrastructure de base sont reportés; le plan « Faim Zéro » tout comme la Réforme Agraire, dépendent d'une nouvelle négociation avec le FMI sur le déficit fiscal; et, malgré le brutal ajustement, les investissements étrangers ont chuté de 63% par rapport à l'année dernière. Pendant ce temps, l'industrie nationale est en chute libre. La crise sociale est incontenable.

Les travailleurs et le peuple pauvre font face comme ils peuvent aux difficultés et à la menace croissante d'une catastrophe. Les protestations des secteurs populaires augmentent, notamment parmi les vendeurs ambulants et les Sans Toits; les ouvriers des usines de l'ABC et San Bernardo réalisent de grandes assemblées pour contrer les licenciements massifs. Les patrons des usines de montage ont recours aux bureaucrates des Syndicats de la Métallurgie et de la CUT dans le but d'endiguer une vague de mobilisations ouvrières.

La bouregeoisie dans son ensemble fait pression afin que le gouvernement mette en action les mécanismes de répression contre les Sans Terre et les occupants urbains. Elle ressent une certaine panique devant la faiblesse du gouvernement PT à freiner une éventuelle situation d'escalade des luttes des masses. L'enprisonnement de José Rainha, dirigeant du MST, fait partie de ces pressions et le système judiciaire rempli son devoir dans la « séparation des pouvoirs ». Le patronat est inquiet car il sait que les victoires dans les occupations de terres et de logements stimulent les mouvements sociaux. La direction du PT partage pleinement cette préoccupation de la droite et des chefs d'entreprises.

La répression contre les secteurs populaire de Pernambuco – une municipalité dirigée par le PT – est un signal clair que la coupole du parti n'est pas disposée à laisser se développer les protestations. Le rejet unanime du gouvernement à l'encontre des déclarations du camarade José Pedro Stédile, dirigeant du MST, qui appelait à une mobilisation décidée des paysans, a été une autre preuve de la disposition du gouvernement à agir comme des gérants des capitalistes.

Les Sans Terres continuent à résister aux bandes armées des grands propriétaires terriens qui assassinent les paysans pauvres et ils répondent comme ils le peuvent à l'aggravation de la crise sociale et économique. Soutenir leurs actions, défendre leur droit à occuper, résister et produire est pourtant une obligation, un devoir basique pour la gauche!

Dans ce scénario d'instabilité, le gouvernement accélère ses tentatives de faire approuver la « réforme » de la Sécurité sociale. La répression au sein de l'assemblée nationale faisait partie de cette politique. A travers l'adoption de cette « réforme », le but est à la fois de mettre en déroute la lutte des fonctionnaires publics et de renforcer la confiance de la bourgeoisie et des banques en sa « capacité » à appliquer le modèle imposé par le FMI et la Banque Mondiale.

En réaction, les fonctionnaires publics poursuivent leur grève générale (qui touche plus de 800.000 travailleurs) et annoncent de nouvelles manifestations à Brasilia. Soutenir les fonctionnaires publics est un autre devoir élémentaire.

Même si les perspectives de la lutte des classes dans le pays sont encore incertaines, il est chaque fois plus clair que le crise sociale et la continuité des mobilisations populaires représentent un approfondissement de la rupture d'un secteur du mouvement de masses avec le gouvernement et la direction du PT.

Il est également de plus en plus évident que le mécontentement parmi d'amples secteurs intellectuels et culturels, comme le démontrent les critiques radicales de Francisco Chico Oliveira – sociologue et fondateur du PT – contre le ministre Berzoni (qualifié y compris d'imbécile), ou la déclaration de la Société Brésilienne pour le Progrès des Sciences, réunie à Pernambuco afin de rejeter la « réforme » de la Sécurité sociale.

Le processus de mécontentement et de rupture a son expression politique dans le soutien que recoivent les parlementaires de la gauche radicale. Dans ce contexte, nous avons lancé, ensemble avec les camarades Baba et Joao Fontes, le Manifeste d'Urgence pour la défense des droits populaires. La réponse a été impressionnante. Des milliers de militants, de dirigeants syndicaux, étudiants, populaires et d'importantes fédérations syndicales l'ont souscrit et le distribuent dans tout le pays. Des économistes et des intellectuels engagés comme Ricardo Antunes, Plinio de Arruda Sampaio, Roberto Romano et Reinaldo Goncalvez l'ont également signé. Même l'étatsunien James Petras s'est déclaré solidaire avec le Manifeste.

Il s'agit, dans ce texte, d'une plateforme d'urgence qui va au-delà de la lutte des fonctionnaires publics contre la « réforme » de la Sécurité sociale. Son contenu propose des mesures économiques et sociales de transition afin de combattre la crise.

Ce contenu prend une plus grande importance encore au moment de l'aggravation de la crise dans le pays et de l'incapacité absolue du programme du gouvernement de sortir de la dynamique de récession, de chômage massif et de pauvreté.

C'est pour cela que le moment est adéquat pour la gauche radicale et les mouvements sociaux de résister et de mettre en avant des mesures véritablement alternatives.

Luciana Genro (*)
Traduit du Courrier Amérique Latine de la IVe Internationale

(*) Députée fédérale et militante du Mouvement de la Gauche Socialiste, courrant radical du PT. Ensemble avec les député Joao Bautista Baba et Joao Fontes, elle a voté contre la « réforme » de la Sécurité sociale. Tous trois sont menacés d'expulsion du PT, tout comme la sénatrice Heloísa Helena (de la Tendance Démocratie Socialiste – IVe Internationale) qui a été « suspendue » et menacée d'expulsion en cas de vote contre cette réforme lorsqu'elle passera par le Sénat.