arch/ive/ief (2000 - 2005)

Le togo a la dérive
by ayeva Friday May 30, 2003 at 05:21 PM

Après 36 ans de règne sans partage, le général Eyadéma, se représente à l’élection présidentielle du 1er juin 2003 malgré la promesse qu’il a faite au président Jacques CHIRAC et qui l’a annoncée au monde entier en juillet 2000

CRIMES CRAPULEUX AU SOMMET DE L‘ETAT

Le 13 janvier 1963, Eyadéma, sergent-chef démobilisé de l’armée française,réalisa le 1er putsch de l’Afrique noire post-coloniale en tuant le 1er président de la jeune république du Togo.

Le 03 décembre 1991,alors que le continent noir était à son tour traversé par le courant libérateur et réformateur de la Glasnot et que le Togo, après une historique conférence nationale souveraine,entamait une période de transition confiée à un gouvernement dirigé par un Premier Ministre et un parlement appelé le Haut Conseil de la République, le général Eyadéma fit prendre d’assaut la primature par ses troupes d’élite après plusieurs jours d’encerclement ;il donna ainsi , le premier encore, un coup d’arrêt décisif au processus démocratique qui se mettait en place au Togo et un peu partout en Afrique.

Les 22 et 23 octobre 1992, le général Eyadéma se sert de l’armée pour procéder à la séquestration du Haut Conseil de la République (HCR), Parlement de Transition , une transition qu’il fractura à sa guise ; ce qui entraîna la mort politique de cette vénérable institution. A cette occasion , il fit subir des traitements inhumains , dégradants et humiliants à 07 Hauts Conseillers dont le Président du HCR , Monseigneur Philippe KPODZRO .Cette séquestration constitua la goutte d’eau qui fit déborder le vase ; le peuple togolais, soudé à sa classe politique comme un seul homme, entreprit vaillamment des manifestations pacifiques pour exiger l’arrestation des responsables de cette inédite prise d’ôtages et le retrait inconditionnel de l’armée de la vie politique du pays . Le général Eyadéma s’y opposa avec dédain et indifférence : ce qui provoqua le 16 novembre 1992 la grève générale illimitée de 09 mois , la plus longue du continent,qui désarticula dangereusement l’économie togolaise . Elle prit fin par la signature de l’Accord de Ouagadougou dont la violation commença avant même sa mise en application.

Au-delà des 3 dates ci-citées, il convient de rappeler que du 13 janvier 1963 au 13 janvier 1967, le sergent-chef , devenu colonel comme par enchantement , confia la présidence de la république à feu Nicolas GRUNITZKY qu’il tint comme en laisse et qui, ipso facto, n’arriva pas à appliquer son programme politique dont Eyadéma accrut les secousses telluriques par une exploitation machiavélique des conflits de compétence qui couvaient entre le président et le vice-président.

Le 13 janvier 1967, Eyadéma chasse Nicolas GRUNITZKY du pouvoir et le remplace pour 3 mois seulement par le colonel Dadjo ;il dégage ce dernier, pour moralité déficiente et s’installa silencieusement au pouvoir le 14 avril 1967. Pour arrêter la gangrène dictatoriale qui semblait déjà prendre le Togo en possession , un gendarme du nom de Bokobosso , au lieu de lui rendre les honneurs tira sur lui le 24 avril 1967 et le rata . Il fut arrêté et renvoyé de l’armée « non pas,selon Eyadéma,pour avoir attenté à sa vie mais parce qu"il est mauvais tireur ». Bokobosso fut néanmoins condamné à mort.Eyadéma , pour prouver sa magnanimité , le grâcia la veille de son exécution et décida de sabler le champagne avec lui chaque 24 avril pour célébrer leur chance à eux deux d’être encore en vie . Devenu expert en supercherie , en magouilles de tout genre et en mensonges politiques , le général Eyadéma sut entretenir la naïveté populaire qui tomba le jour où il parut évident que Bokobosso avait été tué finalement . Pire , tous les militaires originaires de la région natale de Bokobosso furent arbitrairement radiés des registres de l’armée.

Des 3 présidents de la république et du vice-président que le Togo a connus , il ne reste plus grand’chose car Eyadéma s’est appliqué à démolir systématiquement leur honorabilité , affaiblissant ainsi les ressorts de l’unité nationale :

** le 1er président de la république , Sylvanus OLYMPIO , assassiné le 13 janvier 1963 a été sommairement enterré non au Togo , mais à Agoè en république du Bénin comme un pirate emporté par la peste ;

** le 2ème , Nicolas GRUNITZKY , décéda en 1969 en Côte d’Ivoire suite à un étrange accident de circulation ; ce qui est curieux, c’est que le général Eyadéma s’opposa au rapatriement de la dépouille mortelle de l’ancien président . Il fallut le déploiement de toute l’artillerie dissuasive d’un chef d’Etat africain pour amener le général Eyadéma à de meilleurs sentiments . Grunitzky fut enterré à côté de la Mairie d’Atakpamé , sans honneur aucun ;

** quant au colonel Dadjo devenu chef traditionnel du canton de Siou dans le nord Togo , son décès ne lui valut aucune marque de distinction et ses funérailles se déroulèrent dans une atmosphère d’indignation perceptible ;

** le cas du vice-président Antoine MEATCHI est aussi angoissant ; il fut jeté en prison pour malversation financière montée de toutes pièces autour de la défectuosité des silos autrichiens qu’il fit construire , en sa qualité de directeur de l’agriculture , dans les chefs-lieux de région . Le 26 mars 1984 , il décéda en prison...d’inanition . Le général Eyadéma interdit à la famille de porter le deuil et dicta les conditions dans lesquelles devait se dérouler l’enterrement : il fallait terminer celui-ci avant 5 heures du matin et le cortège funèbre ne devait pas être constitué par plus de 20 personnes . Or les raisons de son arrestation étaient foncièrement politiques car les silos incriminés sont toujours opérationnels et ont contribué à amortir le choc des mauvaises années agricoles . Le général Eyadéma qui a divisé le Togo en 2 (le nord contre le sud) a rassemblé un jour un parterre de chefs traditionnels du nord Togo pour leur dire qu’il voulait quitter le pouvoir mais qu’il ne le ferait que lorsqu’ils lui auront indiqué la personnalité nordiste en vue pour lui succéder . Et tous les chefs de doigter...Méatchi...loin de savoir qu’ils venaient de le condamner à mort .

Le diplomate allemand Thomas RUPECHT a été froidement abattu à Lomé ; l’affaire est ensevelie dans les méandres de la diplomatie .


L’ARMEE TOGOLAISE : OUTIL ET OTAGE DU SYSTEME DICTATORIAL

L’armée togolaise , loin d’être républicaine , consomme 25% du budget national dont les priorités telles que la santé , l’éducation et l’agriculture n’en reçoivent que des portions congrues : la modernisation de l’armée et la sécurité personnelle du général Eyadéma demeurent la préoccupation majeure des griots du régime . Cette armée , mécanique répressive , est le premier soutien du général qui se prend pour le créateur de la ‘’grande muette’’ qui ne comptait que 300 têtes en janvier 1963 . Elle est intervenue à plusieurs reprises dans la vie politique du pays pour défendre l’honneur du chef de l’Etat et cela , de façon épouvantable .

Des stages de formation sont organisés pour certains de ses éléments en France , au Maroc , au Brésil , au « Zaïre » , en Corée du Nord où ils se familiarisent avec des méthodes de tortures répréhensibles .

Cette armée ( 15 000 soldats dont 12 000 issus de l’ethnie Kabye du Chef de l’Etat contre moins de 400 médecins ) constitue la force essentielle du régime . Plusieurs soubressauts ont été étouffés dans l’oeuf avec des purges disproportionnées .


VIOLATION MASSIVE DES DROITS HUMAINS

La violation massive des droits humains sera élevée au rang d’institution ; de véritables gibiers de potence pavanent au sommet de l’Etat décadent et se décernent mutuellement distinctions et médailles imbibées du sang de valeureux patriotes dont ils font éclater la vie comme de vulgaires bulles de savon .

Il faut parler ici d’un volet spécial d’atrocités commises par Eyadéma : le lieutenant Gnehou, beau-frère du général Eyadéma , est abattu en 1976 pour des allégations de putsch . Son beau père Alfa Woussi a été tué par lapidation sous ses yeux . Son fils , Atchalmondom , est abattu à domicile . Cette série d’actes d’une autre période prouve que Eyadéma ne reculera devant rien pour se maintenir au pouvoir dût-il règner sur un cimetière.

Le 25 janvier 1993, une mission de bons offices franco-allemande de haut niveau arrive à Lomé pour essayer de trouver une solution à la grave crise socio-politique togolaise ; plus de 200.000 togolais , de blanc vêtus et une bougie à la main , étaient dans la rue pour souhaiter la bienvenue à la délégation . Subitement , un coup de feu retentit et le carnage commença...

Le 30 janvier 1993, l’armée prend la rue avec ses joyaux de guerre et tire indistinctement sur tout ce qui bouge...Une hécatombe ! ! ! Des charniers en témoigneront de l’ampleur . Les populations , évaluées à 400.000 têtes , prennent le chemin de l’exil au Ghana et au Bénin principalement . Les tueurs professionnels du régime ont poursuivi certains d’entre eux jusque dans leur pays d’accueil . Le flot de réfugiés , irrégulier mais constant , ne tarira plus jamais. L’Allemagne est devenue le réceptacle de cette saignée humaine ; elle supporte directement les conséquences d’une politique désastreuse de la France au Togo .

Sous ses auspices , des camps de redressement ont poussé comme des champignons : Otadi, Agombio, Mandouri...où l’être humain , malfrat comme prisonnier de conscience , se rend brutalement compte de la fragilité de ses destinées car on n’y redresse pas mais on écrase , on n’y élève pas mais on tue . Or , on ne devrait pas tuer ce qu’on prétend redresser...Les rescapés de ces camps n’étaient plus que des loques humaines qui ont fait frémir plus d’une conscience : leurs témoignages à la Conférence Nationale Souveraine firent pleurer amèrement l’assistance . Combien de morts y a-t-il eu dans ces centres où on force la rime entre humanité et sauvagerie ? On ne le saura peut-être jamais . Pendant que la Conférence Nationale Souveraine (CNS), -tenue à Lomé du 8 juillet au 27 août 1991- , passait en revue le catalogue des barbaries du régime , le général Eyadéma fit raser tous ces camps , détruisant ainsi l’élément matériel des preuves qui peuvent lui être opposables.

En mars 1991 , l’armée tue par asphyxie des passants sur un pont à Bé (Lomé) ; ceux-ci se jettent dans la lagune dès qu’ils réalisent qu’ils étaient la cible des soldats qui bloquaient les issues de cette infrastructure . On déploie alors des militaires sur les berges où ces derniers ont attendu l’immersion des persécutés pour leur asséner le coup de grâce : plus de 30 morts dont plusieurs femmes .

Les journalistes ont payé et continuent de payer un lourd tribut à ce processus de démocratisation qui ressemble à un mirage ; ils demeurent la seule entité de l’opposition à faire constamment preuve de rigueur , de lucidité et de courage . Et ce , malgré les terrifiantes pressions , les arrestations , les plasticages... qui font partie désormais de leur environnement .

Des élections présidentielles financées par l’Union Européenne (UE) eurent lieu le 21 juin 1998 . Alors que les décomptes partiels donnaient des résultats largement favorables à l’opposition , l’armée, encore une fois , arrêta l’opération en cours et proclama , toute honte bue, le général Eyadéma vainqueur des élections . Les manifestations de colère à travers le monde ne se limitèrent qu’à la poursuite de la suspension de la coopération entre le Togo et l’UE .
Le rapport accablant de Amnesty International du 5 mai 1999 fit état de l’exécution extra-judiciaire des centaines de personnes qui , larguées en haute mer , ont été rejetées sur les côtes togolaises et béninoises . Le général Eyadéma cria à la démagogie et demanda l’enquête d’une commission internationale (ONU et OUA devenue UA) dont les conclusions furent similaires à celles de Amnesty International.

UN CAS DE TRIBALISME APPARENT

Tous les togolais souffrent de cette tare politique qui est le cheval de bataille du régime dictatorial du général Eyadéma . Nous avons choisi le cas de Sokodé situé géographiquement dans la zone nord à laquelle le chef de l’Etat semble attacher une importance de culte .

Sokodé était la seconde capitale du Togo . Mais avec l’arrivée du général Eyadéma , la situation changea . Il dépouilla Sokodé de ses attributs de 2ème capitale au profit de Kara sa ville natale située seulement à 77 km plus au nord . L’hôpital régional par exemple construit en 1977 sous la supervision directe de l’Ambassadeur de France au Togo - pour éviter tout détournement de cette importante réalisation sociale - n’est toujours pas inauguré . Le général Eyadéma s’y était rendu en compagnie du président nigérien feu Seyni Kountché : arrivé au niveau du ruban symbolique , il fit demi-tour et reprit sa voiture de commandement à la surprise générale du public...Ce qui ne l’empêcha pas d’affecter ultérieurement un personnel médical ‘’en mission’’ à dominance Kabyè qui bafoua incroyablement le serment d’Hypocrate .

Il tenta même de faire déboulonner certaines machines du Collège Tehnique de Sokodé offertes par l’Allemagne et ce , au profit de celui de Pya , son village natal, qu’il venait de créer.

Des projets de développement,tel le centre de culture de betterave et de raffinage de sucre d’Abatchang(Sokodé) ont disparu parce que Eyadéma exigea que si la culture de la canne se faisait à l’endroit indiqué plus haut , son raffinage devrait avoir lieu à ...Kara , soit une distance de plus de 120 km entre ces deux points .

Des projets d’assistance économique comme la manne offerte à Sokodé par l’Arabie Saoudite qui demanda 1500 ouvriers capotèrent après le départ du 1er contingent de 50 personnes...
Des projets d’urbanisation de Sokodé n’ont pas abouti et elle demeure une ville aux rues poussiéreuses alors que celles de Kara sont bitumées.
Aujourd’hui , stupide retournement des faits , c’est Kara qui fournit le courant électrique à Sokodé avec des ruptures fantaisistes faites pour punir la ville des démocrates . Les activités économiques , surtout commerciales , sont quadrillées par un essaim d’indicateurs qui sabotent continuellement l’essor de la ville dans ce domaine.

L’attribution des bourses aux étudiants de la localité ne revêt plus que sa valeur symbolique ; celles du troisième cycle leur sont clairement refusées .
Ce tribalisme primaire fit et continue de faire de nombreuses victimes.Si Sokodé fait partie du nord selon la géopolitique du général , nord auquel il tient tant , pourquoi donc cet ostracisme ?

Le 10 juin 1991, les populations de Sokodé, fief de l’Association Togolaise de Lutte contre la Manipulation des Consciences ( ATLMC ) , manifestent massivement contre le régime ; les 12 et 13 juin , l’armée intervient pour mater et se heurte à une ville chauffée à blanc et unie derrière des slogans de liberté et de justice : plusieurs morts et une quarantaine de blessés . La retraite forcée de l’armée sur ordre du général est restée comme une arrête acidulée dans sa gorge . A Sokodé , à part quelques rares têtes, tout le monde se réclame de l’ ATLMC qui est une structure de lutte contre l’injustice sociale dont les allures ont fait d’elle une ville indomptable et respectée pour ses prises de position .


Le 30 mai 1992 , le général Eyadéma déclencha à Sotouboua le génocide des Cotocoli que les démarches salutaires de l’ATLMC réduisirent à une moindre expression ; la comptabilité funèbre de cette macabre opération est détenue par la direction de l’ATLMC qui a déjoué beaucoup de coups bas que lui a destinés le régime de Lomé qui réussit néanmoins à plastiquer des maisons de certains responsables politiques de Sokodé . Des militants de l’ATLMC ont été jetés en prison . L’organe d’information de l’ATLMC , ‘’La Lettre de Tchaoudjo’’ , a été frappé d’interdiction par 2 fois ; la dernière fois , il a été suspendu pour 5 ans qui viennent de prendre fin en 2001.
L’expansion de l’ATLMC à l’étranger et la détermination de l’association de tout mettre en oeuvre pour traduire le général Eyadéma devant une juridiction à compétence universelle inquiètent la régime qui continue par traquer ses membres contraints à la semi-clandestinité.


LES ACCORDS POLITIQUES TOMBES EN DESUETUDE

Pour sortir de la léthargie politique , les partis de l’opposition démocratique et le parti au pouvoir ont , avec la facilitation de l’Union Européenne ou de quelques pays de celle-ci , signé des accords dont la mort est toujours venue de la mauvaise foi du général Eyadéma .

La Commission Mixte Paritaire en août 1992 , les Assises de Colmar en février 1993 , l’Accord de Ouagadougou en juillet 1993 et l’Accord Cadre de Lomé en 1999 ont été sabotés par le général Eyadéma qui se croit tout permis .

Le ballet diplomatique accouru au chevet de notre pays malade de son chef a été éconduit par lui qui ne refuse de se voir ailleurs qu’au poste qu’il occupe depuis plus de 36 ans .

L’opposition togolaise est decevante ; au lieu de faire preuve de devoir de solidarité et de réalisme , ses leaders offrent l’affligeant tableau de désunion à leurs électeurs qui auront à éparpiller leur voix à 05 d’entre eux . Encore que les textes et les instruments électoraux de même que la constitution ont été modifiés unilatéralement pour les adapter aux appétits du général Eyadéma .

La consultation populaire du 1er juin 2003 n’augure rien de bon et les réfugiés doivent se tenir prêts pour une alternative autre que ce que nous avons connu jusqu’à présent . Les marches de protestation , c’est bien mais mieux il nous revient de nous assumer pleinement en profitant de l’asile pour mettre en commun nos moyens et nos possibilités à la disposition de la lutte contre la dictature .

C’est dans ce concert d’incertitudes quant à l’avenir politique hypothéqué que vivotent les togolais ; les fonctionnaires ont des arrièrés de salaires de 6 à 16 mois.Les caisses de l’Etat sont vides et le Trésor public est en chomâge déguisé car c’est l’armée qui collecte les recettes faites par les entreprises d’Etat pour les acheminer chaque jeudi à la résidence privée du général Eyadéma.


AYEVA SESE-REKUAH
1 ) Président National de l’ATLMC
2 ) Ancien Membre du Haut Conseil de la République (HCR), Parlement Transition
3 ) Coordinateur Général de la Fédération des Associations Togolaises en Allemagne (DiLT-FATAl)