[Le Raconteur Belge] AGCS: services à vendre by Vincent Decroly Wednesday May 07, 2003 at 11:45 PM |
vincent.decroly@lachambre.be |
[Le Raconteur Belge]
Mondialisation Tous
les pouvoirs aux plus forts La
dangerosité de l'Accord Général sur le Commerce
des Services (AGCS) est avérée. Son objectif : supprimer,
à terme, tous les obstacles légaux à la libéralisation
du commerce des services. Dépouiller les Etats de leur pouvoir
de régulation et faire primer définitivement les intérêts
des investisseurs privés sur les intérêts collectifs
des populations. Assouvir, par là, la soif de profit des grands
groupes privés transnationaux qui convoitent la santé,
l'eau, l'éducation
Pour
y parvenir, l'AGCS installe une dynamique de libéralisation sans
fin ou, plutôt, une dynamique dont la fin est la libéralisation
totale des services. Ainsi,
l'article 19 prévoit-il que des négociations successives
" auront lieu périodiquement en vue d'élever progressivement
le niveau de libéralisation " et que " le processus
de libéralisation progressive sera poursuivi à chacune
de ces séries de négociations ". Au cours de ces
négociations, il s'agit de s'accorder sur les nouveaux secteurs
ouverts à la concurrence. L'article
6 stipule que les lois et règlements adoptés dans un Etat
en matière de qualification (ex : les critères définissant
l'eau potable ou les normes de sécurité en matière
de transport) ne pourront jamais être " plus rigoureux que
nécessaire ", l'OMC se réservant le droit de déterminer
si une réglementation nationale constitue un " obstacle
non nécessaire au commerce des services ". Illustration
concrète : les Etats-Unis proposent aujourd'hui que soit considéré
comme une mesure " non nécessaire au commerce " le
salaire minimum garanti
Selon
l'article premier, tombent sous l'application de l'accord " les
services de tous les secteurs, à l'exception des services fournis
dans l'exercice du pouvoir gouvernemental ". Ouf ! Les services
publics sont sauvés, pense-t-on
Il n'en est rien : l'article
1 définit ce qu'est un " service fourni dans l'exercice
du pouvoir gouvernemental " : c'est un " service qui n'est
fourni ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs
fournisseurs de services ". Or il est évident que les services
dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'environnement
sont aujourd'hui, dans l'immense majorité des pays, fournis en
concurrence entre un service public et un secteur privé. Conclusion
: l'AGCS s'applique aussi aux services publics. L'AGCS
n'est pas nouveau : il fut ratifié par le Parlement belge à
la veille des vacances parlementaires de 1995. Le PS, qui défila
ostensiblement parmi les dizaines de milliers de manifestants contre
l'AGCS le 15 février dernier à Bruxelles, appartenait
à la majorité qui vota l'adhésion de la Belgique
à l'accord
Si
on en parle aujourd'hui, c'est parce que nous nous trouvons à
la veille d'un nouveau cycle de négociations. L'Union européenne
devait, pour le 30 mars, présenter aux autres membres de l'OMC
les secteurs qu'elle propose d'ouvrir à la libéralisation.
A cette fin, la Commission européenne a établi une liste
de ses offres, sans consulter les parlements nationaux. Elle leur a
préféré les conseils éclairés du
European Services Forum, lobby patronal européen, qui rassemble
les 80 plus grosses entreprises européennes de services. Elle
s'est aussi appuyée directement sur les travaux du Comité
133, dont la légitimité démocratique est nulle
et dont la proximité avec les lobbies patronaux est établie.
La Commission a ensuite transmis la liste aux ministres nationaux en
charge du dossier (chez nous, c'est Annemie Neyts), en leur interdisant
de la diffuser à d'autres personnes qu'aux " fonctionnaires
intéressés ". Le Gouvernement belge s'est plié
docilement aux injonctions de la Commission. Ce sont des fuites diverses
qui ont permis de se faire une idée approximative et incomplète
de la liste. Mise (un peu) sous pression par quelques députés,
la ministre Neyts a finalement autorisé les parlementaires à
consulter la liste des offres pendant quelques heures, sans papier ni
crayon
Le texte de la liste d'offres est complexe et s'étale
sur plusieurs centaines de page : deux heures de consultation sans possibilité
de prendre note, c'est dérisoire. Et pourtant, pas une seule
fois les verts ou les socialistes n'ont exigé la communication
en copie du document à chaque élu
Mettre
les services publics à l'abri de l'AGCS ? Ecolo et PS votent
contre ! A
ce jour, la Commission a sans doute rentré la liste des offres
à l'OMC. Aucun débat parlementaire n'aura donc eu lieu
sur la base d'une claire connaissance de son contenu par les élus.
Personne ne l'a exigé. Pire : la majorité arc-en-ciel
a même évacué " purement et simplement "
une motion de recommandation, déposée le 11 juin 2002,
qui demandait la suspension des négociations au sein de l'OMC
tant que les services publics n'étaient pas exclus irrévocablement
du champ d'application de l'AGCS. Le 18 décembre 2002, Verts
et Socialistes, à la quasi unanimité, ont rejeté
des amendements portant la même revendication. Ils se contentèrent
d'une molle résolution exprimant quelques réserves et
demandant au gouvernement de les informer de l'évolution du dossier.
Résolution qu'ils ne firent, on l'a vu, même pas respecter
Entre-temps, le 21 novembre, les mêmes avaient voté pour
les Accords de Cotonou, dont l'article 41 comporte l'obligation, pour
les PVD d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, de se soumettre
à l'AGCS!
Services
à vendre