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[Le Raconteur Belge] Le devoir de punir, réponse au devoir de désobéir ?
by Vincent Decroly Wednesday May 07, 2003 at 11:36 PM
vincent.decroly@lachambre.be

[Le Raconteur Belge]

Criminalisation des luttes

Dan Kaminsi, criminologue, UCL :
Le devoir de punir, réponse au devoir de désobéir ?

Si l'on commet des infractions définies pénalement dans le cadre de ce que l'on appelle la désobéissance civile, il s'agit objectivement, juridiquement de délinquance. Il n'y a pas à s'indigner sur le fait que l'on subisse les conséquence pénales de ce type d'actions. Et je dirais même a fortiori lorsque cette délinquance est expressive. Dès lors que l'on assume la transgression, c'est-à-dire que l'on met en cause la légalité même du système dans lequel on se trouve, on doit être prêt à subir évidemment le contre-coup de la légalité contre soi.

L'histoire humaine fourmille de causes qui ont eu à subir la vindicte des tribunaux. Il faudrait être naïf pour ne pas croire que l'action politique doit aussi, en quelque sorte, se poursuivre devant les tribunaux. La désobéissance n'a de sens que si elle subit certaines conséquences.

A propos de l'obéissance : est-ce que les agents de la loi, comme leur nom l'indique, lui obéissent ou ne font que lui obéir ? La désobéissance civile s'inscrit parfois en réaction à un certain nombre de violations de droits qui sont effectivement le fait des forces de l'ordre ou d'organisations étatiques.

Sous couvert d'objectivité, la criminalisation coupe les ailes de la dimension collective et politique d'une action pour la faire entrer dans des catégories pénales. Le droit pénal n'est pas fait pour être appliqué, comme si le droit pénal s'imposait en quelque sorte. C'est une boîte à outils où l'on peut toujours aller puiser des outils que l'on n'avait plus jamais utilisés depuis des décennies pour s'en servir contre des actions qui dérangent. Le droit pénal est donc instrumentalisé par un certain nombre d'acteurs pour servir des causes.
La pénalité a pour effet extraordinaire de réduire quelqu'un ou une cause à la criminalité de cet acte. Toute argumentation collective ou politique ne sert qu'à renforcer la preuve que l'acte criminel est effectivement commis et pas à lui donner un sens qui pourrait ouvrir le débat.

Une société démocratique a confié à l'Etat le droit de punir et non le devoir de punir. Je veux appliquer cela à toute criminalité et toute délinquance et pas seulement aux formes de délinquance qui seraient soutenues par des causes politiques. Nous pouvons exiger de l'Etat qu'il justifie l'usage de ce droit, parce qu'il y a de l'abus de droit de punir qui me paraît assez comparable à des formes d'actions criminelles. Il est criminel d'abuser du droit de punir. J'ai peur que ces abus de droit de punir auxquels on assiste de plus en plus aujourd'hui renforcent l'idée que le système pénal serait le service après vente de la disparition de la politique sociale.