[Le Raconteur Belge] Tous Belges, tous différents… by Vincent Decroly Wednesday May 07, 2003 at 11:34 PM |
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[Le Raconteur Belge]
Participation
politique Tous
Belges, tous différents
Automatiser,
déjudiciariser et objectiver la procédure d'acquisition
de la nationalité : l'une des trois propositions lancées
le 28 mars 2003 par Vincent Decroly aux générations politiques
futures a été préparée avec l'association
Objectif et soutenue par le Professeur Anne Morelli (ULB). Elle tend
à corriger un "acte manqué" du Parlement, puisqu'il
est souvent prétendu que la réforme de 2000 aurait évacué
l'arbitraire et le paternalisme de ces procédures. Affirmation
malheureusement erronée : des progrès ont été
enregistrés, mais selon une étude conduite par le Professeur
Rea (ULB), le parcours d'obstacles dure généralement encore
plusieurs mois, voire années, ce qui dément l'idée
d'une accélération et d'une objectivation du processus. On
méconnaît généralement l'une des causes structurelles
de l'échec des améliorations successives du Code de la
nationalité au cours des dix dernières années.
Cette cause réside dans un phénomène sous-estimé
: introduire une demande d'acquisition de la nationalité belge
est socio-culturellement un acte difficile, voire impossible, pour certaines
catégories de personnes. C'est particulièrement vrai pour
les catégories socio-économiques les plus fragilisées
de la population, parmi lesquelles se trouvent précisément
la majorité des bénéficiaires potentiels des droits
conférés par la nationalité belge. Même
si comparaison n'est pas raison, n'est-il pas éclairant qu'en
dépit de conditions d'obtention relativement souples, en Flandre,
des bourses intéressantes pour les étudiants à
ressources financières faibles demeurent sous-utilisées
par celles et ceux qui devraient demander à en bénéficier
? Au point que les autorités flamandes envisagent de passer d'un
système de demande à un système d'octroi automatique.
Dans un registre plus proche encore de la problématique particulière
des personnes d'origine étrangère, bien des bénéficiaires
potentiels de la loi de régularisation exceptionnelle de décembre
1999 ont omis d'introduire leur requête dans les temps, alors
qu'il n'était pas douteux qu'ils satisfaisaient parfaitement
aux critères légaux. Dans
ces deux cas, la demande à introduire est considérée
comme une condition à très bas seuil d'exigence. Mais
en pratique, cette condition de la demande est un obstacle pour les
plus faibles, c'est-à-dire pour celles et ceux qui auraient le
plus urgemment besoin que leur soient reconnus des droits égaux
à ceux des Belges. Dans ces deux exemples comme dans celui de
la demande de la nationalité belge, certains destinataires de
la mesure prise par l'autorité publique n'ont pas cru, du fait
de la représentation socio-culturelle qu'ils ont de l'Etat et
de ce qu'il peut faire pour les aider, à la " sincérité
" de l'offre qui leur était proposée. "Les
gens n'ont qu'à faire la demande, ça n'est tout de même
pas chinois !", entend-on dire. Ceux qui tiennent ce discours sont
culturellement et intellectuellement tout à fait équipés
pour comprendre et mener à bien une démarche vis-à-vis
de l'autorité. C'est une erreur de faire comme si l'ensemble
de ceux qui habitent notre pays étaient dans le même cas. La
réalité administrative occidentale, la conception occidentale
de l'Etat et de ses rouages, les notions même de droit garanti
par la puissance publique sont peu appréhendables par bien des
gens. Au vu du fonctionnement de notre société, ils n'ont
d'ailleurs pas que des raisons irrationnelles de douter de notre "modèle"
en la matière. On peut s'en désoler et mettre tout en
uvre pour réduire ce fossé, mais on ne peut le nier. Et
le droit de vote des étrangers ? La
lutte pour le droit de vote doit, elle aussi, s'amplifier. Avec d'autres,
Decroly a déposé deux propositions de loi dans ce sens. Si
la proposition déposée il y a une dizaine d'années
par Cécile Harnie en matière de réforme du Code
de la nationalité - proposition actualisée par le nouveau
texte introduit par Decroly - avait été adoptée,
les tergiversations qui se poursuivent malheureusement en matière
de droit de vote n'auraient pas eu lieu d'être. En effet, de facto,
l'octroi de la nationalité sur base de la résidence légale
pendant une période déterminée entraîne la
mise à égalité de tous les droits, y compris du
droit de vote et d'éligibilité. L'apport de cette proposition
du point de vue des droits économiques et sociaux, s'il est peut-être
moins symbolique, est important aussi du point de vue de la vie quotidienne
de milliers de personnes vivant parfois depuis longtemps dans notre
pays. L'autre
voie pour parvenir à l'égalité des droits postule
une infatigable recherche de toutes les discriminations légales,
puis leur suppression une à une : un vrai travail d'Hercule !
Dès lors, pourquoi faire compliqué quand il y a moyen
de faire simple ?!
En ce domaine comme ailleurs, il faut résoudre les problèmes
à leur source et pas au niveau de leurs effets. D'où la
notion, pour la procédure d'acquisition de la nationalité
aussi, d'automatisation en fonction d'un critère strictement
objectif et indiscutable (avec, toutefois, une faculté de refus
de la nationalité pour celui qui ne souhaiterait pas la recevoir).
Il s'agit d'éviter que trop d'êtres humains, en particulier
les plus exclus, continuent à passer au travers des mailles de
l'égalité des droits sociaux, économiques et politiques.