[Le Raconteur Belge] Aff. 'Dutroux...': pour un véritable droit de la défense des victimes by Vincent Decroly Wednesday May 07, 2003 at 11:26 PM |
vincent.decroly@lachambre.be |
[Le Raconteur Belge]
Droits
des victimes - Affaire "Dutroux, Nihoul & consorts" Pour
un véritable droit de la défense des victimes "Une
des principales causes de la perte de confiance dans la Justice est
le manque de considération, d'écoute, de prise en compte
de la victime dans le processus pénal (
) Le gouvernement
et le Parlement procéderont rapidement à une évaluation
de la loi Franchimont et réaliseront, en fonction de cette évaluation,
les aménagements nécessaires permettant de renforcer le
rôle et l'information de la victime dans le processus pénal." On
attendait des progrès décisifs vers la reconnaissance
d'authentiques droits de la défense de la partie civile, qui
devrait chaque fois que c'est possible être traitée sur
le plan procédural de la même façon que l'inculpé.
Résultats 4 ans plus tard : très faibles et superficiels.
Le gouvernement sortant n'a pas accouché du " Grand Franchimont
". Après la Marche blanche, c'est une faute politique et
démocratique. Sans le coup de gueule de Paul Marchal, le père
d'An, lors de la Chambre des mises en accusation, et la loi "minute"
accordant un interprète aux parties civiles, le Parlement n'aurait
engrangé en cette matière que la réduction (et
la gratuité dans certains cas) du coût des copies de dossiers
judiciaires pour les parties qui ont obtenu d'en disposer. Utile (c'était
d'ailleurs l'une de mes propositions de loi), mais pas révolutionnaire.
Ma proposition 1154, qui tentait une percée plus structurelle
et ambitieuse dans le même domaine des droits de la défense
des parties civiles, est désespérément restée
au frigo des préoccupations des Bleus, des Rouges et des Verts. Il
est un enjeu judiciaire sur lequel continuent à se cristalliser
des oppositions de principe étonnantes. C'est la place de la
victime ou de la partie civile dans la procédure pénale.
Oppositions étonnantes, car au nom de la distance à prendre
vis-à-vis de toute émotion (distance dont nous ne contestons
pas l'utilité), ces objections persistantes favorisent le statu
quo et discréditent la mobilisation pour une meilleure administration
de la justice. La
distinction fondamentale entre la victime et son agresseur résulte
en fait du texte même de la CEDH, ou plus précisément
de la comparaison entre les termes des articles 6.1 et 6.3 de la Convention.
Le premier de ces articles parle de " toute personne " pour
énoncer les principes du procès équitable. Mais
le second restreint à " tout accusé " l'énoncé
des droits particuliers dont il doit bénéficier pour que
ce procès équitable existe vraiment (voir les textes proprement
dits pour un exposé plus circonstancié : droits à
un avocat, gratuit, à un interprète, à faire entendre
des témoins, etc.). (
) On
en est à parler de " victimisation secondaire " à
propos des relations des victimes avec l'appareil judiciaire : terriblement
bousculée par ce qui lui arrive, la victime doit souvent aussi
puiser dans ses ressources psychologiques et morales pour "affronter"
les acteurs policiers ou judiciaires avec lesquels elle est en contact
ou pour obtenir d'eux un climat et des comportements de réelle
collaboration. Sur
le point de l'accès au dossier, par exemple, l'inégalité
de traitement est manifeste entre les victimes et les inculpés
non détenus d'une part (qui n'ont accès à leur
dossier que de façon très restreinte, même depuis
la loi Franchimont), et les inculpés détenus d'autre part
(à qui l'accès au dossier est formellement garanti) Concrètement,
l'art. 20 §3 de la loi sur la détention préventive
donne à l'inculpé détenu (c'est-à-dire par
hypothèse aux cas les plus sévères, puisqu'il y
a eu mandat d'arrêt) le droit automatique et sans réserve
d'accès à l'intégralité du dossier, quatre
jours après l'arrestation. Alors
qu'en vertu de l'art. 127 du CICr., la victime, à condition qu'elle
se soit en temps utile constituée partie civile, n'aura un droit
équivalent, c'est-à-dire un droit automatique et intégral
d'accès dans les mêmes conditions, qu'au moment de la clôture
de l'instruction. En
effet, il faut rappeler que la partie civile (de même que l'inculpé
non détenu) n'aura jusque là qu'un droit de demander l'accès
au dossier, cette faveur pouvant toujours lui être refusée
par le juge d'instruction, et - en appel - par la Chambre des Mises
en Accusation. La
victime bénéficie-t-elle de la présomption de pertinence
? Invariablement,
nous nous entendons répondre à peu près que l'accès
du prévenu à son dossier est de bonne justice. Comment,
nous a-t-on répété, pourrait-il en être autrement
? Imagine-t-on être privé de liberté sans être
rapidement informé des motivations de cette décision et
sans avoir la faculté d'en constater la légalité
ou l'opportunité ? Nous partageons effectivement cette conviction.
Un prévenu, qui par définition est présumé
innocent, a fondamentalement le droit de savoir ce qui lui est reproché,
ce qui a déterminé la décision de l'emprisonner. Mais
quel raidissement immédiat de nos interlocuteurs au seul énoncé
d'une proposition somme toute symétrique : on n'imagine pas avoir
été préjudicié sans être rapidement
tenu informé du processus de l'enquête et sans avoir la
possibilité effective d'interpeller celui qui la dirige sur ses
méthodes, ses hypothèses, les moyens qu'il met en uvre
ou l'usage qu'il fait des informations qui lui ont été
fournies. Cette idée-là est souvent passée pour
extra-terrestre alors qu'à notre sens, le parallélisme
relève de la logique et de l'équité. La
critique de l'idée d'accès au dossier pour les parties
civiles, lorsque nos contradicteurs se donnent la peine de la développer,
se fonde sur le principe (auquel nous adhérons) que " la
victime ne peut se substituer ni au magistrat, ni à l'enquêteur
". Mais il y a déjà un relent de mauvaise foi dans
l'expression " substitution " ! Ce qui s'est exprimé
en Belgique depuis le 17 août 1996 n'est majoritairement ni le
réflexe de vendetta d'une populace en délire, ni même
une volonté de se substituer au professionnel. Il nous a simplement
semblé percevoir une insistante demande de coopération
active avec l'enquêteur, le juge ou le procureur du Roi. Quoi
de malsain à cela ? Une proposition de meilleure synergie de
la partie civile avec l'institution censée défendre ses
intérêts ne met pas ipso facto la victime sur le même
pied que l'enquêteur ou le magistrat, ni a fortiori en position
supérieure vis-à-vis d'eux. Nous
voyons, nous, un atout dans cette offre de collaboration plus féconde
formulée par de nombreux citoyens. Mieux alimenté, moins
" tour-d'ivoirisé ", le service public policier et
judiciaire pourra gagner en performance (y compris vis-à-vis
d'éventuels mécanismes protectionnels), en crédibilité
et finalement en confiance. Il ne nous paraît pas surréaliste
que, pour bien des dossiers pénaux en souffrance, l'impulsion
donnée à l'enquête par la partie civile et son avocat
améliore les chances de succès. Pour freiner ou égarer
l'enquête, l'inculpé dispose de leviers juridiques plus
nombreux et plus efficaces que ceux dont dispose la victime pour l'accélérer
ou en infléchir l'orientation. N'y a-t-il pas là un déséquilibre
qui heurte le sentiment de justice ?
Ainsi
: - pendant
la période cruciale de la détention préventive,
seul l'inculpé comparaît devant les juridictions d'instruction
(Juge d'Instruction, Chambre du Conseil et Chambre des Mises en Accusation,
et même la Cour de Cassation) ; - l'inculpé
a le droit de se taire, quand sa victime a le devoir de parler ; - la
victime a un devoir de vérité, là où son
agresseur a le droit de mentir impunément ; - à
tous les stades de la procédure, l'inculpé doit avoir
- s'il le demande - la possibilité de s'exprimer le dernier
(de donner le dernier coup), souvenir de l'époque heureusement
révolue où l'accusé risquait sa vie
Non, décidément,
nous n'avons jamais détecté dans la revendication d'accès
au dossier pour la partie civile la grande menace dont on a si fort
voulu que nous nous émouvions. Nous entrevoyons facilement ce
qui pourrait inciter un coupable à nuire aux recherches. Moins
immédiatement ce qui pourrait déterminer sa victime à
viser le même objectif. Il y a,
c'est indéniable, un archaïsme dans les instincts de vengeance
violente qui nous hantent tous : nous devons nous en méfier individuellement
comme collectivement. Il n'est pas anodin que cette méfiance
se retrouve codifiée dans une procédure pénale
qui fait intervenir un tiers, le Ministère public, pour assurer
lui-même les poursuites là où la protection de la
société ou de la personne le requiert. Mais nous nous
sommes plus d'une fois demandé si un autre archaïsme tout
aussi redoutable ne s'est pas glissé çà et là
dans cette même procédure - ou plus exactement dans la
façon dont on la met en uvre. L'archaïsme
de l'identification à l'abuseur, de la solidarité irrépressible,
mais inavouable avec le plus fort, de la secrète fascination
vis-à-vis de celui qui ose rompre le pacte. Les auteurs de notre
code d'instruction criminelle (les experts qui l'ont ébauché,
les élus qui l'ont parachevé) se sont-ils autant méfiés
de cet archaïsme-là que du premier ? Question plus directe
encore : si oui, tous les magistrats s'en détournent-ils suffisamment
sur le terrain ? Car enfin,
l'inculpé bénéficie de la présomption d'innocence,
mais la victime, elle, ne bénéficie guère d'une
présomption de pertinence. Qu'une victime suggère ou cherche
à s'informer, elle est rapidement priée, dans la plupart
des cas, de mettre une sourdine à ses revendications intempestives.
A la limite, c'est à elle qu'on fait endosser les attributs de
l'agresseur : en demandant justice, elle apparaît aux yeux de
beaucoup comme défendant des intérêts strictement
privés et méconnaissant l'intérêt général.
Elle met en cause, susurre-t-on, les progrès de l'humanisation,
voire la paix sociale. Son souhait que l'enquête aboutisse contre
celui qui l'a agressée et que la vérité soit mise
à jour sous toutes ses coutures est promptement assimilé
à une dérive vindicative, droitière voire fasciste. Deux
exemples de distorsions concrètes Deux
exemples sur ce plan, particulièrement sensible, qui illustrent
parfaitement les enjeux et la distance qui reste à parcourir
pour obtenir une véritable égalité des droits des
uns et des autres, ou plus exactement le droit égal d'exprimer
devant son juge les aspirations respectives de chacun. o
Lors des débats devant le juge du fond, il est de jurisprudence
que la partie civile ne se prononce pas sur la peine à infliger
à l'accusé reconnu coupable (ainsi, en Cour d'Assises,
où les débats sur la culpabilité et sur la peine
sont scindés, la partie civile ne plaide pas lors du second débat)
; plus exactement faudrait-il dire que la partie civile est invitée
à ne pas s'en mêler, sauf si elle souhaite parler en faveur
de l'inculpé ! o
De même, lors de l'exécution de la peine, la victime,
même constituée partie civile au procès, ne recevra
pas d'information sur son déroulement, sauf désormais
au moment où le condamné formalise une demande de libération
conditionnelle, et encore à la condition que la victime ait pris
soin de faire connaître sa volonté expresse d'être
entendue à ce stade, c'est-à-dire en vue de la comparution
devant la Commission de Libération Conditionnelle (en pratique,
cette faculté est (trop) souvent négligée, tant
par les victimes elles-mêmes que par les divers intervenants au
processus préparatoire, survivance probable de l'état
d'esprit dominant selon lequel cette question ne ressort pas des prérogatives
de la victime). A
nouveau, pourquoi présume-t-on que la Commission de Libération
Conditionnelle serait assez faible pour se laisser "impressionner"
par l'avis d'une partie civile, alors qu'on ne semble pas éprouver
le même besoin de la "protéger" de l'avis de
la personne condamnée? Par
contre, la stratégie de défense de l'auteur pour annuler
ou limiter les conséquences judiciaires de son acte est, elle,
exclusivement présentée comme l'expression de droits fondamentaux
en démocratie (1).
Que, dans une lutte pied à pied contre la justice, voire contre
sa victime, un inculpé actionne les recours les plus procéduriers
: on considérera que c'est là son droit élémentaire.
C'est certain, la puissance publique peut être brutale et aveugle
: à ceux qui se trouvent aux prises avec ses agents et ses rouages,
il faut assurer des droits de la défense solides - qui, sous
certains aspects, devraient être renforcés. Mais il doit
y avoir aussi, à notre avis, une ferme et sereine volonté
d'assurer à la victime ses droits de la défense à
elle aussi. Pourquoi cette face-là des droits de la défense
- les droits de la défense des parties civiles - doit-elle à
tout prix rester cachée ? Curieuses dissymétries
Ces
dissymétries se retrouvent d'ailleurs jusque dans les mots utilisés
: on parle sans cesse des " droits de la défense ",
sans plus de précisions, ou d'entendre " la défense
", quand on s'adresse en fait au prévenu, tandis qu'on dira
" les droits de la partie civile " ou " la parole est
à la partie civile " (la notion de " défense
" étant dans ce cas tout à fait escamotée). Ne
serait-t-il pas plus correct de parler des droits de la défense
du prévenu, quand c'est de lui qu'il s'agit, et des droits de
la défense de la partie civile, quand il s'agit d'elle ? Est-on
certain en effet que l'accusé ne bénéficie pas
un peu, quel que soit le crime qu'il a commis, de la noblesse de sa
" défense ", et qu'il ne profite pas ici et là,
quelle que soit la peine qu'il encourra, du caractère sacré
des " droits de la défense " qui le protègent
? Dire
que " la parole est à la défense de la partie civile
", est-ce faire injure à l'accusé, ou à son
conseil, ou à la justice ? Nullement. Victime
égale abuseur (et vice-versa) (
) Dans
les textes de lois, la victime ne bénéficie pas de la
présomption de pertinence. Mais il peut y avoir plus grave encore,
dans la pratique. Nous sommes particulièrement impressionnés
par le symptôme complémentaire qui réside dans l'inversion
spectaculaire des positions symboliques de victimes et d'abuseurs. Elle
s'opère en vertu de la double équation "victime =
abuseur" (ou "complice" de l'abuseur, ou "abuseur
de la confiance" de l'institution, par exemple) et "abuseur
= victime" (victime des "signaux incitatifs ou provocateurs"
de la victime, par exemple)". C'est de l'esprit critique et de
la mémoire des citoyens (é) lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs
que dépendra la réussite ou l'échec du mécanisme. Mais
que veulent-ils, ces citoyens et ces comités blancs ? Le
premier choc et la détresse post-traumatique passés, celle
ou celui que frappe un crime ou un délit vit souvent un profond
sentiment d'isolement. La société à laquelle la
victime appartient ne l'a pas protégée contre l'agression
dont elle a été la cible. Elle veut qu'on l'écoute,
elle demande à participer et cherche à se réhabiliter
à ses propres yeux, mais on l'ignore ou on lui ordonne de patienter.
Elle a été comme dépossédée d'une
partie de sa vie par l'auteur, qui lui a imposé un événement
qu'elle ne souhaitait pas ; la voilà à présent
dépossédée de son affaire, elle qui est pourtant
la première concernée. Et si d'aventure le pouvoir judiciaire
lui tend l'oreille, c'est la plupart du temps pour l'utiliser contre
l'auteur, pour instrumentaliser sa souffrance au service du Parquet
et dans sa logique propre. (
) De
façon peu structurée, évidemment, mais récurrente,
que demandent-ils, ces marcheurs blancs ? A des degrés divers,
un Etat protecteur, juste et émancipateur. Un Etat qui garantisse
le droit à la vie bien sûr, mais aussi le droit au minimum
d'existence ; un Etat qui fasse régresser les inégalités
sociales, donc ; un Etat qui prenne en considération des personnes
qui ne veulent plus être objets de politiques, mais souhaitent
redevenir sujets politiques, c'est-à-dire citoyens à part
entière Notes: (1)
Les chambres
du conseil, qui se tiennent en Belgique nécessairement une fois
par mois, mettent le magistrat instructeur sous la pression de l'inculpé
et de son (ses) avocat(s). Cela exige du juge qu'il se défasse
de son dossier pour le laisser consulter par la défense. Tous
les 30 jours, il a à rédiger à l'attention de la
chambre du conseil un rapport sur les avancées de son enquête
et les raisons de maintenir le détenu en préventive. Par
son systématisme, cette obligation mensuelle génère
d'importants encombrements de juridictions. Elle peut handicaper l'instruction,
qu'elle distrait régulièrement du fond du dossier et de
son évolution en temps réel. Pendant que le magistrat
s'y consacre, ce sont des policiers qui assurent de facto la véritable
direction de l'instruction. A la lumière de ces quelques constatations,
la question de savoir s'il demeure opportun d'organiser une comparution
mensuelle et automatique du prévenu en chambre du conseil ne
paraît pas iconoclaste, combinée à la proposition
qu'une telle obligation demeure satisfaite sur base mensuelle, mais
seulement si le prévenu le demande et non plus automatiquement.
C'est la pratique, par exemple, en France. Qu'importe : en Belgique,
oser envisager publiquement le problème sous cet angle vous cataloguera
promptement parmi les suppôts de la barbarie et de l'ordre nouveau.
Il y a tout de même beaucoup de dogme à pareilles réactions,
non ? D'autant que les intérêts en présence ne sont
pas nécessairement antagonistes. La reconnaissance de la victime
ne porte pas préjudice au délinquant. Elle ne restreint
pas non plus l'autorité du policier ou du magistrat, au contraire
(La voie vers le XXIème siècle, déclaration gouvernementale
de juillet 1999.)
Sans
m'étendre sur le travail inaccompli, j'ai voulu le 28 mars, lors
de la présentation de trois propositions de loi ambitieuses,
revenir sur le fond d'un dossier oublié pendant quatre ans. Couchées
noir sur blanc avec Maître Victor Hissel, quelques réflexions
sur la place de la partie civile dans la procédure pénale
(extraits).
L'exemple vient malheureusement d'en haut, puisque ce sont la Convention
européenne des droits de l'Homme et la Cour de Strasbourg qui
tracent les limites des champs d'intervention de chacun. Dans un arrêt
tout récent (Berger / France, du 3 décembre 2002, rendu
à l'unanimité) la Cour réaffirme " la place
accessoire dévolue à l'action civile dans le procès
pénal " (paragraphe 38).
Pour s'en convaincre, il suffit d'énoncer ici quelques exemples
de ce déséquilibre fondamental consacré par les
principes et lois applicables, parfois depuis l'origine du droit pénal
!
Pourtant, l'adéquation de la peine au crime que la victime a
subi et endure parfois encore (donc parfois aussi la hauteur de cette
peine, si crime grave il y eut) peut souvent faire partie intégrante
de la réparation que la victime attend, et que la justice lui
doit.
Que les juridictions de fond tranchent en leur âme et conscience
cette question de la peine et de son taux, et que ces décisions
ne soient pas de la compétence de l'opinion publique, ni même
de la victime, nous en sommes bien d'accord. Mais pourquoi priver la
victime de sa liberté d'expression, d'un droit d'avis à
ce sujet ?
Il y va en réalité, plus que de mots, d'une véritable
symbolique.
Alors que, orpheline d'un combat qu'elle n'a pas mené, et que
d'autres n'ont soutenu qu'au nom d'une abstraction - la Société
- la partie civile, victime directe ou indirecte, n'ose pas se prévaloir
de l'expression, et se trouve ainsi, de facto, dépossédée
d'une part au moins de la force qu'elle incarne.