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[Le Raconteur Belge] Ventes d'armes: Népal 2002
by Vincent Decroly Wednesday May 07, 2003 at 11:09 PM
vincent.decroly@lachambre.be

[Le Raconteur Belge]

Ventes d'armes

Népal 2002

Le 11 juillet 2002, le gouvernement autorisait la FN à exporter 5500 fusils-mitrailleurs au Népal. En violation flagrante de la loi du 5 août 1991, qui réglemente le commerce des armes : en effet, l'article 4 de cette loi interdit explicitement toute exportation vers des pays en guerre, en guerre civile ou ne respectant pas les conventions internationales relatives aux droits de l'homme. Or le Népal est, sans doute possible, déchiré par une guerre civile. Les rapports d'Amnesty International établissent à suffisance que l'Etat népalais n'est pas un modèle de respect des droits de l'homme.

Dans cette sombre histoire, la palme du cynisme ne revient pourtant pas aux libéraux : que ceux-ci s'acharnent à protéger les intérêts des milieux d'affaires est au fond assez naturel et ne devrait étonner personne. Par contre, comment justifier le comportement des verts, qui n'ont rien fait pour empêcher cette vente d'armes ? Le Premier Ministre lui-même a affirmé (Commission des relations extérieures, 23 octobre 2002) qu'aucune demande de révision de la décision du 11 juillet ne lui fut adressée en Conseil des ministres, par aucun membre de son gouvernement… En entérinant la décision d'octroi de la licence, les verts ont clairement renié leur programme, qui plaide pour une limitation et un contrôle drastique des ventes d'armes ; et au lieu de dénoncer l'illégalité de la décision et de refuser, par leur vote, la confiance au Ministre des affaires étrangères, ils se sont rendus complices de la violation de la loi de 1991.

Mais il y a plus : les verts ont élaboré, promu et voté (le 17 janvier 2003) une proposition de loi qui visait à remplacer la loi de 1991. Or une simple comparaison entre la loi de 1991 et la nouvelle loi suffit pour se rendre compte que cette dernière, loin d'améliorer la réglementation, constitue un recul très net, tant au niveau des conditions mises à l'octroi d'une licence d'exportation qu'au niveau du pouvoir d'appréciation laissé au Ministre ayant cette matière dans ses attributions:

- La loi de 1991 interdisait purement et simplement l'exportation d'armes vers des pays en guerre civile. La nouvelle loi prévoit que, même en cas de guerre civile, l'exportation peut être autorisée, pour autant qu'il s'agisse d'une " démocratie dont l'existence est menacée "… Et qui apprécie le caractère démocratique ou non de l'Etat destinataire ? Le ministre compétent, à l'abri de tout contrôle parlementaire (Rappelons-nous Louis Michel, qui entendait vendre les armes au Népal pour " protéger la jeune démocratie Népalaise "…).

- La loi de 1991 interdisait l'exportation vers des pays où les droits de l'homme ne sont pas respectés. La nouvelle loi prévoit que la livraison d'armes à des pays où de graves violations ont été constatées par les organismes compétents sera permise, à condition qu'on ait fait preuve, dans ces cas-là, " d'une prudence et d'une vigilance particulières "… Et qui doit faire preuve de cette prudence particulière ? Le ministre, à l'abri de tout contrôle parlementaire.

- La loi de 1991 refusait l'octroi de la licence d'exportation si le destinataire des armes " fait face à de graves tensions internes de nature à conduire à un conflit armé ". La formulation était très claire. La nouvelle loi prévoit que la licence sera refusée si l'exportation d'armes provoque, prolonge ou aggrave des tensions ou conflits. Que cela signifie-t-il ? Que désormais on livrera des armes en cas de graves tensions internes de nature à conduire à un conflit armé, pour autant qu'il ne soit pas établi que l'exportation provoque, prolonge ou aggrave la tension ou les conflits… Et qui décide souverainement si l'exportation " provoque, prolonge ou aggrave " ? Le ministre, à l'abri de tout contrôle parlementaire.


Les députés de la majorité, toutes tendances confondues, ont répété à l'envi leur satisfaction d'avoir intégré dans la législation belge le Code de conduite européen, un texte européen non contraignant énonçant une série de critères que l'ensemble des Etats européens devraient prendre en compte lorsqu'ils statuent sur l'octroi d'une licence d'exportation d'armes. C'est faux ! La nouvelle loi ne reprend du Code de conduite européen que les éléments les moins novateurs, et ignore les critères les plus progressistes : par exemple, le critère de la compatibilité de l'exportation d'armes avec le développement durable de l'Etat destinataire .

Il y a d'autre reculs et contradictions dans cette nouvelle législation. Nous manquons de place ici pour les expliquer tous . Les quelques exemples donnés ici suffisent cependant pour constater que pendant que le gouvernement se drape de discours pseudo-pacisfistes, il met en place une législation qui facilitera encore d'avantage l'exportation d'armes. Vendons des armes, ça fait de l'argent, puis déplorons les guerres, ça fait des votes…

Notes:

(1) Le livre " Principes élémentaires de la propagande arc-en-ciel " propose une analyse beaucoup plus détaillée du recul que marque la nouvelle loi sur le commerce d'armes.