[Le Raconteur Belge] Un autre parlement sera nécessaire by Vincent Decroly Wednesday May 07, 2003 at 10:50 PM |
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[Le Raconteur Belge]
Pourquoi
une majorité MR (+ Ecolo et le PS), qui s'était présentée
comme porteuse d'une amélioration attendue depuis des lunes, s'est-elle
fourvoyée aux dépens des plus faibles dans les vieilles
recettes, la propagande et le fatalisme ? Il est trop
tôt pour le dire. Ce dont je suis sûr, c'est que le gouvernement
dit "arc-en-ciel" a éloigné notre société
des objectifs sur lesquels les Ecologistes (et, à maints égards,
les Socialistes) ont été délégués au
Parlement. Ayant acquis
cette conviction, j'avais le choix. Ou me taire
en achevant ce second et dernier mandat dans un fauteuil, sans accrochages
avec mes amis d'alors et en rasant les murs vis-à-vis de nos électeurs. En octobre
2001, après la déclaration de rentrée du Premier
ministre, M. Guy Verhofstadt, au Parlement fédéral, j'ai
décidé de ne plus soutenir la politique de son gouvernement.
Pour me consacrer au soutien exclusif du programme sur lequel nous avons
été élus, d'autres parlementaires et moi. C'est la
raison pour laquelle Ecolo m'a exclu de son groupe parlementaire, ce qui
m'a amené à quitter Ecolo. Les parlementaires
sont élus pour faire progresser notre société vers
des objectifs choisis par les citoyens. Un programme électoral
ambitieux n'est évidemment pas réalisable sur une législature
de 4 ans. La démocratie exige des compromis. Mais elle exige aussi
rigueur et lucidité : il y a des compromis qui nous tirent vers
le haut, il y en a aussi qui nous tirent vers le bas. Notre démocratie
souffre de ces situations où des candidats disent "blanc"
avant l'élection, passent un accord de formation du gouvernement
"gris", mais finissent par accepter des réformes "noires",
une fois scellées les alliances
et verrouillés les
débats. Oui donc
aux compromis, même modestes. Mais non aux marchandages aboutissant
à des marches arrière. Sur le développement durable
et la qualité de la vie, la fiscalité, la réduction
des inégalités, les affaires étrangères, la
justice, la tolérance vis-à-vis des étrangers, la
prévention des drogues, les droits de l'enfant et des plus vulnérables,
l'humanisation de notre société, le renouveau politique
les compromis présentés comme équilibrés cachent
en réalité plus de reculs que d'avancées. La responsabilité
confiée à chaque élu est trop importante : il ne
peut la diluer dans cette discipline stérile que finit toujours
par sécréter le pouvoir comme fin en soi, plutôt que
comme instrument d'un authentique changement. Et maintenant
... Maintenant
que se profile un nouveau coup bas électoral de l'extrême
droite et qu'on ne va pas manquer d'en accuser tous celles et ceux qui
tirent la sonnette d'alarme depuis des années
Maintenant
que la lutte contre les exclusions sociales débouche sur l'exclusion
des luttes sociales, et qu'une autre manière de faire de la politique
se lit "une autre manière de faire la même politique"
Maintenant
qu'est sur le point de triompher la politique comme garante du développement
optimal du marché et de ses "lois"
Que faire ? Réinventer,
tant qu'il en est temps encore, la politique comme résistance radicale
au tout-à-l'argent. Cela ne viendra
hélas pas des sommets d'institutions démocratiques qu'il
faut sauver contre leur propension à épouser le modèle
idéologique dominant et à évincer toute velléité
alternative. Aujourd'hui et pour un temps, c'est dans la rue que cela
se passera. Cette résistance-là s'internationalise par la
base avec un mouvement altermondialiste qui combine expertise et travail
de terrain pour interpeller les décideurs, un mouvement de travailleurs
qui contournent les conservatismes d'appareils pour interconnecter leurs
luttes à l'échelle européenne, un mouvement de citoyens
en demande d'une justice qui se souvienne mieux du nom prestigieux qu'elle
porte et de sa vocation de service public
Vincent
DECROLY
Que nous est-il arrivé ?
Ou maintenir le cap : lutter pied à pied pour faire progresser
le projet de société sur lequel j'ai été élu,
et faire primer le travail de fond et la cohérence sur le corporatisme
de parti. Au moment des votes, appuyer ce qui va dans le bon sens, rejeter
ce qui va dans le mauvais.
" Un autre monde est possible ". Pour le faire émerger,
un autre parlement sera nécessaire - comme une démocratie
émancipée de mécanismes de représentativité
cadenassés.