Bruno Roy, Clandestino musicos by François Guibert Wednesday April 09, 2003 at 11:23 PM |
Dans la foulée du CD live officiel de Radio Bemba sorti en septembre dernier, rencontre avec Bruno Roy, l'accordéoniste alterno de cet explosif combo world rock ragga patchanka créé par Manu Chao.
Durant une douzaine d'années, Bruno Roy a joué les French Lovers au sein du groupe éponyme, avec son alter ego Cap'tain (plus une rimbambelle de musiciens). À l'origine, tous deux étaient instituteurs et ont laissé tomber ce travail pour se lancer dans la joyeuse galère d'un groupe français "alternatif" dans les années 1980. D'abord guitariste, Bruno se met « par hasard » à l'accordéon. Témoin de cette saga rock musette bastringue, un unique album, "Dans les rues d'ici.", paru chez Barclay en 1992. À l'aube de l'an 2000, Bruno rejoint Radio Bemba - qui incluait déjà le (contre)bassiste Gambeat, ex-French Lovers lui aussi -, le collectif créé par Manu Chao pour présenter en version live et électrique ses albums solo acoustiques, "Clandestino" (1998) et le décevant "Proxima estacion. esperanza" (2001). Sorti en septembre 2002, un album live officiel résume de façon frustrante (lire chronique dans notre n°13 page 76) le fabuleux Sound System de ladite Radio de Chao présenté aux quatre coins du globe durant trois ans. Rencontre avec l'accordéoniste d'un gang sacrément
unique et uni comme les doigts d'une certaine Mano (Negra).
« On a bien voyagé et fait de belles virées avec Radio Bemba. Sur le plan humain, c'était sympa. Il y a eu deux tournées carrément magiques : la première qu'on a faite en Amérique du Sud, et celle en Europe de l'Est. La série de concerts de l'été 2001 en Europe était plus classique, ne serait-ce que sur le plan géographique. On a donné de nombreuses dates d'affilée, dans des gros festivals où il y a plein de groupes, où il faut respecter un timing précis. Ça faisait vraiment "supermarchés du rock". Nous ne nous sommes pas trop reconnus là-dedans. Ces grandes tournées, même si elles se déroulent avec Manu et qu'elles sont inhabituelles, ça reste des tournées de rock : on arrive, on fait la balance, le concert, après on fait la fête, avant de repartir dans une autre ville, etc. »
Radio Bemba possède la même cohérence et la puissance façon Clash qu'avait la Mano Negra. D'où vient cette alchimie ?
Avec Radio Bemba, je suis sur scène ; mais à l'époque de la Mano, je me trouvais dans le public. Aussi, je ne peux pas trop juger. Ça tient vachement au talent que Manu Chao a pour former et diriger un groupe. Et puis dans le groupe, on se connaissait tous plus ou moins, entre autres via la Caravane des Quartiers (une association qui organisait des spectacles dans des lieux "défavorisés" en France et en Espagne, NDLR). Sur scène, on joue tous ensemble, ensuite l'ingénieur du son se débrouille pour mixer le tout. Manu veut un truc qui marche à la rage et l'énergie. Ça peut aussi s'exprimer à travers des morceaux acoustiques, on n'est pas obligé de mettre des guitares saturées tout le temps.
Ça se passe comment sur scène avec Chao : c'est lui le patron et vous jouez ce qu'il désire entendre ?
C'est le chef d'orchestre. Il ne demandera pas à l'un d'entre nous de jouer quelque chose que celui-ci ne
saura pas faire. Au contraire, il exploitera nos capacités afin que tout le monde se donne au maximum.
Ça, il sait le mettre en ouvre. Je ne pense pas que Manu m'ait pris pour ma virtuosité à l'accordéon !
(rires) Au bout d'un moment, les concerts sont relativement structurés. On a l'habitude de travailler
ensemble, et on se comprend juste avec des clins d'oil, des signes, ou par des « 1, 2, 3, 4 ! ».
Que fais-tu quand Radio Bemba ne tourne pas ?
J'ai participé à un CD intitulé "À ta santé !" où Ritier (frère jumeau du regretté Helno des Négresses
Vertes, NDLR) chante, avec aussi Mimi, l'ex-chanteuse des Dix Petits Indiens. On est plusieurs à les
accompagner sous le nom de la Bande à Jojo. Et cette année, quand je suis revenu à Paris, je n'avais pas trop envie de rejouer dans le métro. Alors je suis allé faire les terrasses à Ménilmontant. Là-bas, j'y
ai rencontré El Gafla, un groupe de mecs assez jeunes qui font de la musique arabe pas du tout puriste. Il y a un derbouka, de la guitare, un violoncelle. Ils m'ont demandé si je voulais intégrer le groupe. J'ai d'abord été les voir en concert, ça m'a plu, j'ai dit OK. Actuellement, on met ça en place. Il reste encore beaucoup de boulot à faire mais ce groupe peut marcher.
Ton meilleur souvenir en tant qu'accordéoniste ?
Ça reste l'Expresso del Hielo en Colombie fin 1993 avec la Mano (un vieux train roulant sur une voie
désaffectée et qui, à chaque gare, proposait des spectacles pour la population locale, NDLR). Lorsque
Manu nous a invités à participer à cette aventure, c'était l'époque où avec les French Lovers, on faisait
la manche dans le métro à Paris. Le fait de se retrouver en Colombie ne nous effrayait pas : on
n'angoissait pas de perdre le statut d'intermittents du spectacle vu qu'on ne l'avait pas ! Nous, les
French, à l'origine du projet, on devait se produire en acoustique dans les gares. Arrivés sur place, les
membres de la Mano ont donné un ou deux concerts. Après, les trois quarts d'entre eux sont repartis. La Mano ayant été annoncée comme la "tête d'affiche", on a dû les remplacer pour accompagner Manu. Au final, on a vécu l'Expresso à la fois comme une période de vacances et comme une aventure extraordinaire.
Propos recueillis par François Guibert.
Album "Radio Bemba Sound System (live)" et DVD "Babylonia en guagua" (incluant soixante-dix minutes du concert de Radio Bemba à la Villette à Paris en septembre 2001) de Manu Chao disponibles chez Virgin.
Ce texte est tiré du journal "Accordéon & accordéonistes n°15 (décembre 2002)" Merci à François Guibert de nous avoir donné l'autorisation de le publier ici.