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Journal de Bagdad • Dr Colette Moulaert, 21 mars, 16h45
by Colette Moulaert Monday March 24, 2003 at 01:06 PM

Offensive du printemps Aujourd'hui, nous visitons l'hôpital pédiatrique Saddam que tous ceux qui ont visité l'Irak connaissent bien. C'est vendredi, donc congé normalement, mais l'hôpital semble fonctionner comme un jour de semaine.

L'hôpital ne tourne plus qu'avec une aile médicale, tout le reste est aménagé ou transformable très rapidement pour les blessés. En temps normal, c'est surtout un hôpital médical, il n'y a presque pas de chirurgie.

Normalement, il y a 160 enfants, mais, actuellement, il n'en reste plus que 20 ou 30. Les parents ont repris leurs enfants parce qu'ils ont peur et préfèrent essayer de survivre sans traitement que de rester dans le centre de Bagdad.

Vingt enfants leucémiques, demandant un traitement lourd, sont à la maison avec quelques pilules. Ils vont mourir.

D'autres enfants, qui ont quitté l'hôpital, mourront sans soin dans l'indifférence des USA et des autres…

Le personnel court beaucoup mais très efficacement. Tout le service des urgences a été modifié. La grande salle du rez-de-chaussée a été vidée pour admettre les traumatismes.

Pas le temps de faire l'inventaire! Avec le responsable des résidents, le docteur Hamed, nous visitons au pas de course. Le docteur Hamed n'a pas une minute à perdre et répond à chacun en cours de route : patient, infirmière… Quel rythme !

Les enfants malades sont vus pendant la journée dans un petit cabinet aménagé dans l'entrée. Les consultations sont collectives et rapides. Chacun vient pour avoir son ordonnance et repartir à la pharmacie où on fait la queue… Pour avoir des réserves?

Je regarde avec respect ce jeune médecin qui organise tout pour répondre au pire.

La nuit les urgences sont à l'étage. Cette nuit, les médecins résidents ont vu entre 70 et 80 cas.

Il y a beaucoup de gastro-entérites et de parasitoses sévères. Et les USA veulent bombarder les centrales d'épuration d'eau! Tous ces enfants, mal nourris, sans réserves, vont mourir eux aussi. J'en ai les larmes aux yeux et regarde avec respect ce jeune médecin qui organise tout pour répondre au pire.

L'étage néonatal fonctionne, mais nous n'avons pas le temps d'y aller. J'espère que les couveuses sont en meilleur état qu'il y a deux ans. Il manquait tellement de chose : oxygène, pièces pour les couveuses…

L'hôpital attend les premiers blessés

Au 4e étage : la chirurgie. Les deux salles d'opération sont prêtes à tourner. Je ne peux évidemment pas les visiter. Elles sont propres, le personnel attend et prépare tout au cas où… Les 25 lits attendent les premiers blessés.

Dans le fond, le service de réanimation compte 4 lits. Il est fermé actuellement pour rester en ordre et propre. Les autres étages peuvent être ouverts très rapidement si nécessaire. C'est horrible d'y penser.

Les médicaments de base semblent ne pas manquer pour l'instant. Il y a quelques réserves pour faire face à la demande actuelle, mais que se passera-t-il plus tard?

Les renforts de personnel sont prévus, spécialement la nuit : 14 médecins et 75 infirmières travailleront plus, en fonction des besoins…

Je suis remplie d'admiration pour ces travailleurs qui tiennent le coup avec une telle compétence, une telle rigueur, une telle modestie. Quelle détermination, quelle efficacité dans le travail ! Ils font cela comme de la routine, une urgence comme les autres.

Je me sens un peu comme à l'hôpital Saint Pierre à Bruxelles, il y a 30 ans : beaucoup de patients, des embouteillages, des courses pour réanimer… Ils font du bon boulot!

Les «Boucliers humains»

De leur côté, les «Boucliers humains» tiennent le coup (ici, on les appelle les Human Shields, ou tout simplement les HS). Ils voient les hélicoptères américains passer au-dessus des sites qu'ils aident à protéger. On dit que ces hélicoptères viendront un jour les capturer pour les évacuer avant de bombarder… en toute illégalité!

Nous leur expliquons que les sites choisis par les Irakiens sont à la base de la santé publique : épuration d'eau, centrale électrique, raffinerie, silo de nourriture. De quoi couvrir les besoins de base de la population.

Le groupe des HS est soudé. Beaucoup d'informations passent dans le monde grâce à eux.

Merci à tous…

Nous racontons à tous la riposte belge et mondiale à l'agression américaine. C'est très important pour le moral de tous ceux qui sont ici. Merci.

Je sais que la délégation de Caterpillar a déposé un préavis de grève. Je voudrais les remercier particulièrement! Que les travailleurs d'une grosse multinationale américaine prennent position radicalement contre la guerre, pour le peuple irakien, cela impressionne beaucoup tout le monde ici. Merci à Antonio et à tous les autres.

Je suis révoltée par la position du gouvernement belge qui a décidé de laisser passer les bombardiers américains. Et les Écolos! Ne voient-ils pas ce qui se passe ici? Ils se disent contre la guerre, mais où sont les actes?
Je lis «Zabida et le roi», un conte des mille et une nuits. L'Irak, quel pays ! Quel peuple fascinant!