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la civilisation des tropiques
by Dominique Wednesday March 19, 2003 at 09:27 AM
dominique_pifpaf@hotmail.com

La quantité d'énergie qui tombe chaque jour sur les Tropiques humides est l'équivalent de 6 millions de bombes nucléaires du modèle Hiroshima. Alors que la civilisation du pétrole est la civilisation d'un jour, nous avons là la base énergétique d'une autre civilisation à condition d'en finir avec la dépendance de l'extérieur.

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Quatrième de ces 5 textes, il montre qu'une nouvelle société est possible, et ce, sans sacrifier nos esclaves énergétiques. Il montre aussi certains des enjeux de l'Amérique Latine et la manière dont les grandes sociétés de l'énergie nous impose une gestion criminelle et suicidaire de l'énergie. Ne nous y trompons pas, nous ne pouvons pas faire confiance à ces sociétés. La pile à l'hydrogène et autres panacées qu'elles nous proposent ne sont que des emplâtres sur une jambe de bois ne favorisant qu'une seule chose: leurs profits. Or un autre profit que le profit individuel est possible: celui des hommes, de chacun des hommes au service de l'humanité, de chacun responsable du bonheur de tous les autres.

De trés large extraits de ce livre figurent ici. Le premier de ces extraits est ici. Le 2ème est ici. Le 3ème est ici.

Le réveil de l'Amérique Latine:

la civilisation des tropiques.

Les maîtres de la civilisation occidentale qui, aujourd'hui sous des formes diverses, dominent ou influencent fortement l'Economie, la Pensée, l'Organisation sociale et le Mode de vie de la quasi totalité de la population mondiale, se sont développés à partir des régions tempérées du Sud du continent européen.

A partir du XVème siècle commence l'extension mondiale de ces peuples par la commerce et par la conquête. Ce qu'il est convenu d'appeler la Renaissance en Occident c'est le développement du rationalisme instrumental de la culture européenne et de la supériorité technique et militaire qui en découlent. La maîtrise des sources fossiles d'énergie et la technique de ses transformations a conduit, au XIXème et au XXème siècle, à une domination mondiale méprisant et détruisant les autres civilisations.

Au cours de cette expansion les grandes sources de la puissance de la civilisation occidentale (dans la perspective de ce rationalisme occidental faisant abstraction des fins et recherchant seulement à multiplier la puissance de ses moyens), la source essentielle d'énergie c'étaient les combustibles fossiles (le charbon minéral d'abord -- en Angleterre, en France, en Allemagne -- qui exigent des structures politiques centralisées, des Etats-nations.) Le développement de cette expansion occidentale a conduit à la décadence des autres civilisations. Elle a entraîné les plus redoutables inégalités: entre le Nord et le Sud, avec le rétablissement de l'esclavage et de toutes les formes de dépendance, et, à l'intérieur même des pays occidentaux, une polarisation croissante de la richesse et du pouvoir, et l'accroissement du nombre des exclus.

L'exportation des modes occidentaux de technique et de production produisit de terribles dégâts, à la fois du point de vue du déséquilibre écologique et de la misère des multitudes. Les exemples les plus typiques, de cette destruction des équilibres naturels sont la destruction des forêts amazoniennes et indonésiennes ou une exploitation de l'Afrique qui permet au désert saharien d'avancer de plusieurs kilomètres par an.

A l'échelle mondiale furent détruites des cultures qui étaient mieux intégrées aux conditions du milieu et les formes d'organisation sociale correspondantes, pour imposer des mono-productions soit agricoles comme le café, le sucre, les arachides etc.... et, du point de vue industriel, pour piller les matières premières, le pétrole d'abord, mais aussi les richesses minérales. Ainsi furent détruits non seulement les équilibres naturels, mais les formes d'organisations sociales qui, depuis des millénaires, avaient maintenu les équilibres écologiques.

Le choix unilatéral des sources d'énergies fossiles non renouvelables et la logique interne du système qui impliquait l'utilisation de quantités toujours croissantes de cette énergie, a conduit à la perspective actuelle d'épuisement de ces ressources, si bien qu'aujourd'hui, au rythme actuel de leur utilisation, les ressources présentes en pétrole dans le monde, ouvrent la perspective d'un épuisement total. Même si des découvertes nouvelles de gisements permettent de reculer ces limites, le moment d'un épuisement total est inéluctable.

Ce mode d'utilisation des énergies non renouvelables entraîne la destruction des grandes sources millénaires d'énergies renouvelables. L'exemple le plus saisissant est le saccage de la forêt amazonienne pour produire de l'énergie électrique selon les méthodes employées en Occident, telles que les grands barrages hydrauliques qui exigent au Brésil l'inondation et donc, d'abord, la destruction de milliers d'hectares de forêts.

Une forêt bien exploitée peut produire normalement 2 à 3 stères de bois par hectares et par an. La même exploitation, dans la forêt tropicale, peut fournir de 40 à 60 stères par hectare et par an. Le Brésil, par exemple, possède environ 325 millions d'hectares de terres impropres à l'agriculture mais capables, par une exploitation forestière appropriée, d'utiliser la moitié de ces surfaces (qui représentent 20 % du territoire national). Ceci permettrait de produire de manière permanente l'équivalent énergétique de 6 milliards de barils de pétrole par an, c'est à dire à peu près la production totale des pays de l'OPEP.

On peut imaginer aisément que l'utilisation, même partielle, de ce potentiel énergétique changerait profondément toute la structure actuelle du pouvoir mondial.

Dans la zone tropicale pourrait s'instaurer une nouvelle distribution du pouvoir, car cette mutation historique de réhabilitation de l'homme tropical et de son milieu naturel, permettrait, à partir de ressources énergétiques renouvelables, en particulier celle de la biomasse, de créer des formes nouvelles de rapports sociaux et politiques. Cela exige de mettre fin à l'exploitation des ressources naturelles par les prédateurs de l'Occident et de ses vassaux, et de fonder un modèle de développement sur l'exploitation rationnelle de ces ressources renouvelables, avec toutes les conséquences politiques, stratégiques ou écologiques qui en découlent.

Un rapport récent, Projet énergétique et technologique adapté au milieu ambiant (Brasilia 1986), indique: "la cause principale de la destruction de la foret tropicale est le développement d'une structure économique fondée sur des modèles technologiques importés qui conduisent à la dégradation de l'environnement."

Le fondateur de cette réflexion sur une civilisation des tropiques, est Gilberto Freyre dans son livre: L'homme, la culture et les tropiques.

Bautisto Vidal, de l'Ecole Polytechnique du Brésil, complète cette analyse:

"La quantité d'énergie qui tombe chaque jour sur les Tropiques humides est l'équivalent de 6 millions de bombes nucléaires du modèle Hiroshima. Alors que la civilisation du pétrole est la civilisation d'un jour, nous avons là la base énergétique d'une autre civilisation à condition d'en finir avec la dépendance de l'extérieur. Cette dépendance a coûté à notre pays, le Brésil, pour contribuer à cette destruction, 2 milliards de dollars par an, c'est à dire 40 milliards en 20 ans. (A titre de comparaison le plan Marshall, pour reconstruire l'Europe, a coûté 13 milliards de dollars). Tel est le coût de cette civilisation technologique et de la division internationale du travail qui a créé la dépendance technologique.

Avec le système actuel de dépendance nous produisons à Cucurui de l'énergie électrique qui nous coûte 42 dollars par mégawatt-heure et que nous vendons 13 dollars pour produire de l'aluminium exporté. Tel est le modèle pervers qui nous est imposé du dehors par les grandes compagnies multinationales. La proche pénurie a conduit à utiliser l'énergie nucléaire. C'est cette méthode que l'on envisage d'imposer au Brésil. Il est prévu, pour la sécurité de la population, d'évacuer un territoire de 40 kilomètres de rayon. Si sur cette surface, nous créons une forêt en utilisant sa biomasse nous produirons 3 fois plus d'énergie que ce dangereux réacteur. La biomasse, comme forme d'énergie, a pour origine le soleil, gigantesque réacteur a fusion nucléaire heureusement situé a très grande distance. Cette énergie solaire permet de créer des conditions de vie permanentes et à visage humain.

Le pétrole, lui aussi, a comme origine le soleil. Sa formation exige de 200 à 300 millions d'années, alors que le charbon végétal, l'énergie éolienne, ou la biomasse se renouvellent de façon permanente. La photosynthèse capte par les plantes cette énergie.

Le Brésil détient 50 % des tropiques humides de la planète. L'autre moitié est répartie en plusieurs pays d'Amérique latine, d'Afrique et de l'Asie du Sud-Est, qui ont les mêmes problèmes que nous. La survivance énergétique du monde et toutes les conséquences sociales qui en découlent dépendent de cette mutation qui implique une intégration profonde de l'homme tropical à son milieu naturel."

Source: L'avenir de la civilisation des tropiques, Edition de l'Université de Brasilia, 1990 (p. 221-231)