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Biovigilance envers les résistants aux OGM-Bionégligence envers l'environnement
by Collectif d'Action GénEthique Tuesday March 18, 2003 at 12:42 AM
genespotting@altern.org

Présence policière inédite dans l'histoire des Genespottings. Illégalité des conditions de la présence de pommiers OGM sur le site de Rillaar. Le CAGE demande des sanctions pénales. (article 1)

Biovigilance envers ...
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Collectif d'Action GénEthique - 17 mars 2003

Genespotting IV (16 mars 2003)


Biovigilance envers les résistants aux OGM
Bionégligence envers l'environnement


Présence policière inédite dans l'histoire des Genespottings. Illégalité des conditions de la présence de pommiers OGM sur le site de Rillaar.
Le CAGE demande des sanctions pénales.

Ce dimanche 16 mars, à l'occasion de la quatrième étape de notre parcours d'initiation pratique à l'environnement transgénique en Belgique, le CAGE (Collectif d'Action GénEthique) projetait d'explorer les implications du seul site de végétaux transgéniques prévu sur le territoire belge en 2003, la « dissémination volontaire » de pommiers génétiquement modifiés programmée pour la fin mars au Fruitteeltcentrum (Centre de culture fruitière) de Rillaar (Aarschot).

Policiers en civil et patrouilles de policiers fédéraux dès la gare de Leuven et dans les trains du dimanche matin vers Aarschot. Comité d'accueil en uniforme et contrôles d'identité systématiques (avec prises de notes) aux points de rendez-vous à Aarschot. Notre cortège suivi à quelques mètres de distance par une fourgonnette policière. Interdiction de tout rassemblement de plus de deux personnes dans une large zone autour du Fruitteeltcentrum (la route était bloquée à plus de 800 m du centre de recherche). Déploiement de quatre camionnettes de la police locale et de trois fourgons de la police fédérale venus « en renfort ». Nouveaux contrôles d'identité au moment de notre départ. « Accompagnement » policier jusqu'à l'embarquement du dernier participant.

Il est donc apparu que :

- si les autorités locales semblent résignées à la contamination de leur territoire, elles n'hésitent pas à se donner les moyens d'entraver toute dissémination d'initiatives destinées à mettre en lumière les implications de ce projet OGM. Remarquons le contraste entre la zone d'isolement officiellement décrétée autour des pommiers (une centaine de mètres de rayon) et les dimensions de la large zone de confinement citoyen…

- si les mesures de « biovigilance » affichées fièrement par les services compétents autour des disséminations expérimentales d'OGM ne visent qu'à réduire l'ampleur des contaminations qu'elles engendrent, pas à les empêcher, en revanche, pour interdire les flux d'informations vers la population exposée, le dispositif était d'une étanchéité à toute épreuve.

Devant de telles intimidations (contrôles d'identité, confiscation de matériel, présence agressive et insistante des policiers), nous avons d'abord décidé de nous replier dans un café en face de la gare de Aarschot. Après plus ou moins trois quarts d'heure d'attente - le temps du contrôle minutieux de toutes les personnes présentes - la quarantaine de participants s'est mise en marche vers le Fruitteeltcentrum. Au terme d'une bonne heure de cheminement bucolique à travers la campagne brabançonne, nous n'avons éprouvé aucun problème pour localiser le but de notre randonnée : un cordon de fonctionnaires de police nous y attendait. « Sur ordre du bourgmestre, interdiction de tout rassemblement de plus de deux personnes autour du centre de recherche, sous peine d'arrestation immédiate ». On était ici bien loin des efforts de séduction que déploient habituellement les promoteurs de la biologie moléculaire pour labelliser leurs activités comme « transparentes » et « inoffensives »… La Katholieke Universiteit Leuven (KUL) préfère jouer la sécurité… « Qui sait ? Et si des questions gênantes pour ce projet étaient soulevées ? »…

Qu'à cela ne tienne ! La balade nous ayant ouvert l'appétit, nous nous sommes alors installés sur les 10m2 de macadam où notre présence était tolérée, et y avons partagé une salade tournaisienne, puis diverses variétés de pommes non transgéniques (Reinettes grises, Topazes, Elstar etc.). Face à nos demandes répétées, les responsables du « cordon sanitaire » policier finirent par admettre la formule suivante : des « visites » du Centre sont autorisées par groupes de 2 personnes seulement, en compagnie d'un agent et sans quitter la voie publique. Au total, une dizaine d'entre nous ont ainsi découvert sous haute surveillance les serres de pommiers transgéniques et ont pu discuter avec deux techniciens présents sur le site pour l'occasion. Leurs réponses ont confirmé ce que nous avions appris ailleurs : l'essai envisagé est incohérent, dangereux et inutile (voir le texte diffusé par le CAGE lors de la réunion du Comité Plantes Transgéniques : http://lists.collectifs.net/pipermail/intercage/2003-February/000202.html).

En milieu d'après-midi, nous avons tenu un atelier d'échanges de savoirs autour de cette modification génétique de pommiers, abordant autant l'inconsistance des protocoles scientifiques censés l'encadrer que les intérêts qu'y poursuivent ses véritables promoteurs (la start up « Betterfruits » et la firme Hervé Nicolai & Co).

Rappelons que notre intention ce dimanche était de convertir préventivement le terrain nu destiné à l'implantation des pommiers OGM en un jardin potager biologique, alternative réelle au « Meilleur des mondes transgéniques ». Peu de choses face à une « expérimentation » dont les conséquences dépassent largement les limites du Centre lui-même.

Le déploiement de forces de ce 16 mars prend place peu après une série de perquisitions à l'encontre d'associations qui sensibilisent aux dévastations causées par les OGM (dont l'un des membres du CAGE a été la cible) et l'ouverture, ce 10 mars, du premier procès belge visant des décontaminateurs de parcelles de végétaux OGM (celles d'un centre expérimental de Monsanto près de Namur). La succession de tels événements attentatoires aux libertés d'expression et d'association est déplorable. Elle manifeste cependant l'ampleur du désarroi avec lequel les transgénéticien sont aujourd'hui aux prises.

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La KUL impliquée dans une « dissémination volontaire » illégale de pommiers OGM

Notre présence aux abords du site de Rillaar était liée au processus d'autorisation d'une future dissémination volontaire dans l'environnement de pommiers génétiquement modifiés. La culture de ces pommiers est censée être menée depuis 10 ans dans un espace « confiné » (un bâtiment hermétique ou une serre de type P3). Depuis quelques années, ils se trouvent dans une serre sur le site du Fruitteeltcentrum.

Au cours d'une des visites effectués ce dimanche sous escorte policière, deux d'entre-nous ont attiré l'attention des techniciens du Centre sur l'inexistence manifeste de ce confinement. Comme nous l'avions déjà constaté lors d'une ballade au même endroit le 2 mars, les lucarnes de la serre ordinaire qui rassemble ces arbres sont… béantes, ouvertes à tous vents, aux insectes et aux oiseaux.



Photos de la serre contenant des pommiers OGM (Fruitteeltcentrum de Rillaar, 02/03/2003)

A notre remarque, et comme nous rappelions qu'à ce stade le Fruitteeltcentrum ne dispose pas d'une autorisation pour une « dissémination volontaire », donc que l'expérience devait être strictement confinée, le technicien répondit que ce n'était pas la saison de la floraison. La question n'était pourtant pas là. Il s'agissait de savoir si une législation est respectée, pas si « à ses yeux » elle vaut la peine de l'être. Le même technicien précisa à d'autres visiteurs que les insectes pouvaient rentrer dans la serre, mais qu'il leur était impossible d'en sortir (?).

Selon les textes en vigueur en la matière, lors de la première phase de recherche, les plantes manipulées génétiquement doivent être cultivées dans des conditions strictes de confinement. La règle générale est qu'il est interdit de disséminer des OGM dans l'environnement. La législation prévoit seulement des exceptions dans des conditions particulières.

Le jugement des techniciens du Fruitteeltcentrum ne peut se substituer à des dispositions légales (elles-mêmes perpétuellement revues parce qu'insuffisantes). Les constatations faites sur le terrain établissent que les conditions de culture des pommiers de Rillaar sont celles d'une « dissémination volontaire », pas d'une « expérimentation confinée ». Aucune autorisation n'ayant été accordée en ce sens, le CAGE demande instamment que soient appliquées les sanctions pénales prévues en cas de non respect de la réglementation.

Le spectacle offert par les cultures de pommiers de la KUL nous rappelle que les techniques de la biologie moléculaire reposent depuis ses débuts sur une myriade de pétitions de principes, sur un bric à brac d'approximations et d'improvisations branlantes que le temps se charge sans cesse de démentir. Oui, contrairement à ce que les « experts » prétendaient encore récemment, les plantes hybrides transgéniques lâchées dans la nature sont capables de s'y reproduire ; oui, des transferts « horizontaux » de gènes ou de portions de gènes ont lieu, sans recours à la pollinisation ; oui, l'ADN de cellules vivantes ou mortes reste actif hors de son milieu d'origine, etc.

Autant de savoirs acquis a posteriori, au-delà de protocoles d'essais qui tenaient ces phénomènes pour « très improbables » et continuent presque toujours à les ignorer. Autant de connaissances qui légitiment l'intensification d'inspections citoyennes de l'activité techno-scientifique.

Collectif d'Action GénEthique – 17 mars 2003