Bagdad: journal de Dirk Adriaensens [1] by Dirk Adriaensen [ posted by red kitten ] Sunday January 26, 2003 at 12:05 AM |
Comment les Irakiens peuvent-ils se préparer à une guerre? On ne peut pas se battre contre les bombes avec des fusils. Et même dans les abris souterrains leur sécurité n'est pas assurée (pensez à l'exemple d'Al-Ameriya). Ce qui est important, c'est que les Irakiens sont mentalement préparés à une guerre.
Les Américains ont les armes, nous avons la conviction de défendre notre pays
Bagdad, 18 janvier
Comment les Irakiens peuvent-ils se préparer à une guerre? On ne peut pas se battre contre les bombes avec des fusils. Et même dans les abris souterrains leur sécurité n'est pas assurée (pensez à l'exemple d'Al-Ameriya). Ce qui est important, c'est que les Irakiens sont mentalement préparés à une guerre. Mon ami Ghazwan Al-Mukhtar explique: «Les Etats-Unis ont les armes, nous avons l'esprit, le coeur et la conviction que nous devons défendre l'Irak. Nous avons combattu les Britanniques avec des bâtons et ils ont fini par déguerpir. Nous sommes un peuple du désert. Nous avons appris à survivre avec peu de chose. Nous avons de la patience. Qu'est-ce que les Etats-Unis peuvent nous offrir de plus que Saddam? Rien. Nous savons ce que nous avons à perdre: notre indépendance, nos ressources pétrolières. Vous savez tout de même que Bush compte financer cette guerre avec les revenus du pétrole irakien qu'il espère conquérir. Pour nous, il ne restera plus rien, comme avant 1958.»
Evidemment qu'ils ont peur. Mais ce n'est pas une peur paralysante. Tous ceux à qui je parle sont convaincus que la guerre aura lieu. Tous veulent combattre les Etats-Unis, avec leur gouvernement dirigé par Saddam. La religion est très présente. Apparemment elle aide les Irakiens à surpasser leur crainte de la guerre. Mais cela ne les conduit pas à des tendances intégristes ou à une haine contre les peuples occidentaux, comme c'est le cas chez Oussama Ben Laden et Al Qaïda. Ainsi, les droits de la femme ne sont pas réduits, même si le port du voile a augmenté. L'Irak reste un pays laïque, bien que les mosquées se sont multipliées.
Sanctions: conduites d'égouts oui, raccords non...
Hier, vendredi, c'est-à-dire journée de repos hebdomadaire, je suis allé admirer les travaux impressionnants au système des égouts et aux conduites d'eau à Bagdad. L'agitation des bulldozers ne connaît pas de répit, même pas durant les jours de repos. Ghazwan Al-Mukhtar, mon ami irakien, m'explique une des pratiques scandaleuses de la commission de sanction 661. Les conduites pour les égouts et les canalisations d'eau sont arrivées depuis des années, mais les contrats des raccords en cuivre ont été refusés par la commission de sanction, à cause soi-disant de la possibilité de double emploi.
Cela jette une lumière effrayante sur le programme Oil-for-food qui totalise une somme de 55 milliards étalés en plusieurs phases. Les Nations Unies prétendent que 8,5 milliards de dollars «seulement» n'ont pas été accordés. Résultat: 80% du montant d'un nouveau système d'égouts (les conduites) ont été accordés et 20% (les raccords) ont été refusés. Le projet était donc bloqué. Il y a quelques mois, l'autorisation a tout de même été donnée et les travaux ont immédiatement commencé. Ils se poursuivent même les vendredis et les jours fériés. Il s'agit d'un projet vital: selon l'Unicef, l'eau contaminée est l'une des principales causes de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans.
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L'Irak ne peut pas disposer de devises étrangères
Bagdad 20 janvier
Un exemple du fonctionnement de l'embargo: le cash-composant. Le gouvernement irakien n'est pas autorisé à détenir des devises étrangères. Si l'Irak souhaite donc rénover une école à Basorah dans le cadre du programme Oil-for-food, les autorités irakiennes doivent adresser leur demande à la commission de sanction 661. Ils ne peuvent pas recourir aux services d'un entrepreneur irakien en le payant avec l'argent du programme Oil-for-food. Ils doivent le payer avec de l'argent de l'économie locale, c'est-à-dire en dinars. S'ils veulent rénover l'école avec leur propre argent du pétrole, ils doivent engager les services de la société allemande Holzmann par exemple.
C'est évidemment une solution que les Irakiens refusent d'envisager, car ils sont capables d'effectuer ces travaux s'ils pouvaient disposer de leurs propres euros du pétrole. Conséquence: beaucoup d'écoles irakiennes devront attendre et la situation ne cesse d'empirer. Les écoles restent néanmoins ouvertes et l'enseignement reste gratuit. Mais cela dévore beaucoup d'argent, au détriment des bâtiments. C'est ainsi que fonctionne l'embargo. Qui connaît cette réalité en Occident? Les Etats-Unis prétendent, quant à eux, que l'Irak dispose de suffisamment de fonds grâce au programme Oil-for-food, mais que Saddam l'utilise pour son propre enrichissement...
( Lisez les rubriques FAQ sur le site http://www.irak.be )
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Les rations pour les mois prochains déjà distribuées
Bagdad 21 janvier
Les autorités préparent la population à la guerre. Toutes les écoles sont par exemple tenues d'insérer un cours de «protection civile». Des rations ont d'ores et déjà été distribuées pour les mois à venir: d'abord pour trois mois, ensuite encore pour deux mois. Le gouvernement craint la destruction des entrepôts des provisions alimentaires, comme ce fut le cas en 1991 et comme en Afghanistan. Il vaut donc mieux distribuer les rations. Un avantage supplémentaire est d'éviter que les gens ne se mettent à emmagasiner des réserves ou qu'ils tentent d'acquérir des provisions de manière moins légale.
Un inconvénient de l'opération: à Saddam-city, un quartier moins développé de Bagdad qui compte environ un million et demi d'habitants, les gens commencent à revendre les rations. «En cas de bombardements, prévient mon ami Ghazwan, ce genre de personnes descendront vers le centre-ville, se mettront à piller et la situation ne sera plus contrôlable.»
Des rapports internationaux sur les conséquences humanitaires d'une nouvelle guerre citent des chiffres de 100.000 jusqu'à même 4.000.000 de morts.