Hommage a notre ami Joe Strummer.
Joe Strummer, le chanteur du groupe The Clash, est mort dimanche 22
décembre
à l'âge de 50 ans. Très engagé politiquement, en particulier dans
les
mouvements
antiracistes, il restera "la" voix de quelques-uns des plus célèbres
albums
de l'histoire du rock.
Selon le réalisateur et ami Don Letts, Joe Strummer est décédé d'une
crise cardiaque.
D'après sa maison de disques, le musicien "s'est éteint
pacifiquement à son
domicile" de Broomfield dans le Somerset (sud de l'Angleterre).
Né le 25 août 1952 à Ankara, John Mellor pour l'état-civil s'était
d'abord illustré
au milieu des années 70 avec une formation pub-rock aujourd'hui
culte,
The 101ers.
En 1976, il rencontrera Mick Jones pour rejoindre les Clash au côté
de Paul
Simonon (basse) et Terry Chimes (puis Topper Headon) à la
batterie.
Dans l'Angleterre conservatrice du début des années 80, les repères
étaient
plus «simples». «Thatcher était une salope. Mais une salope honnête
qui
avait
des convictions. Tony Blair est bien pire. Avec lui, tout est
calculé,
étudié
par des conseillers en image. Il n'y a même plus de place pour le
débat. Tu
es pauvre? Voilà pour toi. Tu es libéral? On ne t'oublie pas. Dans
son
monde
idéal, on chanterait des chansons chrétiennes à la guitare sèche en
portant
des habits propres.» confiait Strummer.
Une société au bord de la décrépitude attendait un geste extrême
pour
basculer.
Les Sex Pistols vont incarner en pionniers cette vague anarchique de
rébellion
et de créativité. Strummer verra la lumière lors d'un de leurs
concerts.
"En
cinq secondes, expliquait-il, j'ai compris que tout ce que je
faisais
musicalement
appartenait au passé. La folie des Sex Pistols ouvrait des horizons
bien
plus
excitants."
Le chanteur des Clash conservait à la fois l'amertume des combats
perdus et
l'enthousiasme de la rébellion. "Nous étions arrogants et nous
pensions
détenir
la vérité avec la musique. A l'époque, nous étions des
révolutionnaires,
des
marxistes, alors que des gens comme nous auraient été emprisonnés
dans
les pays
communistes. Nous voulions changer le monde, mais nous n'avions pas
d'autre
alternative que le socialisme à proposer. Or l'expérience communiste
a
abouti
à des états policiers, au goulag dans lesquels des individus comme
nous
auraient
immanquablement fini. Nous étions jeunes, fougueux, mais pas grands
penseurs."
affirmait celui qui portait toujours des T-shirts à l'effigie de
Mesrine ou
des Brigades rouges.
Tout à son messianisme révolutionnaire, le groupe avait rogné sur
ses
royalties
pour imposer à CBS de vendre le double album «London Calling», puis
le
triple
«Sandinista» au prix d'un simple. Après la séparation du groupe,
Strummer se
rend au Nicaragua. «J'imaginais que les Sandinistes apprécieraient
qu'un
disque
porte leur nom. Ils n'en
avaient jamais entendu parler! Et les radios ne déversaient que de
la
variété
comme Bananarama.» Sa quête d'intégrité a dû encaisser les coups de
boutoir.
Durant la guerre du Golfe, on l'a contacté pour utiliser, sept ans
après sa
sortie, le tube planétaire des Clash, «Rock the Casbah», dans un jeu
vidéo dont
l'objet était de bombarder des villes arabes. Strummer, qui
fustigeait dans
ses chansons «la rébellion transformée en argent», a d'abord cru au
canular
et, bien entendu, a refusé.
Avec Joe Strummer, c'est un destin qui s'achève, et même le roman
d'une
génération
qui s'accomplit : celui du petit punk, agité, à la voix rauque et
éraillée,
devenu l'icône de la révolte anti-Thatcher, du combat sandiniste,
tout
un état
d'esprit. Joe Strummer, et le Clash, ont poussé le cri et incarné le
style que
nombre des 30-40 ans d'aujourd'hui auraient aimé un jour proférer ou
s'autoriser,
qu'ils se sont parfois d'ailleurs appropriés, ce que l'on pourrait
nommer le
London Calling.
31-12-2002
Le Collectif Bellaciao