La résistance palestinienne, entre lutte armée et non-violence by Ziad Medoukh Monday December 30, 2002 at 06:24 PM |
Lutte armée contre militaires, colons et population israélienne, lutte armée seulement contre militaires et colons, lutte non violente, la résistance palestinienne reflète des mouvances qui sont universelles.
Depuis le début de la deuxième Intifada palestinienne en septembre 2000 jusqu'à nos jours, vu la situation catastrophique dans les Territoires palestiniens, causée par les opérations militaires et les mesures israéliennes contre le peuple palestinien et son Autorité nationale, beaucoup de Palestiniens s'interrogent sur la meilleure façon de résister et de lutter contre la force de l'occupation israélienne qui utilise tous les moyens afin d'arrêter cette Intifada, sans succès.
Par rapport à la première Intifada qui a été plus populaire, cette deuxième Intifada a été marquée par un élément différent et particulier en même temps : la lutte armée contre les soldats et les colons israéliens dans les Territoires palestiniens, et les attentats contre les civils israéliens. Ce phénomène de la lutte palestinienne contre l'occupation israélienne a eu des conséquences politiques, économiques et sociales sur les deux sociétés, palestinienne et israélienne, qui sont en train de vivre une situation dramatique à tous les niveaux.
Les Palestiniens n'ont pas le choix, ils sont convaincus que l'Intifada et la résistance sont les seuls moyens de faire entendre la voix palestinienne au niveau international, et de combattre une occupation qui ne comprend que la voix des armes. Quant aux Israéliens, ils pensent que leur moyens militaires et économiques plus développés vont arrêter l'Intifada palestinienne, et imposer une solution aux Palestiniens. Mais le plus important, du côté palestinien, est que la résistance par tous les moyens, militaires, pacifistes ou d'information, reste la seule façon de lutter contre l'occupation la plus meurtrière de notre époque. Après deux ans d'Intifada, vu la situation actuelle au niveau palestinien, israélien et international, la conjoncture est marquée par des éléments qui donnent la faveur aux hypothèses israéliennes - malgré leur illégitimité - dans sa lutte contre le peuple palestinien.
Si on suit la situation actuelle dans les Territoires palestiniens, surtout après les opérations militaires israéliennes, et la réoccupation israélienne de presque toutes les villes et villages, on peut dire que dans la société palestinienne existent trois tendances de résistance contre l'occupation israélienne.
La première tendance est pour une lutte armée contre tous les Israéliens, y compris les civils qui sont tous - selon cette tendance - de futurs militaires. Elle considère que la lutte armée par les armes, les bombes, les obus de mortier et les attentats contre tous les Israéliens dans les Territoires palestiniens et en Israël peut seule faire fléchir l'occupation israélienne. Cette tendance regagne du terrain dans la rue palestinienne après chaque attaque, agression, riposte et représailles israéliennes contre les Palestiniens. On peut dire que les extrémistes sont les premiers à encourager cette tendance, puisqu'ils s'opposent à tout accord avec les Israéliens, et pensent que toute la Palestine historique doit revenir aux Palestiniens, et que les Israéliens pourront vivre et rester en Palestine, mais sous un État palestinien. Les partis islamistes palestiniens, et les jeunes Palestiniens, sont souvent favorables à cette tendance, qui ne s'intéresse pas aux réactions internationales, et il est difficile de les convaincre d'arrêter les attentats contre les civils israéliens ; au contraire, cette tendance postule que la mort de civils israéliens et l'insécurité dans la société israélienne sont des éléments positifs et sont un indice de l'importance de ces attentats et attaques palestiniens contre tous les Israéliens, qui sont en train de porter leurs fruits au travers de l'instabilité politique et du manque de sécurité au sein de la société israélienne.
La deuxième tendance est favorable à la lutte armée, mais uniquement contre les soldats et les colons israéliens qui se trouvent dans les Territoires palestiniens occupés par Israël en 1967. Elle est opposée aux attaques et aux attentats qui visent des civils israéliens, car ils n'aident pas les Palestiniens dans leur lutte contre la force de l'occupant, en particulier au niveau international, puisque la communauté internationale condamne souvent les attentats palestiniens contre les civils israéliens. On peut dire que les intellectuels et la classe moyenne en Palestine sont pour cette tendance, et se disent favorables à toute solution pacifique avec les Israéliens, si vraiment ces derniers veulent la Paix. La majorité des Palestiniens sont pour cette tendance, qui prend sa légitimité dans le soutien international à la cause palestinienne, et toutes les décisions internationales qui nous donnent le droit de combattre l'occupation par tous les moyens, y compris la lutte armée contre les occupants de nos terres.
La troisième tendance, qui est minoritaire actuellement, mais qui prend une place en plus en plus importante au sein de la société civile palestinienne, prône la non-violence, c'est-à-dire l'utilisation exclusive de moyens pacifiques contre l'occupation israélienne, et contre les soldats israéliens : manifestations, grèves, informations, débats, boycott des produits israéliens, et tous les autres moyens non-violents contre les Israéliens qui occupent nos villes et villages. Cette tendance s'oppose à toute utilisation des armes dans la lutte palestinienne contre l'occupation israélienne, et prend exemple dans l'histoire contemporaine, parmi les personnes et les peuples qui ont réussi à gagner leur liberté et leur indépendance par la non-violence, comme Ghandi, Mandela et l'Afrique du Sud. On peut dire que la situation actuelle en Palestine, mais surtout la violation israélienne permanente des droits des Palestiniens, et les agressions israéliennes qui visent le plus souvent des Palestiniens innocents, sont les principaux obstacles à l'élargissement de cette tendance qui a prouvé son efficacité dans plusieurs pays occupés. Mais en Palestine, elle n'a trouvé ni les moyens nécessaires, ni la conjoncture favorable pour montrer son influence positive au sein de la société palestinienne, et cela provient encore d'un autre aspect très important du conflit israélo-palestinien, qui est que celui-ci n'est ni un conflit local, ni régional, mais international, et que beaucoup d'éléments ont une influence plus en plus importante, comme le rôle de religion dans ce conflit, et l'aspect géographique, sans oublier le problème de l'eau et les intérêts de plusieurs pays dans notre région. Les personnes et les mouvements qui prônent la non-violence comme moyen de combattre l'occupation sont souvent des gens qui luttent pour deux éléments essentiels :
1) pour une vraie démocratie au sein de la société palestinienne, et pour le respect des droits de l'Homme en Palestine ;
2) pour une coexistence pacifique entre les deux peuples, palestinien et israélien, en essayant d'organiser des rencontres et des rapprochements avec les pacifistes israéliens.
À mon avis, les Palestiniens sont aujourd'hui plus conscients de leur situation et de leur avenir ; ils essayent de travailler tous les aspects du conflit avec les Israéliens afin de montrer au monde entier qu'ils sont un peuple qui lutte pour ses droits et pour un meilleur avenir pour tous les peuples de la région. C'est pour cela, je pense, qu'une majorité de Palestiniens sont pour la deuxième tendance, mais cela n'empêche pas un grand intérêt pour la troisième tendance, qui demande avant tout une volonté et des reformes institutionnelles côté palestinien, et un arrêt de toute agression côté israélien, afin d'arriver un jour à instaurer une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. Malgré les différence entre ces trois tendances sur la manière de lutter contre l'occupation israélienne de nos Territoires, le plus important reste que l'ensemble du peuple palestinien reste uni sur la nécessité de continuer la lutte, le combat et la résistance jusqu'à la liberté, l'indépendance et la paix.