Alerte pour le Venezuela by RISBAL Friday December 20, 2002 at 12:49 PM |
risbal@collectifs.net Bruxelles, Belgique |
Le Venezuela se trouve aujourd'hui dans sa troisième semaine de confrontation ouverte provoquée par la tentative de l'opposition «escualida» («rachitique», surnom donné par les chavistes), composée par la Coordination démocratique, la fédération patronale Fedecameras, la bureaucratie syndicale de la CTV et les médias privés. Cette opposition est toujours aussi déterminée à chasser le président Chavez et à arrêter le processus bolivarien. Nous présentons ci-dessous un résumé de la situation et les possibles perspectives.
Alerte
pour le Venezuela Le Venezuela
se trouve aujourd'hui dans sa troisième semaine de confrontation
ouverte provoquée par la tentative de l'opposition «escualida»
(«rachitique», surnom donné par les chavistes), composée
par la Coordination démocratique, la fédération patronale
Fedecameras, la bureaucratie syndicale de la CTV et les médias
privés. Cette opposition est toujours aussi déterminée
à chasser le président Chavez et à arrêter
le processus bolivarien. Nous présentons ci-dessous un résumé
de la situation et les possibles perspectives. Par Andalucia
Libre* Les «
escualidos » Ce qui a
débuté le 2 décembre en se présentant comme
une soi-disante «grève générale» prolongée
n'est en réalité qu'un lock-out patronal de certains
secteurs et entreprises, appuyés par les groupes organisés
par la CTV. Ces secteurs ont reçu l'appui stratégique des
médias privés qui ont émis pendant des jours entiers
et de manière ininterrompue une programmation spéciale destinée
à glorifier, justifier et coordonner le mouvement oppositionnel
en employant de manière abondante toutes les méthodes manipulatrices
et menaçantes possibles et imaginables. Les «escualidos»
se sont rassemblés autour d'une sorte de discours «putschiste-démocratique»
dans lequel, pour résumer, «l'urgence démocratique»
se superpose à l'ordre constitutionnel afin d'éviter le
péril de l'instauration d'un régime «castro-communiste»
(sic) au Venezuela. Là
où ils n'ont pas pu imposer la grève patronale et où
ils en avaient les moyens, ils n'ont pas hésité à
recourir aux menaces, aussi bien contre les travailleurs que contre les
patrons récalcitrants. Après la provocation meurtrière
à Altamira, ils ont appelé à des concentrations massives
et à une série de blocages de routes et de rues (appelés
au Venezuela des «trancazos») à partir de leur base
située dans la zone est de Caracas où se trouvent les quartiers
les plus aisés. A partir de là, ils ont également
organisé des caravanes intimidatrices de motards sur des Harley
Davidson dans l'intention d'occuper les rues et de maintenir leur
présence. La fermeture
de certains commerce a provoqué une désapprovisionnement
partiel en produits de base dans certaines régions du pays. De
même, la décision des banques d'imposer des horaires d'ouverture
réduits et un «corralito» partiel (restrictions dans
les retraits des carnets de dépôt) visaient à provoquer
la démoralisation, l'insécurité et l'insatisfaction.
Mais c'est
assez rapidement que l'on a pu constater que la scène centrale
de l'affrontement se situait en réalité dans l'entreprise
pétrolière nationale PDVSA dans laquelle certains hauts
dirigeants et techniciens ainsi qu'une partie des employés - de
gré ou de force - ont saboté la production pétrolière
(on parle, selon les sources, d'une réduction des deux ou des trois
tiers) dans l'intention de provoquer une pénurie d'essence à
l'intérieur du pays et le non-respect des livraisons à l'étranger
avec tous les coûts que cela peut entraîner pour l'économie
nationale. Des officiers
commandant des navires pétroliers de la PDVSA ont purement et simplement
séquestré leur bâtiments en menaçant de provoquer
des catastrophes écologiques en cas d'intervention. La distribution
de gaz a également été substantiellement perturbée,
ce qui a affecté le bon fonctionnement des entreprises sidérurgiques
et d'aluminium qui se trouvent à Guayana. L'opposition
- qui ne manque pas de moyens financiers - compte avec l'appui de la magistrature
- qui avalise ses actions - et de certains corps policiers au niveau local
et des États. Elle maintient une activité permanente de
mobilisations diverses en appelant pour les prochains jours à une
«marche sur Miraflores» (le palais présidentiel). Si l'usage
d'armes à feu n'a pas encore été fait de manière
importante, il circule quantité de rumeurs et de dénonciations
sur le sujet. Au cours de la crise, les «escualidos» ont bénéficié
de l'attitude officiellement favorable à leur égard de la
part des États-Unis, qui ont notamment demandé des élections
anticipées et ensuite une procédure anticipée de
référendum révocatoire présidentiel. L'ex-président
colombien Gaviria, qui exerce les fonctions de représentant de
l'OEA (Organisation des États Américains) à Caracas,
a agi comme un protecteur vigilant de l'opposition et bien qu'il déclare
souhaiter une issue rapide et négocier, s'accorde substantiellement
avec ses exigences. Les bolivariens Des secteurs
des masses bolivariennes, organisés et structurés de manière
spontanés, ont répondu à l'offensive putschiste par
l'organisation de concentrations permanentes, de manifestations massives
et par une activités constante. Les masses ont contribué
à maintenir en activité bon nombre d'entreprises et de services
tout en assurant une telle présence dans les rues. Iil est désormais
clair de l'importance de l'appui populaire dont bénéficie
le gouvernement de Chavez. Chaque initiative des "escualidos"
a eu sa réplique, à une échelle plus grande, des
bolivariens. Des manifestations de protestation ont également eu
lieu face aux médias privés contre leur manipulation des
informations et leurs appels putschistes. La Force
armée nationale (FAN) est intervenue de manière limitée
dans l'entreprise PDVSA afin d'y protéger les bolivariens et de
récupérer le contrôle d'un pétrolier piraté
par son capitaine. On peut affirmer
que ces derniers jours, le processus bolivarien a connu une double impulsion.
D'une part, des secteurs populaires de base, des cercles bolivariens et
une grande diversité d'organisations de gauche, politiques, sociales,
syndicales, étudiantes ou activistes telles que Option de Gauche
Révolutionnaire (OIR), les organisations populaires de Caracas
qui viennent de se constituer dans une structure unifiée, le
Bloc Syndical de Classe et Combatif, la Force Bolivarienne des
Travailleurs (FBT) et du Mouvement des Travailleurs Bolivariens
(MBT) et une quantité d'autres, se sont mobilisés dans tout
le pays pour structurer et organiser la résistance. Par exemple,
les ouvriers du zoning sidérurgique et d'aluminium de Guayana (dans
l'État de Bolivar), ont été jusqu'au site d'Anaco
pour exiger la réouverture de la distribution de gaz afin d'empêcher
l'arrêt de leur entreprises. Cette action a été faite
la semaine dernière et a donné des résultats puisque
plus de 50% de la distribution de gaz y a été rétablie.
De plus,
tous ces secteurs en lutte ont parallèlement demandé au
gouvernement qu'il utilise ses ressources afin de mettre un terme à
l'impunité dont ont bénéficié jusqu'à
présent les putschistes; le contrôle public et populaire
des médias privés et des banques; l'expulsion des technocrates
de la PDVSA qui ont saboté leur propre entreprise (une entreprise
qui englouti près de 80% de ses revenus et ne laisse que les 20%
restant à l'État) et plus généralement l'application
effective et immédiate des lois en vigueur ou approuvées
contre la conspiration putschiste. A partir
de leurs spécificités diverses, ces secteurs partagent un
même discours combatif dans lequel la radicalité démocratique
et la conscience de classe cohabitent avec un fort sentiment de dignité
nationale et anti-impérialiste. Il y a également une attitude
vigilante contre toute tentative de marchandage avec l'opposition en se
basant sur le fait que la Constitution bolivarienne est un cadre non-négociable. On peut affirmer
que la majorité de la population continue à considérer
le président Chavez comme le pivot et le symbole du processus,
même lorsque certains manifestent leur insatisfaction envers ce
qui est vu comme une attitude de prudence excessive de sa part. On peut
trouver de manière abondante un reflet de ces diverses expressions
et positions sur des sites web bolivarien de référence tels
que Aporrea ou Antiescualidos. D'autre part,
des mandataires publiques et institutionnels ainsi que certains secteurs
politiques bolivariens se sont prononcés - comme le Vice-président
Rangel ou le président de l'Assemblée nationale - d'une
façon qui ne rejette pas toute forme de concessions envers l'opposition
dans le but d'atteindre un accord qui prétendrait donner une issue
électorale au conflit (bien qu'en restant dans le cadre de la Constitution
bolivarienne). Ces concessions iraient jusqu'à inclure la possibilité
d'appuyer à l'avenir des réformes et des amendements constitutionnels.
Sur la chaîne nationale publique VTV-RNV sont transmis des appels
constants à la fraternité entre Vénézuéliens,
des messages de Noël pacifistes et des rappels sur la spécificité
identitaire des Vénézuéliens en Amérique latine
vus comme étant pacifistes. D'autres
secteurs de cette tendance conciliatrice, qui participent également
aux mobilisations, soulignent la nécessaire unité bolivarienne.
Ils pensent qu'il s'agit de patienter en attendant l'épuisement
de l'opposition et son isolement tout en faisant confiance à la
loyauté institutionnelle des forces armées jusqu'au mois
de janvier où entreront en vigueur des lois clés. Il y a
ici, de manière confuse, un mélange entre ceux qui comprennent
la prudence comme une tactique et ceux qui, d'autre part, considèrent
que le respect de la magistrature - même lorsqu'elle est notoirement
corrompue - des médias ou des hiérarques de la PDVSA, sont
des objectifs pratiques cohérents avec les limites stratégiques
qu'ils donnent au processus bolivarien. Ce secteur fait une lecture positive
de l'ambiguë résolution de l'OEA, ce qui est également
le cas pour une partie de l'opposition «escualidos». Chavez, de
son côté, a combiné les dures dénonciations
de l'opposition et des médias privés en particulier, et
l'appui aux mobilisations préventives bolivariennes, entrant ainsi
en partie en syntonie avec les premiers secteurs bolivariens évoqués
plus haut, tout en menant une politique institutionnelle très retenue,
ponctuelle et mesurée, qui cadre bien avec le schéma politique
du second secteur évoqué ici. Il a également
affirmé qu'il ne renoncerait pas à la présidence
sous la pression, bien qu'il reconnaît qu'il pourrait le faire au
cas où il se retrouverait face à une situation d'urgence
nationale. En termes vénézuéliens, cette situation
s'assimile avec une paralysation totale de PDVSA. De là l'importance
des déclarations sur le caractère inadmissible de la tentative
de paralysie de cette entreprise faites par le chef des FAN, le général
Garcia Montoy. Au niveau
international, le processus bolivarien a reçu de nombreuses marques
de solidarité de la part des forces de gauche, avant tout en Amérique
latine. Mais sur le terrain gouvernemental, mis à part l'appui
inconditionnel de Cuba, il est particulièrement frappant de constater
que le récent président équatorien, Lucio Gutierrez
s'est contenté d'une demande de «dialogue» et que Lula,
président du Brésil, dont l'opinion serait extrêmement
importante, n'a fait aucune déclaration - sauf erreur de notre
part - et s'est limité à envoyer un de ses conseillers à
Caracas, également pour «faciliter le dialogue gouvernement-opposition».
L'Union européenne - qui s'auto-proclame tant de fois comme un
«exemple démocratique pour le monde» - maintient pour
sa part un silence complice. La situation En ce moment-ci,
on peut dire que l'opposition «escualida» n'est parvenue ni
à renverser le gouvernement, ni à prendre le contrôle
de la rue et encore moins à mener une grève généralisée,
que ce soit au niveau national ou simplement à Caracas. On peut
sans doute affirmer qu'elle n'a pas gagné de nouvelles bases sociales
mais qu'elle a au contraire perdu des plumes. Mais la base sociale qu'elle
conserve est désormais encore plus enragée. Elle parvient
ainsi à assurer une mobilisation continue et, grâce à
l'impunité, continue à donner des coups sévères
à l'économie vénézuélienne (à
travers PDVSA surtout), ce qui maintient ouverte la possibilité
d'une crise gouvernementale. Des déclarations
officielles ont fait état du fait que le Venezuela pourrait être
réduit à importer du pétrole pour sa consommation
interne, un scénario qui, s'il devait s'exécuter, aurait
des effets démoralisateurs. Il ne faut pas non plus sous-estimer
les effets démoralisateurs de l'impunité: un ingénieur
bolivarien de PDVSA a témoigné récemment en décrivant
comment des gérants de cette entreprise, après en avoir
ouvertement saboté le fonctionnement, continuent à jouir
ostensiblement de leurs privilèges, non seulement en termes de
salaires élevés, mais également des avantages matériels
annexes, ce qui donne l'image, pour les travailleurs, de leur permanence
tandis que le gouvernement bolivarien ne serait qu'un intermède.
Vu de l'extérieur,
il est également frappant de constater l'abondance des nouvelles
sur la hausse des fatigues psychiques, des dépressions et des crises
d'anxiété provoqués par la situation, par la programmation
des télévisions «escualidas» ainsi que par les
articles répétés qui offrent une analyse de la crise
politique et sociale en termes psychologique et sémiotiques. Un éditorial
récent du New York Times reproduit dans la presse vénézuélienne,
semble confirmer les craintes qu'une intervention militaire directe des
États-Unis peuvent être écartés, du moins tant
que les installations pétrolières ne sont pas menacées
de destruction. Il est, par
ailleurs, impossible d'affirmer que la multitude de facteurs planifiés
ou spontanés en jeux - tension prolongée, provocations -
dans un pays qui n'est miraculeusement pas encore la proie des flammes,
ne puisse connaître une escalade dans l'affrontement violent dont
l'origine pourrait être multiple et prendre des formes infinies
(disputes dans la distribution d'essence ou de nourriture, à la
porte des banques, dans les rues, à l'intérieur ou à
l'entrée des entreprises ou des médias, querelles familiales,
entre manifestations adverses, dans les casernes, etc.). Il reste également
l'inconnue des FAN et de forces policières telle que la DISIP (sorte
de Sûreté de l'État, NDLT) qui sont présentés
comme bolivariennes, ce qui n'empêche pas que des noyaux bolivariens
s'organisent en son sein en cas d'une issue anti-constitutionnelle. En résumé,
les «escualidos» sont loin d'avoir gagné mais ils ne
sont pas mis en déroute, entre autres raisons quantitatives et
qualitatives parce que les paramètres pour mesurer leur forces
et leurs possibilités sont distincts de ceux des bolivariens. Il faut également
souligner l'impression que, malgré toute sa force de frappe, cette
opposition serait réduite en miettes sans grandes difficultés
si le gouvernement bolivarien et le président Chavez décidaient
de passer de la défensive à l'initiative en affrontant avec
détermination, en brisant l'impunité dont elle jouit, en
utilisant toutes les ressources légales et institutionnelles existantes
et en prenant appui sur le soutien populaire. Le problème semble
être que, ni d'un côté, ni de l'autre - comme si chacun
semblait savoir où une telle dynamique pourrait conduire le Venezuela
- ils ne semblent disposés à prendre ce chemin. D'un autre
côté, les secteurs radicaux bolivariens - que nous pourrions
appeler de gauche bolivarienne -, bien qu'ils semblent améliorer
leur organisation, n'ont pas non plus clairement définis leur rôle
au-delà d'une combinaison - à des degrés divers -
de critique, d'appui ou d'exigence mais sans que, jusqu'à présent,
cela ait donné lieu à des expériences de substitution
ou d'imposition par la voie de l'initiative populaire de mesures que le
gouvernement n'a pas prises. Avec toutes
les réserves nécessaires imposées par l'exercice
de comparaisons historiques - habituellement simplificatrices et injustes,
bien que pédagogiques - il faut dire que si Chavez ne veut pas
devenir un Fidel Castro, il ne veut pas non plus être un Peron.
Il faut finalement
ajouter que les efforts de suivi et de solidarité extérieurs
avec le Venezuela bolivarien sont toujours aussi urgents et nécessaires,
et tout particulièrement - pour des raisons clairement spécifiques
- dans l'État espagnol et au Brésil. C'est là une
tâche importante pour la gauche du PT. * Andalucia
Libre est un mouvement andalous pour l'indépendance, le socialisme
et le féminisme andalous. Traduction:
Ataulfo Riera