arch/ive/ief (2000 - 2005)

Thèses pour la construction d'une gauche européenne alternative
by Fausto Bertinotti Wednesday December 18, 2002 at 06:24 PM
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Nous savions jusqu'à quel point la crise de la politique était l'une des conséquences spécifique de la globalisation capitaliste. Nous savions, de plus, qu'en elle confluait le dénouement de la grande et dramatique épopée du XXe siècle. C'est sur cette connaissance que nous avons donné ses bases à l'idée de la refondation

1. Nous savions jusqu'à quel point la crise de la politique était l'une des conséquences spécifique de la globalisation capitaliste. Nous savions, de plus, qu'en elle confluait le dénouement de la grande et dramatique épopée du XXe siècle. C'est sur cette connaissance que nous avons donné ses bases à l'idée de la refondation.

2. L'analyse critique des nouvelles formes concrètes d'aliénation et d'exploitation du travail salarié, de ses modifications et de l'extension du champ où elles opèrent nous ont amené à comprendre dans un sens plus radical le terme de "refondation communiste".

3. Les nouvelles formes d'organisation du pouvoir à l'échelle mondiale prennent la place des Etats-nations, des anciennes souverainetés, des systèmes d'alliances, de l'ordre mondial hérité de la victoire contre le fascisme et de la Guerre froide. Ces derniers n'ont pas été aboli mais bien transfigurés par la nouvelle chaîne de commandement qui atteint le monde entier. Le problème de la transformation de la société capitaliste ne peut se poser que dans un cadre mondial. Tel est le fondement pour une renaissance de la politique.

4. La naissance et le développement du mouvement de critique contre la globalisation est à l'origine d'un phénomène de valeur stratégique. Ce phénomène se doit d'être interprété à la lumière d'une relance du conflit social et du Travail et des autres expériences de participation conflictuelle. La refondation communiste peut compter ici sur son principal recours. Ce recours, cependant, n'est pas illimité.

5. La guerre infinie et indéfinie trouve dans la doctrine Bush sa terrible et organique déclaration d'intention et dans le gouvernement étasunien son maillon le plus fort dans la chaîne des pouvoirs du nouvel ordre impérial. La "guerre des civilisations" n'est rien d'autre que le masque sous lequel se déploie pleinement la globalisation capitaliste avec son caractère intrinséquement régressif.

6. Le nouveau mouvement pour la paix doit pouvoir se donner l'objectif de mettre en échec la guerre de la globalisation capitaliste en combattant tout le système de guerre à l'échelle mondiale. Le caractère extrême de cette guerre produit beaucoup d'oppositions, de résistances et de dissenssions, y compris au sein des Etats et des gouvernements. Le mouvement doit s'appuyer activement sur ces contradictions sans pour autant croire qu'elles pourront à elles seule arrêter le processus. Seule la croissance quantitative, qualitative, sociale, politique et culturelle du mouvement lui-même pourra le faire. Cette croissance peut dévoiler la connexion entre le modèle social néolibéral et la guerre de la globalisation et ainsi, oeuvrer à une alternative de modèle de société. La renaissance de la politique passe par la lutte contre la guerre et pour la paix. S'il n'y a pas de paix sans justice, il ne pourra y avoir de justice sans paix.

7. Au sein de la politique mondiale, l'Europe est, pour nous, la dimension minimale nécessaire pour la renaissance d'une politique des classes dominées. Le destin de cette dernière et la possibilité même d'exercer une rôle protagoniste passent par la participation dans la construction d'une issue à la crise de la politique. La conquête de la paix et la transformation de la société capitaliste actuelle seront les terrains, reliés entre eux, de cet objetif. L'Europe est son théâtre minimal, inséparable du reste du monde.

8. L'Europe est, cependant, un cas parmi d'autres de la globalisation capitaliste en général. L'Europe n'existe pas politiquement. Elle n'est pas une réalité géopolitique autonome ni une expérience originale de démocratie et de gouvernement. Le fondement de sa construction (malgré les cultures qui l'ont enrichie et malgré son extraordinaire expérience de la politique comme expression du conflit entre les classes) s'inspire du modèle social dominant de la globalisation et il est pour cela de moins en moins européen. Mais les anciennes cultures européennes et les extraordinaires expériences politique de l'Europe recèlent encore aujourd'hui une possibilité. Ces dernières peuvent et doivent êtres mises en relation avec un mouvement qui marque notre temps. Le saut du tigre est possible et nécessaire.

9. Nous savions que les deux grandes vagues durables et opposées qui sont l'expression des nouveaux processus mondiaux, à savoir la globalisation capitaliste d'une part et le mouvement qui propose qu'un autre monde est possible (et nécessaire) d'autre part, mettent en crise l'hypothèse réformiste (mais pas toujours nécessairement les organisations qui s'en réfèrent). L'échec de la dernière tentative réformiste, celle du centre-gauche, aux Etats-Unis comme en Europe, a contribué à l'élection, au cours de la seconde phase de la globalisation, de forces de droite comme forces gouvernementales.

10. La crise, comme la guerre, font partie constituante de la seconde globalisation. La précarité et l'incertitude ne touchent pas seulement de plein fouet le travail et la vie de la population en général, elles affectent également l'économie et le développement capitaliste lui-même. L'instabilité et l'incertitude sont la clé du contexte général et de classe du capitalisme d'aujourd'hui. La crise historiquement récente de la politique entre en collision avec la crise longue de civilisation, caractérisée par la séparation tendentielle entre l'innovation scientifique et technologique et le progrès social. C'est dans ce cadre que s'approfondit la crise de la démocratie.

11. Nous devons tenir en compte le fait que la crise de la gauche réformiste en Europe occidentale, mise en évidence par le récent cycle électoral global, est dans son plein développement et elle ne vient pas seule. Elle s'approfondit et au lieu de trouver des solution à la crise, en Europe comme dans tous les pays, elle produit une divergence: d'un côté la thèse de la "gouvernabilité" propose un ordre néo-centriste qui poursuit la globalisation et le modèle étasunien tandis que d'un autre côté, la recherche d'un nouveau "souffle" réformiste met sous tension critique cette thèse avec la tendance lourde. L'instabilité et l'incertitude frappent également la gauche réformiste. Elle ne peut être considérée comme une réalité substantiellement modifiable.

12. Nous devons prendre en compte le fait que la crise de la gauche réformiste et social-démocrate rend caduque toute possibilité pour les forces communistes de se définir en relation avec elle. L'idée que, à partir d'une identité historique héritée du passé, ont peut construire une phase de transition dans la recherche d'une alliance gouvernementale avec les réformistes a été frappée à mort au cours de ce cycle. Mais la sauvegarde ne s'atteint pas non plus par le seul contraste avec la social-démocratie. En réalité, ce nous venons d'apprendre, c'est que la crise de la social-démocratie, face à la globalisation, s'accompagne d'une crise des formations communistes traditionnelles. "Simula stabunt, simul cadent". Nous savions que la refondation est nécessaire pour reconstruire une perspective révolutionnaire. Maintenant, nous nous rendons compte qu'elle est nécessaire pour exister.

13. La base du changement est, ainsi, la construction d'un nouveau mouvement ouvrier. L'Europe est l'un des lieux chargés de cette nouvelle construction du sujet de la transformation capitaliste pour les années 2000. Il est, obligatoirement, notre lieu prioritaire d'action.

14. La construction, en Europe, d'une gauche d'alternative comme protagoniste politique du nouveau cycle est une question décisive pour l'issue générale de la confrontation. Le caractère plural des mouvements sociaux exige un sujet politique capable, de par sa propre composition, d'entrer en dialectique avec eux dans le cadre d'un projet de construction d'un "autre monde possible". La crise de la politique requiert de sortir de cette dernière au travers de la fondation d'une nouvelle relation entre la politique de gauche, le conflit social et la société civile. Refondation communiste est une condition nécessaire, mais insuffisante, pour cette dernière redifinition. Dans le contexte de la construction d'une gauche alternative européenne, la refondation communiste peut gagner un nouvel horizon impulseur et contribuer à la naissance de la subjectivité politique nécessaire pour rendre crédible l'objectif d'une autre Europe. Une Europe autonome, ouverte sur le monde, porteuse d'un modèle social et politique différent de celui de la globalisation capitaliste.

15. Les forces représentées au sein de la Gauche Unies européenne et les forces politiques qui se situent en Europe à la gauche de l'Internationale socialiste sont appelées à cette tâche afin de sortir de la minorité. Mais la gauche d'alternative ne peut naître sur un discriminant de géographie politique. Ses seuls disciminants sont la l'opposition radicale à la guerre et l'abandon de toutes les politiques néolibérales. Son intervention prioritaire est au sein des mouvements sociaux de lutte et de notre temps afin de construire une alternative de société. Sa raison d'être est la réforme de la politique su elle veut la rendre de nouveau efficace l'action collective et faire renaître la politique elle-même. Pour cela, la nouvelle subjectivité européenne doit pouvoir faire cohabiter de manière égale les partis et les organisations sociales, politiques et culturelles distinctes des partis. La gauche d'alternative pour opérer la transformation, doit se transformer elle-même dans le sens de la participation, du pluralisme, de la valorisation des différences et de l'auto-gouvernement.

Fausto Bertinotti, Secrétaire général du Parti de la Refondation communiste (Italie)