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Venezuela: Pourquoi l'opposition veut renverser Chavez maintenant!
by RISBAL Wednesday December 11, 2002 at 04:23 PM
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Le gouvernement constitutionnel d'Hugo Chavez affronte la quatrième tentative de renversement en huit mois de temps. Le coup d'Etat manqué du 11 avril dernier a initié une chaîne ininterrompue de "grèves du travail" ou de "grèves civiques", toutes programmées avec des éléments de violences physiques et de manipulation médiatique.

Pourquoi l'opposition veut renverser Chavez maintenant!

Par Heinz Dietrich Steffan, Rebelion, 07.12.02.

Le gouvernement constitutionnel d'Hugo Chavez affronte la quatrième tentative de renversement en huit mois de temps. Le coup d'Etat manqué du 11 avril dernier a initié une chaîne ininterrompue de "grèves du travail" ou de "grèves civiques", toutes programmées avec des éléments de violences physiques et de manipulation médiatique.

Ce haut degré d'activités conspiratrices contre la démocratie vénézuélienne semble apparemment paradoxal. En effet, la Constitution bolivarienne de 1999, issue d'une Assemblée constituante et approuvée via un référendum constitutionnel par une écrasante majorité de citoyens est, sans nul doute, la plus démocratique de toute l'Amérique latine. Elle prévoit ainsi entre autres la révocabilité des mandataires publics élus, et ce à tous les niveaux. Son article 72 stipule que "toutes les charges et magistratures désignées par une élection populaire sont révocables" à la moitié de la période pour laquelle ces fonctionnaires ont été élus.

La possibilité d'application de cet article pour le président Chavez se présentera au mois d'août 2003. Il pourrait donc être à cette date, en accord avec la Constitution, démis de ses fonctions au travers d'un référendum révocatoire. Autrement dit, il existe une voie parfaitement légale et institutionnelle pour provoquer une éviction du premier mandataire - ce qui, selon leurs déclarations publiques, est l'objectif des actions actuelles de l'opposition - tout en respectant et en protégeant la vie des citoyens, et en accord avec le principe d'un régime démocratique où ce sont eux qui décident de manière civique de la composition du pouvoir.

Le président Chavez a par ailleurs affirmé publiquement qu'il se soumettrait à cet instrument constitutionnel sous le contrôle de médiateurs internationaux tel que le Secrétaire général de l'Organisation des Etats Américains (OEA), César Gaviria, qui, entre-temps, insiste sur le fait que la voie pour résoudre les problèmes du pays ne peuvent passer que par des mécanismes institutionnels. Malgré tout cela, dans les faits, l'opposition n'a que faire de ces dispositions légales inscrites dans la Constitution puisqu'elle privilégie une solution extra-constitutionnelle basée sur la violence urbaine.

On est donc en droit de s'interroger: pourquoi l'opposition ne peut pas attendre huit petits mois pour essayer d'atteindre son objectif via des voies pacifiques et constitutionnelles? Ou en posant la question autrement: quelle est l'urgence qui les fait agir d'une telle manière aujourd'hui, à travers la propagation du chaos, de désordres, voir même d'un coup d'Etat, avant la période d'août 2003?

Les raisons d'une telle attitude sont évidentes et elles peuvent être résumées en trois points.

Premièrement, depuis le coup d'Etat manqué du 11 avril, les conspirateurs se sont affaiblis à deux niveaux:

  1. ils ont perdu beaucoup de cohésion et d'unité interne suite aux disputes qui les ont déchiré au cours de leur bref passage au pouvoir;
  2. ils ont également perdu une partie importante de leur base sociale constituée essentiellement dans les classes moyennes. Les 24 heures où les conspirateurs ont exercé le pouvoir pendant le coup d'Etat d'avril ont suffit pour faire prendre conscience à des secteurs des classes moyennes qu'elles n'étaient que de la vulgaire "chair à canon" dans un projet de régime dictatorial au service des transnationales. Les "grèves civiques" déchaînées qui ont suivi n'ont fait qu'approfondir l'érosion de légitimité de la "camarilla" conspiratrice, appuyé de l'extérieur par Otto "Troisième" Reich (responsable US pour l'Amérique latine) et le franquisme recyclé (du gouvernement Aznar).

La seconde raison de la précipitation des conspirateurs est l'entrée en vigueur de lois importantes à partir du 1er janvier 2003 et qui touchent aux intérêts vitaux de l'élite économique. Parmi ces lois se trouvent la Loi des Terres qui affectera non seulement les grands propriétaires terriens dans les campagnes mais également les spéculateurs immobiliers dans les zones urbaines. La Loi des Hydrocarbures est sans doute plus importante encore car elle permettra de démanteler la nomenklatura corrompue actuellement à la tête du proto-Etat constitué par l'entreprise pétrolière nationale PDVSA.

Aujourd'hui, à peine 20% des revenus de cette entreprise géante arrivent dans les caisses de l'Etat: les 80% restants sont engloutis par les "frais opérationnels" et une bonne partie sert en réalité à alimenter des caisses secrètes de hauts responsables. Le pouvoir de cette bureaucratie pétrolière s'est progressivement amplifié au cours des dernières décennies. En 1974, l'entreprise versait 80% de ses revenus à l'Etat et se contentait des 20% restants. En 1990, la proportion est passé à 50-50% et en 1998 elle atteignait la proportion actuelle de 80-20%. Il est donc logique que ces dirigeants veulent se battre - jusqu'à la mort économique du pays s'il le faut - pour défendre leurs privilèges issu de l'or noir.

La troisième raison de l'impatience des conspirateurs est tout simplement qu'ils doutent de pouvoir remporter un référendum révocatoire. L'article 72 prévoit en effet trois conditions pour révoquer le mandat présidentiel.

  1. Un chiffre de 20% minimum des électeurs est requis dans la circonscription électorale correspondante afin de solliciter la procédure du référendum révocatoire.
  2. La participation au référendum révocatoire doit être égale ou supérieure à 25% du corps électoral inscrits.
  3. Le nombre d'électeurs qui votent en faveur de la révocation du mandat doit être égal ou supérieur au nombre d'électeurs qui avait donné son mandat à l'élu. Comme Chavez a été élu par 57% des voix, l'opposition devrait donc égaler ou dépasser ce score lors du référendum d'août 2003.

Il existe également une quatrième motivation à agir vite pour les conspirateurs. La Constitution établit que, pendant la période pour lequel l'élu a été électoralement mandaté, il ne pourra être réalisé plus d'une demande de référendum révocatoire. Ainsi, un échec éventuel d'un référendum révocatoire présidentiel épuiserait toutes les possibilités institutionnelles de destituer le gouvernement bolivarien.

Dans la phase actuelle du conflit, la nomenklatura de la PDVSA et les médias de masse privés sont les deux fronts de batailles internes où se décide le destin de l'expérience bolivarienne. Après avoir perdu leur noyau dur au sein des forces armées et une partie de leur base sociale dans les classes moyennes, la bataille décisive se livre dans ce que la subversion patronale désigne comme "la grève active avec un ingrédient d'essence", soit le contrôle de l'entreprise pétrolière nationale.

La mise en échec de cette tentative d'étranglement énergétique ouvrirait la voie à la destitution de la direction de la PDVSA et la pleine et entière récupération de cette entreprise aux mains de la nation. C'est à cette aune que l'on devra mesurer l'échec ou la victoire du gouvernement Chavez. Toute tentative de temporiser avec les conspirateurs ne peut, en ce moment, que maintenir en vigueur le noyau dur économico-syndical de la contre-révolution et affaiblir en retour le processus populaire.

Vaincre la conspiration avec des méthodes légales mais fermes, opportunes et audacieuses, réduira l'hydre interne à une seule tête: celle de la pieuvre médiatique. La politique menée par cette pieuvre s'explique de par de multiples intérêts économico-politiques de grande envergure. Une attention particulière doit être donné au quarteron d'opposants composé par Carlos Andres Perez (ex-président), Gustavo Cisneros (magnat de la presse), Jesus Polanco (propriétaire du groupe de presse espagnol El Pais) et Felipe Gonzales. Mais c'est un thème qui sera traité dans une autre analyse.

*Traduction: Ataulfo Riera.

Article original : ¿Por qué la urgencia de los golpistas venezolanos?