arch/ive/ief (2000 - 2005)

Ouverture d'un nouveau squat à Liège : Interview du propriétaire
by Arnaud Wednesday December 04, 2002 at 03:40 AM
arnaudleblanc@swing.be

Julien Pellis est le propriétaire, au nom de son entreprise du bâtiment du 476, rue St. Léonard. Averti en fin d'après-midi de l'occupation, il a rapidement fait une descente en Mercedes sur les lieux pour mesurer de visu la situation. Comme on pouvait s'y attendre, il n'est pas très réjouis par l'activité soudaine de sa propriété.

Arnaud : Vous êtes le représentant du propriétaire ?

Julien Pellis : Ben, le propriétaire finalement.
Mon nom est Julien Pellis, directeur de la Sorasil (ndr : l'orthographe du nom du propriétaire et de sa société est plus qu'approximative, désolé), la Sorasil est chargée de procéder à l'assainissement du site situé au 476 de la rue St. Léonard et nous avons été avisés, il y a à peu près une demi heure que les lieux avaient été investis par (hésitation) un groupe de personnes et qu'ils tentaient d'y rester. Donc, ce qui est complètement impensable dans la mesure où ces lieux ne sont pas équipés en habitat, qu'ils ne sont pas pourvus d'eau, de gaz, d'électricité, de chauffage, du minimum vital et que par conséquent il est impensable, il est inhumain de laisser ces personnes dans les lieux.

A : Ce lieu servait à quoi avant l'occupation ?

J. P. : Ce lieu, il n'y avait rien, il était en attente d'être assaini, d'être complètement démoli et d'être réaffecté en zone d'activité artisanale.

A : Ca fait combien de temps qu'il n'y a plus d'activité ?

J.P. : Ecoutez, de mémoire, je crois que les activités, ici, ont cessé le 30 juin 1998.

A : Avant, qu'est-ce qu'il y avait ici ?

J.P. : Avant, c'était une entreprise qui était active dans le secteur de l'électricité, dans le secteur de la régulation et des machines statiques et des machines tournantes.

A : Maintenant que vous avez constaté l'occupation, je vois que vous avez appelez la police…

J.P. : Non, la police est venue spontanément mais j'étais en discussion avec ces messieurs, je leur faisait comprendre que je ne souhaitais pas de voir poursuivre cette occupation parce qu'elle est inhumaine, elle est indigne de notre époque et que dès demain matin j'allais prendre contact avec tant les autorités de la ville de Liège que le CPAS pour essayer tant bien que mal de trouver une solution à ces personnes.

A : Quelle genre de solution peut-on imaginer ici ?

J.P. : Ecoutez, il y a d'autres logements qui sont peut-être mieux équipés et qui pourraient accueillir provisoirement ces personnes-là. Il y a des lieux publics qui peuvent être éventuellement aménagés pour accueillir ces personnes-là mais cette maison-ci, enfin ce bâtiment n'est pas équipé pour servir d'habitat.

A : La revendication des occupants est justement qu'il n'y a pas de logements sociaux à l'approche de l'hiver pour les personnes sans-abri. C'est la raison de leur venue ici. Est-ce que vous croyez qu'il y a moyens de trouver une solution avec la ville de Liège, un autre acteur pour régler le problème ou pensez-vous simplement qu'il faut vider les lieux ?

J.P. : Ecoutez, moi je pense que ce sont des conditions d'utilisation inhumaines, indignes de notre époque et qu'il faut d'abord vider les lieux et trouver une solution pour ces personnes avec les autorités communales, avec le CPAS, avec toutes les bonnes volontés qui existent.

A : Il y a plusieurs sans-abri dans cette occupation. Et ces personnes sont contentes de ce logement qui par rapport à la rue est beaucoup plus humain, malgré les déficiences de l'installation actuelle. Penser-vous qu'il y aurait moyens de trouver une solution à l'amiable ?

J.P. : Je ne pense pas dans la mesure où dans quelques semaines, si pas quelques mois, les bulldozers seront ici pour démolir les bâtiments. Il n'est pas possible, il n'est pas envisageable qu'ils s'installent ici. Donc, il n'y a pas pérennité des bâtiments. Dans 2 mois, dans 2 mois et demi, les grues seront là.

A : Avant aujourd'hui, c'était prévu quand l'arrivée des grues ?

J.P. : Ecoutez, pour moi, c'est imminent. Dès que nous avons un certain nombre d'accords que nous attendons, nous allons procéder à l'assainissement. Nous sommes ici propriétaire depuis 2 ans et toute la procédure est lancée pour pouvoir procéder à l'assainissement de ce lieu, de cet espace.

A : Les accords sont des accords avec la ville de Liège ou des accords autres ?

J.P. : Non, c'est avec la région wallonne qui a prévu de procéder avec nous à l'assainissement de ce site. Comme elle l'a déjà fait avec le site voisin. Et nous allons poursuivre par l'assainissement de ce bâtiment-ci qui sont, je le rappelle, des bâtiments industriels, et non pas des logements.

A : Dans le cas où les personnes sont très " motivée " à rester sur place, est-ce que vous allez aller jusqu'à demander leur éviction ?

J.P. : Ecoutez, c'est une question très difficile. Nous allons d'abord essayer de trouver une solution de manière à ce qu'ils soient logés d'une manière digne et qu'ils soient remis dans leur dignité.

A : J'imagine que cette situation ne vous plait guère, …

J.P. : Pas du tout ! Pour eux, pour eux… Parce que je n'arrive pas, en tant qu'homme…

A : Mais eux ils y sont très contents, c'est mieux que ce qu'ils avaient avant. Pour eux, c'est une avancée…

J.P. : Oui, c'est peut-être une avancée mais c'est inadmissible de voir que des gens soient encore à la rue et recherchent de l'habitat et squattent comme cela avec les dangers que cela peut présenter pour l'environnement et pour eux même finalement.

A : Demain matin, vous allez rencontrer les autorités, est-ce que vous allez leur demander de prendre en compte cet aspect social ou alors allez-vous rester dans votre rôle et vous allez seulement demander aux autorités de " faire leur devoir " ?

J.P. : Ben, je crois qu'il faut faire l'ensemble. Il y a déjà la loi Onkelinx qui existe, donc il y a un certain nombre de logements qui sont inoccupés. Au moins, qu'on occupe ces logements qui, si ils sont inoccupés sont quand même raccordés à l'eau, à l'électricité, enfin au minimum vital et ça permettrait à ces personnes de passer un cap aussi difficile que celui de l'hiver. Mais ici, c'est malheureusement pas possible.

A : Ce serait dommage d'éjecter ces personnes pendant l'hiver, c'est ça le problème. Il y a justement une loi récente qui interdit d'expulser des personnes pendant l'hiver. Croyez-vous que ça pourra attendre le printemps ?

J.P. : Non, je vous dis que dès que nous avons toutes les autorisations, nous allons procéder à la démolition du bâtiment qui je le rappelle sont des bâtiments industriels et ne sont pas des logements sociaux, et tout simplement, ne sont pas des logements.