La ZLÉA partie prenante de la stratégie impériale ou la ZLÉA vue des États-Unis by RISBAL Saturday November 30, 2002 at 12:14 PM |
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Analyses du prof d'université et spécialiste de l'Amérique latine James Petras sur la Zone de Libre Echange des Amériques.
La
ZLÉA partie prenante de la stratégie impériale Les conversations
et les entrevues des hommes d'affaires et des banquiers de Wall Street,
les opinions des éditoriaux de la presse financière et des
représentants du gouvernement de Washington et la lecture de revues
économiques et des documents publics nous indiquent que la ZLÉA
jouit d'un appui enthousiaste et quasi unanime aux États-Unis.
L'AFL-CIO, la confédération syndicale, qui est virtuellement
impuissante, cherche à imposer des tarifs sur les exportations
latino-américaines pour protéger les travailleurs américains.
Hormis quelques groupes d'affinité liés aux églises
chrétiennes et les organisations de solidarité avec l 'Amérique
latine qui s'opposent à la ZLÉA, le reste de l'opinion publique
américaine reste dans l'ignorance de l'existence même de
cet accord commercial. Plusieurs
importantes questions découlent de ces réalités.
Pourquoi y a-t-il un si ferme appui à la ZLÉA étant
donné l'échec des politiques de libre-échange dans
les deux dernières décennies en Amérique latine et
de la pauvreté croissante du Mexique sous l'emprise de l'ALENA
? Pourquoi la ZLEA est-elle nécessaire si les entreprises américaines
et européennes ont prospéré dans le cadre néolibéral
actuel ? Comment la ZLÉA s'insère-t-elle dans la stratégie
de guerre globale de l'administration Bush ? Des
superprofits à la ZLÉA De 1990 à
2002, "l'Age d'or du néolibéralisme", les banques
et les entreprises multinationales américaines ont soutiré
un trillion de dollars en profits, paiements en intérêts
sur la dette et royalties en provenance de l'Amérique latine. De
plus, près de 900 milliards de dollars "d'argent sale"
- où des fonds gagnés illégalement - ont été
envoyés par l'élite latino-américaine outre-mer par
les banques étatsuniennes et européennes. Dans la même
période, les banques étatsuniennes et européennes
ont acheté des banques auparavant publiques, des entreprises de
télécommunications, de transport, des entreprises dans les
domaines miniers et pétroliers et d'autres entreprises à
travers toute l'Amérique latine mais principalement en Argentine,
au Mexique et au Brésil. Le surplus commercial avec l 'Amérique
latine dépasse de 25% son déficit avec l'Asie et plus de
50% de celui avec l'Europe. Les taux de profit et les intérêts
des multionationales et des banques américaines sont deux à
3 fois le niveau américain. Les entreprises qui se relocalisent
en Amérique latine ont été capables de réduire
leur coût de main-d'uvre de 70 à 80%; les Etats-Unis
partagent le commerce de détail via les banques et les subsides
locaux croissent de façon exponentielle spécialement dans
la restauration rapide, les centres commerciaux et la propriété
immobilière. En d'autres termes, les politiques de "libre-échange"
ont permis des résultats radicalement opposés: de plus hauts
profits et une présence en Amérique latine au 20e et au
début du 21e siècle pour les multinationales américaines
et une contre performance pour la même période pour l'Amérique
latine - spécialement pour l'Argentine, le Brésil et le
Mexique. La pauvreté et la stagnation de l'Amérique latine
est le produit de la concentration et de la centralisation de la richesse
et de l'expansion des États-Unis. Du point
de vue des banquiers américains le régimes "néolibéraux"
ont été des succès éclatants et leur soutien
à la ZLÉA s'est approfondi et s'est étendu durant
les années dorées (1990-2002). Les transferts massifs de
la richesse vers le NORD a miné l'accumulation et la croissance
locale; les privatisations ont conduit à une croissance des profits
et à un chômage plus important; la déréglementation
des banques a permis aux banques américaines de s'emparer des épargnes
locales et de transférer illégalement des milliards de fonds
illicites d'Amérique latine aux États-Unis (y compris le
transfert vers la Citibank de 100 millions des fonds illicites de Raul
Salinas de Gortari) alors qu'au même moment les producteurs locaux
devaient faire avec des taux d'intérêt plus haut et un crédit
moins accessible; le "libre-échange et la protection asymétrique"
ont conduit les entreprises américaines à s'emparer du commerce
de détail, des télécommunications et de la propriété
immobilières et à imposer des quotas et des restrictions
aux exportations des biens agricoles latino-américains (agrumes,
sucre, coton, crevettes
), transports, textiles et sur beaucoup d'autres
produits. Si on exclut le pétrole et la valeur ajoutée des
entreprises possédés par les étrangers, le pourcentage
des exportations latino-américaines aux États-Unis a diminué
considérablement Si cet immense transfert de richesses aux États-Unis
aurait été investi en Amérique latine durant la dernière
décennie, le niveau de vie y aurait augmenté de 40% et les
systèmes d'éducation et de santé auraient été
grandement améliorés. La conclusion
est absolument claire: le soutien des États-Unis à la ZLÉA
est basé sur les superprofits des politiques de libre-échange
et la croyance que la ZLÉA consolidera le cadre pour la poursuite
d'une telle rentabilité. La désintégration des économies
latino-américaines et le dépérissement des sociétés
latino-américaines n'entrent dans les calculs de Wall Street et
de Washington que s'ils conduisent à des soulèvements populaires.
Dans un tel cas Washington se prépare à imposer un contrôle
militaire et non à modifier leurs conditions d'exploitation. La
nécessaire ZLÉA La ZLÉA
est une suite logique du "marché libre" parce qu'elle
établit une base institutionnelle formelle et légale à
l'accaparement total des ressources, de l'épargne, des marchés,
du commerce et des entreprises de l'Amérique latine. Comme il a
été dit ci-haut, le néolibéralisme a été
un formidable succès pour Wall Street mais il reste encore des
petits espaces de contrôle local et certaines législations
sociales et nationales restrictives et dans certains cas des régimes
faibles incapables d'appliquer complètement les politiques de Washington
face aux pressions populaires. Avec la ZLÉA, ces obstacles au pillage
impérial total seraient abolis. Telles que conçues, les
politiques économiques de la ZLÉA seront dictées
par une commission dominée par les États-Unis, - de la même
manière qu'ils dominent déjà l'OEA, la BID et les
autres organisations régionales. Les règles de la ZLÉA
seront renforcés par un personnel administratif contrôlé
par les États-Unis et par les alliances militaires. La ZLÉA
sort "pleinement développée" de sa coquille néolibérale,
mais elle est aussi une tentative de rendre "permanentes" ces
politiques et structures régressives. En éliminant la législation
locale et les lieux de pouvoirs sensibles aux pressions populaires, la
ZLÉA substituera des commissaires non-élus sous le contrôle
des Département d'Etat américain du Trésor et du
Département du Commerce qui superviseront et élaboreront
des politiques visant à faciliter une emprise américaine
plus forte et à protéger les entreprises américaines
de toute compétition, aux dépends de ses concurrents européens
et des producteurs latino-américains. Enfin, les
entreprises multinationales américaines voient la ZLÉA comme
un moyen de contrer les concurrents européens dans l'appropriation
des ressources latino-américaines et dans le partage des marchés.
Étant donné le déficit commercial croissant des États-Unis
avec le reste du monde, la ZLÉA permettra de nouveaux surplus commerciaux
et facilitera le transfert vers le NORD de "l'argent sale".
Avec la faillite et le discrédit des régimes-clients néolibéraux
et la montée des mouvements populaires et l'élection de
régimes progressistes, la ZLÉA propose de déplacer
le pouvoir de décision des régimes clients discrédités
directement dans les mains des fonctionnaires impériaux. La
ZLÉA et la stratégie de guerre globale de Bush Pendant que
les fonctionnaires économiques américains sont à
préparer le terrain pour l'Accord sur la ZLÉA en 2005, les
hauts responsables de l'administration Bush oeuvrent sur un terrain différent
mais parallèle: la poursuite de la conquête militaire et
de la monopolisation des ressources pétrolières stratégiques
par la guerre et l'occupation prochaine de l'Iraq - et vraisemblablement
par de futures guerres et la colonisation d'autres pays producteurs de
pétrole. Les efforts importants de Washington pour fomenter un
coup militaire au Venezuela et promouvoir une guerre totale en Colombie
sont le point de convergence entre la conquête militaire des ressources
pétrolières et l'Amérique latine. L'influence de
militaristes d'extrême-droite dans le régime Bush (Wolfowitz,
Perle, Cheney, Rice et Rumsfeld) signifie pour le moment que la guerre
et les politiques répressives sont priorisées par rapport
aux politiques économiques y compris la ZLÉA. Washington
croit que les régime clients latino-américains et les ministres
des affaires étrangères serviles s'occuperont de la promotion
de la ZLÉA. Dans un sens stratégique, les seigneurs de la
guerre américains comptent sur leurs liens de plus en plus étroits
avec les militaires latino-américains et la police secrète
(les dits services de sécurité et d'intelligence) pour imposer
la ZLÉA si nécessaire. Objectivement parlant, la priorité
accordée par le régime de Bush à la conquête
militaire repose sur l'énorme déficit économique
actuel et sur l'espoir de profits monopolistes futurs découlant
du contrôle direct du pétrole du Moyen-Orient et du Venezuela.
Dans une période de "transition", entre les déficits
courants et les profits à venir, Washington tente d'écraser
l'Amérique latine pour faire la différence. Les calculs
de Washington et de Wall Street, cependant, sous-estiment la largeur et
la profondeur de la vague émergeante des mouvements populaires
contre la ZLÉA et sa composante militaire; de la manière
dont Washington procède dans son projet de construction de son
empire, les masses sont de plus en plus impatientes et les régimes
clients commencent à devenir des accidents de l'histoire. Cela
est une question de temps. Les mouvements populaires pourront-ils créer
des régimes nationalistes et socialistes avant que Washington puisse
leur imposer la camisole de force de la ZLÉA ? Je parie sur les
mouvements populaires. * Traduction
La Gauche (Québec) © COPYLEFT
REBELION 2002.
ou la ZLÉA vue des États-Unis
Par James Petras, nov '2002.