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The Streets @ AB "What Belgium is all about? Great Beer!"
by Red Ant Wednesday November 27, 2002 at 10:06 PM
DJRedAnt@hotmail.com

The Streets @ AB 22/11/2002 - Chronique

22 novembre 2002, 18h55, 10º Celsius
Je me trouve dans la rue devant l'Ancienne Belgique à observer ce cirque : un cirque où la vedette est le marché noir de vente de tickets. En guest star on trouve la hype, un beat de circonstance sortant du bar à côté et une odeur qui prouve encore que la Hollande possède les meilleurs botanistes au monde. Alors que dans la rue se côtoient ces vedettes du mercantilisme, à l'intérieur de l'AB, la seule star de la soirée c'est la rue : The Streets.

The Streets, c'est un seul homme : Mike Skinner, nouvelle coqueluche de l'Angleterre, jeune rappeur/producteur signé sur un label underground de UK Garage qui s'est vite retrouvé sous licence chez Warner. Ce soir, lui et le groupe qu'il a monté expressément pour le live sont à Bruxelles pour l'avant dernier concert de leur tournée mondiale. Demain ils jouent au Melkweg d'Amsterdam et puis ils retournent en Angleterre pour quelques dates avant de clôturer la tournée par l'Astoria de Londres. Bien que très Hip Hop, l'esprit et le son des Streets sont plutôt à rechercher du cote des Junglists (1), Twosteppers et autres Garage heads habitués des Rave parties et des clubs. La voix de Mike Skinner domine ces rythmes et ces mélodies dancefloor et éclectiques. Ses textes sont légers et sombres a la fois, la bande originale parfaite de l'Angleterre de Tony Blair, l'Angleterre ou les homeless côtoient les ravers au petit matin perdus dans ce drôle de film.

Etre dehors dans la rue à cette heure et par cette température n'est pas le fruit du hasard. Le succès et le tapage médiatique aidant, The Streets jouent à guichet fermé ce soir. Ma naïveté et ma nonchalance aidant, je n'ai pas de places pour le concert de ce soir… Sur ce trottoir circule une rumeur disant que Mike Skinner, leader de The Streets, a passe tout l'après-midi a l'Irish Pub sous le charme de la bière belge et qu'il aurait offert une dizaine de guests aux clients. C'est ce genre de faits d'arme qui a forgé la réputation sulfureuse mais sympathique du personnage. Mike Skinner, sale gamin amateur de playstation, de bière, de Jungle (1) et de UK Garage casse des micros sur scène, crache sur le public, rate le bus de la tournée et se paie la tête des grandes stars qui viennent lui frotter la manche attirés par la nouvelle sensation.

Apres quelques négociations et autres rencontres, je trouve assez rapidement ma place à un prix raisonnable et j'entre dans l'AB vers 20h. Rituel vestiaire jetons bar, rencontres et enfin je pénètre dans la salle. Direkt chauffe le public à coups de bombes UK Garage et Breakstep, l'ambiance est bon enfant.

Sur scène, le décor est sobre : juste un écran géant, aucun artifice. Derrière Direkt, on peut voir une batterie, une basse, et un clavier ; configuration minimaliste, simple et efficace. Le concert est prévu à 21h15, juste le temps de se mettre en jambes en sirotant un verre. La salle se remplit peu à peu…La tension monte…Quelques Oï ! Oï ! Oï ! , expression utilisée par Skinner dans ses morceaux, se font entendre…

21h15, les lumières s'éteignent et sur l'écran géant s'affiche le logo de The Streets. Les trois musiciens se mettent en place…Le batteur (Tony Drum-Machine), le bassiste (Morgan Free Bass) et le claviériste (Fingers). L'intro de Turn The Page résonne, un chanteur black qui officie aux backing vocals fait son entrée et chauffe la salle. Tout le monde attend Mike Skinner…Au moment ou l'intro de Turn The Page se termine, les musiciens enchaînent directement sur Has It Come To This, les spots s'allument, Skinner entre en scène, harangue la foule : Good evening Brussels ! Original Pirate Material! You listen to The Streets down your area! Tout de suite on sent que le groupe est très bien rodé et qu'il s'amuse sur scène. Ils rigolent ensemble, se charrient, l'ambiance sur scène est aussi bon enfant que dans la salle. Arrive la fin du morceau, Mike Skinner lance: What Belgium is all about? Great Beer! Et il s'empare de sa bouteille, les premiers accords de « Same Old Thing » explosent, la salle aussi. Les morceaux sont légèrement remaniés pour la scène, plus dans une énergie live avec des passages et des breaks où les instruments sont mis en avant.

Le morceau suivant « Let's Push Things Forward » se finit par une référence aux Specials: le chanteur qui accompagne Skinner entonne « This town is like a Ghost Town because all the clubs have been closed down ». La référence n'est pas gratuite, Mike Skinner est un grand fan du chanteur des Specials, Terry Hall qui écrivit aussi de très grands textes de chansons.
La salle est maintenant chauffée à blanc, les nappes de « It's Too Late » s'élèvent doucement…un frisson se fait sentir dans le public. Le morceau le plus intimiste de l'album plonge la salle dans un recueillement total. Le genre de morceau qui peut faire verser une larme. Sur l'écran géant derrière, un clip montrant un raver en descente partageant son blues et un joint avec un sans abri sur un banc. Fin de la séquence émotion.

Skinner lâche un « JUMPING ! » et la basse de « Don't Mug Yourself » démarre. Le morceau le plus uptempo des Streets fait décoller la salle encore un peu plus. Jumping en effet…

Avant le morceau suivant, Mike Skinner annonce que c'est le moment de danser. Les accords de « Weak Become Heroes » et son beat house enrobent la salle. Au milieu du morceau le beat s'efface peu a peu et Mike Skinner présente le groupe : Tony Drum Machine, Morgan Free Bass et Ritchie Fingers, les trois musiciens et Kevin Singer, le chanteur qui accompagne Skinner. Le beat se fait plus appuie et le chanteur commence à chanter « Music Sounds Better With You » pour clôturer le morceau par une dernière référence a un grand classique house. La salle s'enflamme, Skinner l'arrose de bière, apothéose. Le morceau est complètement remixe pour le live, version longue.

On sent la fin du concert venir. En effet, après ce morceau Skinner remercie tout le monde, lâche un dernier « What Belgium is all about ? » et quitte la scène accompagne du groupe. Les gens n'ont pas le temps de crier au rappel lorsque le clip de « Irony Of It All » apparaît sur l'écran, un clip en guise de premier rappel et de plus un inédit. On peut y voir Mike Skinner affuble de lunettes culs de bouteille, jouer le rôle d'un glandeur colle a sa playstation et son paquet de Rizla+. Une sorte de Groucho Marx de banlieue anglaise version criminelle. Le clip se finit et le public en redemande…
Le groupe rentre sur scène pour un rappel de trois morceaux dont les deux morceaux seulement sortis sur les maxis singles. Finish en beauté pour une sensation qui a tenu toutes ses promesses malgré les craintes habituelles face à ce genre de phénomène de mode. Les oreilles encore un peu sourdes, le public quitte la salle alors que Deadly Avenger s'est installe aux platines dans le bar pour un set breakbeat old school matiné de grands classiques. Une bonne partie de la foule a déjà rejoint ses pénates quand je quitte la salle.

Retour a la rue…

Quelques liens:
http://www.the-streets.co.uk
http://www.ukgarageworldwide.com/
http://www.thespecials.com

(1) La jungle est une musique qui de 92 à 96, enflamma l'angleterre, rassemblant dans les mêmes soirées les blacks originaires de jamaique et adeptes du reggae, les clubbers extasiés depuis 89 par les sons électroniques et les rappeurs adeptes du bbt (le Bon Beat qui Tue). C'est la rencontre des différentes musiques de ces différents publics qui créa une nouvelle forme: la house intègre de plus en plus de samples, notamment de breakbeats (influence du hip-hop), le tempo s'accélère, pour passer de +/- 120 BPM (battements par minute) à 180. S'y incruste des grosses sub-basses (influence du dub jamaicain), et des vocaux plus scandés, empruntés au hip-hop et au ragga. Après une sublimation de son principe dans la sous-branche "hardstep", ou l'intérêt principal du genre est la complexité des breakbeats, la musique est devenue plus carrée et plus répétitive pour donner la drum'n'bass, mais ça, c'est une autre histoire.