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Répression violente des chomeurs de Neuquén
by Sebastian (( i )) Thursday October 31, 2002 at 07:43 PM
argentina@indymedia.org

Il y a plus de 20 bléssés, dont un a perdu un oeil. La police a utilisé des lacrimogènes et a attaqué, maison après maison, l'un des quartiers les plus pauvres de Neuquén.

6000 habitants vivent dans le quartier "Parque Industrial de Neuquén" (PIN), un quartier construit pour être le dortoir des ouvriers qui, initialement, devaient inonder les banlieues industrielles de Neuquén. Isolé du reste de la cité, le "parc" est composé de maisons toutes égales, toutes abîmées par le temps et la pauvreté. L'industrialisation n´a jamais eu lieu et la seule usine qui a réussi a maintenir quelques emplois est Céramica Zanon (la fabrique de Céramiques de Zanon), tout simplement parce qu'elle est gérée par ses employés.

Blocage de route

Il y a deux jours, le PIN a organisé un nouveau blocage de route: environ 64 travailleurs du quartier, ayant perdu leur plan d'emploi, et 150 autres soutiens de famille sans revenu, exigeaient une aide de l'état.

Armés de ces exigences, sans organisation réelle, les jeunes du quartier se sont encagoulés et sont allés couper la route. Au début, ils ont laissé passer les bus et les ambulances, plus tard, alors que se précisait la menace de répression, ils n'ont plus laissé passer que les ambulances et les travalleurs céramistes.

A son approche, le blocage de route ressemblait à un blocage Cutrak-Co vieille manière,. Des femmes avec plus de douleurs dans les yeux que de mots nous expliquaient la situation; des jeunes encagoulés, fronde à la main, surveillaient l'horizon pour intervenir quand la répression commencerait, des centaines d'yeux attendaient, depuis les maisons toutes égales, ce qui allait venir. A l'entrée du Piquete, en venant de Neuquén, une bannière proclamant son appartenance aux "desocupados del barrio Parque Industrial" (chomeurs du quartier Parque Industrial) et une tente improvisée étaient les seuls signes de la manifestation.

La réponse

Visage masqué, lunettes de soleil pour se protéger du vent, un jeune d'une vingtaine d'années nous raconte: "les fêtes approchent, nous, on n'a même pas de quoi manger. On ne demande pas grand chose: que les 64 qui avaient une aide de l'état et les 150 autres, qui n'ont plus rien, aient un peu d'argent. Un gouvernement qui fait tant de cadeaux et qui va se balader à New York peut bien nous donner cela, et plus encore, si il veut."

La situation financière de Neuquén est assez bonne; la dollarisation et l'augmentation du prix du barril de pétrole ont fait que les finances sont dans le vert, c'est l'une des rares provinces ayant un excédent fiscal.

Cependant, les aides sociales, la création d'emploi et les possibilités de développement ne sont pas accessibles pour la plus grande partie de la population; et les squat de terrains, le chomâge et la faim évoluent, au même rythme que dans le reste du pays.

Les chomeurs du PIN demandaient simplement qu'un fonctionnaire cherche une solution. Ils ont tapé à toutes les portes sans obtenir d'autre réponse que l'indifférence; le ministre délégué au développement social, Jorge Lara, leur a offert une audience qui aura lieu dans deux mois. L'un des Piqueteros indique que ce sera aux alentours de Noël, "à ce moment là, on sera déja morts de faim."

Ce fonctionnaire est l'un des principaux impliqués dans un scandale qui a déja envoyé en prison l'intendant de la cité de Centenaire, et qui va en faire tomber d'autres: D'après ce que l'on sait ces derniers jours, il y a un trou frauduleux d'environ 600 000 pesos (à peu près 200 000 dollars) dans la gestion des aides sociales, ils ont disparu dans une arnaque qui implique le ministre, des entreprises fictives et jusqu'aux agents procovateurs du gouvernement, l'un desquel a avoué gagner 2000 pesos par mois pour gérer des fonds et mobiliser la population pour des actes officiels et les campagnes du MPN.

Habitué à tout diriger en totale impunité, submergés à la fois par corruption et par la dure réalité de la disparition de 2500 aides aux soutiens de familles, le gouvernement a hésité avant de donner une réponse: la répression brutale.

La répression

L'ordre de "dégagement" était connu depuis le Lundi après-midi. La police a donné un ultimatum: si les routes n'étaient pas débloquées à 20 heures, elle irait les débloquer elle-même.

Sans réponse à leurs demandes et à leurs questions, les chomeurs n'ont pas bougé et, au coucher du soleil, les nouvelles forces d'élite de la police, utilisant des gaz vomitifs et des balles de caoutchouc, ont attaqué le groupe de jeunes qui se préparait à passer la nuit sur place pour continuer le blocage le lendemain.

Selon tous les témoins, la route a été dégagée en quelques minutes, mais ce simple fait était insuffisant pour la police, qui s'est ensuite mis à attaquer les maisons les unes après les autres, jusqu´à minuit. Officiellement, il y a 20 blessés, en réalité sans doute plus, dont des femmes enceintes, une gamine qui a perdu un oeil à cause des balles de caoutchouc, un bébé pris de convulsions à cause des gaz vomitifs.

L'affrontement dans le quartier fut une guerre intime, qui a commencé par des pierres contre des balles de caoutchouc et des gaz vomitifs, qui a fini avec des mères de famille jetant de l'eau bouillante des balcons. Le désespoir, le bruit continu des tirs, les ambulances insuffisantes; une scène d´enfer dans l´obscurité.

Les gaz et les détonations des tirs étaient perceptibles des quartiers voisins et, sur la route où nous voulions nous positionner pour prendre des photos, la police attaquait comme pour effacer toute trace de ses actions.

La nuit était noire, il était minuit lorsque la solidarité a commencé à se faire sentir: des organismes de droit de l´homme, des syndicats, des étudiants et des travailleurs marchaient depuis le centre de la ville, défilaient pour freiner la répression.

Retour à la route

Hier, les chomeurs sont revenus à la route. Pleins de haine, toujours sans réponse, accompagnés de l´indignation de chacun des voisins. Le blocage de route s´est maintenu pour ne plus rien laisser passer, le même scenario se répète, avec les mêmes questions, les même demandes, la même fermeté à se défendre.

Aux environs de midi, 200 ouvriers arrivaient de la Ceramicas Zanon. Sur les deux kilomètres qui séparent la fabrique du PIN, leur marche s´est faite sous les acclamations.

"Plus personne d´ici ne vas aller emmerder les céramistes, et quand ils auront besoin de nous, nous serons là", déclarait sentencieusement un jeune du quartier.

A l´heure actuelle, le blocage de route se maintient et, malgrés le scandale de la nuit de répression, peu doutent que la violence va s´arréter là. Maintenant, le quartier attend, énervé et résigné, les nouvelles attaques, il promet que ça ne va pas être pareil.

"Ils pensaient que, parce que nous sommes isolés de la ville, nous n´allions pas tenir, ils ont réprimé comme ils voulaient mais nous sommes toujours là. Si ils viennent nous dégager, ils vont voir ce qu´on leur prépare", déclare une femme qui reçoit le peu de voitures qui se présentent pour passer le barage.

La répression et l´indifference sont les deux faces de la politique du gouvernement de Neuquén; la faim, et plus rien à perdre, est ce qui unit les chomeurs de Parque Industrial.

Sebastian, de Neuquén.
Indymedia Argentina
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