DHKC 276: Un procès de tortionnaires qui aboutit à une condamnation en Turquie? by DHKC Sunday October 20, 2002 at 12:46 PM |
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Les illusions d'une justice rendue en Turquie...
Date: Le 17 octobre 2002
Communiqué: 276
Ce qu'ils ont caché et ce qu'ils ont montré dans le procès de Manisa
Dans la nuit du 26 décembre 1995, la police mène une opération "coup de poing" au domicile de 16 jeunes, les arrête, les tabasse copieusement, menace leurs parents, puis les emmène à la direction de la sûreté de Manisa. Aujourd'hui, après plusieurs années, on parle toujours de ce qui s'est passé après que ces jeunes aient franchi la porte du commissariat. En effet, ces jeunes filles et garçons ont été soumis à la bestialité de tortionnaires odieux et obscènes. Ils ont été électrocutés, ont subi la falaka, ont été mis à nu et soumis à des attouchements sexuels...
Ces sévices n'arrivent pas uniquement à Manisa. L'Etat dispose de centres de tortures dans chaque département, district, ville et village! C'est la réalité de la Turquie!
La réalité, c'est qu'en Turquie, cela ne s'est pas passé derrière la seule porte où il est inscrit "direction de la sûreté à Manisa". Nous savons bien que derrière toutes les portes de la sûreté et des casernes de la gendarmerie, il est arrivé les mêmes scénarios des milliers et des millions de fois.
Les chiffres officiels parlent de deux millions d'arrestation ces 6 dernières années. Depuis les années de la junte jusqu'à nos jours, des millions de personnes ont subi la torture.
Nos jeunes, nos vieillards, nos mères, nos maris ou nos femmes ont subi des supplices obscènes de tortionnaires pervers.
Il est manifeste que des centaines de nos gens n'ont pas été aussi chanceux (!) que les jeunes de Manisa. En effet, beaucoup de victimes de la torture N'ONT PAS PU FRANCHIR VIVANTS ces portes. De nombreuses victimes furent assassinées sous la torture.
Avec le procès de Manisa, l'Etat a été mis au pied du mur. Quand on parle de tortionnaires protégés, l'Europe donne l'exemple de Manisa.
Mais là, il y a une manoeuvre.
C'est comme si dans ce pays, on ne torture que les jeunes, comme si seuls les policiers de Manisa pratiquent la torture. On donne l'impression qu'il s'agit d'un ACTE ISOLE.
Or, dans ce pays, il y a toujours des centaines de procès pour torture. Il y a des centaines de cas de torture attestés comme tels mais dont les auteurs ont été innocentés par acquittement ou pour prescription. Dans certains cas, on n'a même pas accepté de traiter le dossier. (Du reste, malgré tant de publicité, les tortionnaires de Manisa peuvent toujours être sauvés par prescription (expiration du délai du jugement) ; l'Etat et la justice de Susurluk vont tout faire pour tirer leurs nervis.)
Ils ne tolèrent aucune opposition, ni aucune organisation; c'est cela le régime de la Turquie!
Qu'avaient-ils donc fait ces jeunes? Ils auraient inscrit sur un mur "Nous voulons un lycée démocratique...", ou encore "Vive la franternité des peuples". Voilà leur crime. Le pire, c'est qu'ils avaient des sympathies pour les "révolutionnaires". Leur châtiment devait dès lors être dur!
Ils ont été suppliciés puis ils ont comparu devant la "justice indépendante"(!).
Après un procès pour le moins expéditif, nos jeunes ont été condamnés à une peine totale de 76 ans de prison à cause de "leurs crimes" impardonnables. Manifestement, une justice plutôt languissante quand il s'agit de juger des tortionnaires devient express quand il s'agit de révolutionnaires. Mais cette fois, la torture était trop grossière que pour être voilée. En plus, un parlementaire avait été témoin de ces tortures.
La cour de cassation a cassé la peine donnée aux lycéens en raison du recours à la torture.
Ensuite, la justice prétendument "indépendante" a dû juger les tortionnaires à contre-coeur et avec beaucoup de flemme.
Le 11 mars 1998, la cour prononça l'acquittement des policiers tortionnaires par manque de preuves suffisantes. Mais sous la pression de la campagne de dénonciation et en raison des preuves trop flagrantes, la Cour de cassation dût casser ce prononcé.
Le 27 janvier 1999, la cour résista à la première décision de la cour de cassation et a réitéré l'acquittement des policiers accusés de recours à la torture. (Rappelons que le président de cette cour allait plus tard faire partie du comité de surveillance de la prison de Manisa constitué par l'ex-ministre de la justice Sami Türk lui-même. Ce comité est supposé être destiné à ‘prévenir la torture dans les prisons'.)
Puis, la cour de cassation a de nouveau brisé le verdict. Finalement, la cour a été contrainte à donner une peine aux tortionnaires.
Mais cette fois, la cour de cassation a cassé la décision parce que "les policiers n'avaient pas pu utiliser leur droit à la défense". Comme les policiers voulaient obtenir une prescription, ils ne s'étaient pas présentés pour effectuer leur défense.
Après sept ans, le procès était toujours en cours.
Après 44 comparutions, les dix policiers tortionnaires accusés tablaient sur une prescription et espéraient pouvoir gagner encore un peu de temps lorsque le rapport de l'UE sur l'élargissement est venu emporter tous leurs espoirs.
Mais la partie n'est pas finie. Le jeu continue, toujours le même jeu! Un jeu particulier au "procès de Manisa"!
Le procès de Manisa, c'est le portrait de la Turquie et un petit exemple de ce que l'on fait subir aux révolutionnaires et aux Frontistes
Nous sommes confrontés depuis des décennies à ce régime. Quand on voit ce que l'on fait endurer à des personnes soupçonnées d'avoir des sympathies pour le DHKC ou d'avoir écrit une inscription murale réclamant un lycée démocratique, on peut imaginer ce que l'on fait subir à nos militants, nos combattants, nos cadres, nos dirigeants et nos prisonniers. Certains d'entre vous auront même du mal à l'imaginer.
En effet, cet exemple montre une partie, une toute petite partie de ce que l'on fait subir au DHKC. Nous faisons, depuis des dizaines d'années, l'objet d'exécutions, d' enlèvements et de massacres dans les prisons. Des centaines de nos camarades ne sont plus parmi nous en raison de cette politique d'extermination. Des milliers d'entre nous avons été incarcérés pour les mêmes raisons, c'est-à-dire parce que nous avons demandé des droits et des libertés.
En Turquie, la torture continue. Le fascisme continue. Nous continuons à subir ces actes.
Toutes celles et ceux qui ont été emmenés "à la sûreté" pour avoir défendu leurs droits, donneront approximativement le même témoignage que ceux qui sont mentionnés ci-dessus.
Quand un Etat fait monter en grade un chef de la police qui a donné l'ordre de torturer et un gouverneur qui protège les tortionnaires, cela veut dire une chose: l'Etat est le véritable tortionnaire.
Voyons un peu où se trouvent les chefs des tortionnaires accusés dans le procès de Manisa? Pourquoi ne sont-ils pas jugés? Au moment où les tortionnaires suppliciaient nos "jeunes de Manisa", le directeur qui donnait les ordres a été hissé au rang de directeur de la sûreté à Ankara.
Cela s'est toujours passé ainsi. Mehmet Agar, Necdet Menzir, Hasan Özdemir, Sefik Kul ont tous été promus aux rangs supérieurs en récompense aux tortures et aux exécutions qu'ils ont commis.
Mais il y a plus haut qu'eux. Les ministres certes, mais surtout le conseil national de sécurité (MGK) qui siège au sommet. C'est de là que viennent les ordres.
Quand certains ont critiqué les exécutions extra-judiciaires et la torture, c'est le PREMIER MINISTRE de ce pays qui déclara un jour: "Ne refroidissez pas la main de nos policiers". Que veut dire "ne pas refroidir les mains"? Que font donc ces mains?
Ce sont ces mains qui déshabillent et qui suspendent nos jeunes filles et nos jeunes garçons de 14-15 ans, nos vieillards de 60-70 ans. Ce sont ces mains qui leurs font subir la falaka et les électrochocs. Ce sont ces mains qui font pleuvoir des balles sur nos maisons et nos lieux de travail sans nous soit demandé notre identité, sans la moindre sommation. Ce sont les mains de Ayhan Çarkin (membre connu des escadrons de la mort). Ces mains sont sous les commandes du conseil national de sécurité. Les gouvernements et la justice ont pour mission de protéger ces mains.
Le procès de Manisa n'a rien d'exceptionnel car la police et la justice font toujours ce qu'ils ont toujours fait.
Le procès de Manisa a été mis au devant de la scène pour des raisons cosmétiques.
Cela aurait pu être le procès d'Eskisehir, celui de Trabzon, d'Edirne, de Hakkari ou d'Ardahan. Seulement, on ne peut pas braquer les projecteurs sur tous les cas car cela risquerait d'ébranler le système.
En Turquie, ce qui est un cas ISOLE, ce n'est pas la torture mais le fait de donner une PEINE à des tortionnaires.
C'est la seule chose qui fait du procès de Manisa, un cas isolé.
Tout le reste constitue le véritable portrait de la Turquie.
Devrimci Halk Kurtulus Cephesi
Front révolutionnaire de libération du peuple