arch/ive/ief (2000 - 2005)

Cordon sanitaire anti-fasciste ou bonne conscience démocratique à bon marché
by Vincent DECROLY Saturday October 12, 2002 at 10:50 AM
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Le Code de conduite parlementaire contre l'extrême-droite n'est pas encore signé que ses promoteurs le violent à la Chambre, dès le jour de rentrée !

Lors de la séance de rentrée de la Chambre des représentants, ce 8 octobre, la majorité MR-Ecolo-PS a reconduit au Bureau de l'assemblée deux membres d'extrême-droite - l'un en tant que "membre associé", l'autre en tant que président de groupe politique.
L'an passé, un certain brouhaha de reprise de session, les louvoiements procéduriers du Vlaams Blok et la relative nouveauté du problème pouvaient apparaître comme des "circonstances atténuantes".

Mais depuis, on a vu les pourfendeurs auto-proclamés de l'extrême-droite courir dans la rue derrière les jeunes qui manifestaient, scandalisés par le résultat du premier tour des présidentielles françaises. Qu'importe le pied de nez surréaliste que le gouvernement continue à adresser à la Cour européenne des droits de l'homme (avec la déportation ethnique des Roms en octobre 1999 et la poursuite, malgré une condamnation sans appel à Strasbourg, d'arrestations, d'enfermements et d'expulsions violentes de personnes qui ont introduit un recours au Conseil d'Etat), qu'importe le snelrecht que la Cour d'Arbitrage a dû démonter puisque le fanatisme l'avait emporté sur toute modération au Parlement lors de l'adoption de ce projet, qu'importe l'abrogation de la loi sur le Minimex et la mise au travail forcé des plus pauvres...

"Les lepénismes doivent être combattus". "D'où que cela Vienne", comme l'affichait Le PS, au fronton de son bâtiment du Boulevard de l'Empereur, après la percée de Haider en Autriche. Combattus ? En parole et en rue du moins, pour ne pas dire en façade. Car au Parlement, il n'en va pas de même.

Le 16 septembre (il y a donc moins d'un mois), c'est de sa plus belle plume que Monsieur Eerdekens, président du groupe PS, proposait aux élus démocrates de souscrire à un "Code de bonne conduite à l'encontre d'élus des partis ou des associations qui manifestement portent des idéologies ou propositions susceptibles d'attenter aux principes démocratiques qui fondent notre système politique". Pas moins. Voilà un intitulé dont la longueur, à elle seule, oblige celui qui le déclame à bomber le torse. Et Monsieur De Croo, président de la Chambre, d'accepter d'en être le premier signataire...

Bon document de deux pages, qui comprend notamment, dès le sixième paragraphe, l'engagement suivant :

"... dans les instances du parlement, ils (les parlementaires) s'engagent à tout mettre en oeuvre - par toute voie légale - pour éviter de confier une fonction spécifique à un élu issu de ce type de parti..."

Le même chef du groupe socialiste et ses collègues de la majorité de droite plurielle ont accepté la proposition de Monsieur De Croo (le même itou) de nommer un élu du Vlaams Blok membre du Bureau de la Chambre. Par consensus, puisque Monsieur De Croo (toujours lui) a refusé un vote nominal de l'ensemble des députés sur ce point.

Quelle décision pourrait plus funestement banaliser l'idéologie fasciste que celle qui vient ainsi de déléguer, dans le saint des saints de la Chambre, un député d'extrême-droite (qui, du reste, continuera à se pavaner également à la présidence de la commission de l'Infrastructure, des communications et de transports) ?

Ainsi, la lutte contre l'extrême-droite est-elle ravalée à d'intermittents arguments de la propagande ou des relations publiques de responsables politiques en mal de proximité avec une jeunesse légitimement révulsée par cette idéologie. Cela devient malsain.

La sauvegarde de la démocratie ne peut devenir une question de mots. Elle doit rester une question d'actes. En particulier au coeur palpitant de la démocratie que devrait être le Parlement.

En y posant des actes qui contredisent aussi brutalement leurs plus solennelles professions de foi, certains font le jeu de ceux qu'ils prétendent combattre et discréditent les institutions politiques. C'est donc la démocratie elle-même qui en prend un coup.