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L'impunité au Chili année 2002
by Mapuche Stichting | FOLIL Monday September 16, 2002 at 11:24 PM

L'impunité au Chili année 2002 Le commando Conjoint toujours actif Publié le 19 septembre 2002

L'impunité au Chili ...
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L'impunité au Chili année 2002
Le commando Conjoint toujours actif
Publié le 19 septembre 2002

C'est cette justice à la chilienne qui est aujourd'hui chargée des procès qui s'abattent sur des centaines de Mapuches et c'est aussi ces acteurs qui continuent de terroriser et de menacer les peuples Mapuche et chilien en toute impunité Assiociations LA LICORNE & HUILLIWERKEN.


Au mois de janvier de cette année s'est réorganisé un des groupes les plus répressifs et sinistres des années 70. Durant différentes rencontres, l'une des dernières ces jours-ci, un agent nous a révélé que maintenant ils ne torturent plus, ni n'assassinent mais sur ordres de leurs supérieurs ils trompent la table de dialogue (table de dialogue mise en place pour retrouver les corps des détenus disparus durant la dictature militaire N.D.T.), se moquent des juges, mettent sur écoute les téléphones et volent des documents en relation avec les faits.

Commando conjoint les vieux standards reviennent
Source : Primera linea/ journal la Nation
Santiago Chili.


Par Victor Gutierrez - ont collaboré à ce reportage Alejandra Matus et Julio Cesar Rodriguez.

Il y a quelques années je travaillais dans une production journalistique pour un reportage de la Télévision Nationale du Chili. A ce moment, j'ai contacté des agents des groupes de renseignement de la dictature et des membres de groupes armés de gauche pour réaliser une sorte de thème sur la réconciliation, vu au travers de ces personnes. Le reportage pour finir ne s'est pas réalisé, mais comme les recherches avaient commencé, j'ai gardé mes sources de contacts. Un de ceux là, un membre important du commando conjoint, que dans cet article j'appellerais COLMILLO Blanco, détenait tant de documents que j'ai pendant des années tenté de gagner sa confiance pour qu'il me les passe.


Le commando conjoint a été formé en 1975 par un groupe de militaires des trois corps des forces armées, de carabiniers et de civils de "Patria y libertad" (Groupe de paramilitaires fascistes responsables de nombreuses exécutions et tortures durant la dictature N.D.T.) pour coordonner la répression contre les militants de gauche, particulièrement du parti communiste et du MIR (mouvement de la gauche révolutionnaire N.D.T.). Quelques uns ont été soumis à des procès, mais sont toujours en liberté. Peu sont, aujourd'hui, prisonniers. Et les autres, tout simplement ne connaissent pas la prison parce que leurs identités n'ont jamais été révélées.

Avec Colmillo Blanco nous avons discuté des dizaines de fois et pendant de longues heures, mais je n'ai jamais obtenu sa permission pour publier un interview. Le changement est intervenu quand le processus de la table de dialogue s'est terminé. Il était mécontent et déçu. Il pensait que pour lui il n'y aurait pas de solution, que tout était une farce. Il s'est décidé à parler, quand, en janvier de cette année, ils ont reçu l'ordre de se regrouper pour, selon leurs supérieurs, se confronter de manière organisée " à l'agression socialiste qui nous tombe dessus au travers des tribunaux".


La première semaine de juin, les membres qui étaient détenus du commando conjoint dormaient dans leurs cellules du régiment d'artillerie anti aérienne de Colina. Mon intention était de rentrer et de retirer des documents que Colmillo Blanco devait me donner. Il était 1 heure 15 du matin, le mondial Corée Japon était en train de se jouer. Je ne sais si je tremblais de froid ou de nervosité. En arrivant à la base, les commandos de garde à l'entrée se sont approchés de mon véhicule. Avant d'ouvrir la vitre j'ai été interrompue par un appel sur mon portable. De l'autre côté du téléphone une voix quasi inaudible me demandait de renoncer à entrer :

- " arrête toi, l'entrée n'a pas pu s'arranger, ils ont changé les gardes, n'entres pas, n'entres pas !

Le soldat m'a regardé d'une manière très étrange et m'a demandé si je savais où j'étais. J'ai bafouillé et lui ai demandé comment aller à Chicureo.
Demi tour et retour à Santiago. Quelques jours plus tard, un jugement de la cour d'appellations, a rejeté les accusations d'association illicite pour 13 membres du commando conjoint. Il n'était plus nécessaire d'essayer d'entrer à la base. Mon contact avait été remis en liberté. Nous nous sommes rencontrés dans un hôtel cinq étoiles.

Cet ex agent m'a informé que son groupe de répression était de nouveau actif et avec du pouvoir. "Nous avons des financements pour réaliser des "opératives" (opérations militaires ou paramilitaires clandestines), des filatures, des mises sur écoute téléphoniques, des menaces, des vols de papiers dans les tribunaux, payer des pots de vin et faire du travail national et international. Tout cela sous la protection et les ordres des Forces Aériennes du Chili".

"Les preuves sont visibles et ne mentent pas. Je suis un témoin vivant. Nous, aujourd'hui, accomplissons des ordres, nous ne décidons pas seuls. Si nous n'obéissons pas, ils nous ont dit ce qui nous arriverait".
"Nous avons reculé de 25 ans. Nous sommes tous regroupés et sous des ordres strictes. Nous n'allons pas accepter qu'ils nous emprisonnent de nouveau". Les paroles de Colmillo Blanco sont accompagnées d'une caisse de documents confidentiels, pour leur grande majorité actuels.
Dirigeants politiques, proches de la cause des violations des droits de l'homme, officiels des services d'intelligence des forces armées et des services secrets, de ce qu'il m'a montré ces documents donnent foi à son authenticité. La majorité des documents correspondent à des rapports que le Département V - Affaires internes - que les services d'intelligence ont expédié aux tribunaux, assistants juridiques, informations des Forces aériennes du Chili et du propre commando Conjoint.

"Le simple fait que ces informations secrètes soient entre mes mains, alors que je suis un ex agent inculpés dans plusieurs procès pour disparitions, est la preuve de comment le commando conjoint est en train de travailler pour que la vérité ne se sache pas. Nous avons des ordres très strictes de mentir, tromper, bloquer et occulter toutes les évidences devant les juges, groupes d'appuis, le gouvernement et la presse, pour qu'ils ne nous inculpent pas, et plus encore pour ne pas aider à la découverte du destin des détenus disparus victimes de notre unité".

Pourquoi, alors désobéissez vous maintenant ?

- Pour que se termine toute cette farce. J'ai demandé que mon identité soit protégée pour ma famille. Si les forces armées ordonnent que l'on me liquide, au moins j'aurais parlé. Maintenant comme croyant en Dieu, je veux que tout le monde sache ce qui s'est passé avec ses proches et qui a fait ça. Quand tout ça sera publié, je pourrais me reposer.
Colmillo Blanco assure qu'ils se sont réunis pour pouvoir se défendre. Ça a commencé la troisième semaine de janvier de cette année, quand le juge Carlos Hasbun (titulaire du vingt cinquième juge de crimes de Santiago) nous a inculpé, nous et de nombreux chefs pour la disparition d'un militant communiste (Victor Vega Riquelme). Nous étions très inquiets. Ils nous ont réunis et nous ont expliqué qu'il s'agissait d'une attaque du gouvernement socialiste de Lagos. Là, ont commencé les ordres des colonels de liaison et des ex supérieurs actuellement clandestins du commando Conjoint. Durant la table de dialogues nous avons essayé de collaborer, mais nous nous sommes rendu compte qu'il n'y avait pas vraiment d'intérêt à coopérer. Ils ne nous ont pas laissé donner les informations, c'est pour cela qu'ils nous ont inculpé.

- Etant vous même pour vos supérieurs un membre connu du Commando Conjoint et avec plusieurs procès pour violations des droits de l'homme, ils ne vous ont pas demandé, ou ordonné, de collaborer à la table de dialogue ?

Oui, je me souviens très bien, parce que nous étions plusieurs prisonniers à Colina (base des forces armées chiliennes) quand nous est arrivé l'ordre d'écrire toutes les informations que nous avions. Comme ça venait directement des commandants en chefs, personne n'a douté. Jamais avant on ne nous avait demandé de rédiger ce qui s'était passé.
Selon Colmillo Blanco, les membre du commando conjoint impliqués ont appliqué les ordres de leurs supérieurs. Ils ont passé de longues heures enfermés à rédiger tant sur la direction de leur organisme de répression que les noms des victimes. Des faits comme : qui les avait torturé, assassiné et où étaient les dépouilles. Les plus préparés ont rédigé avec des ordinateurs, d'autres ont laissé l'information sur des blocs notes, sur des feuilles libres avec des fautes d'orthographe, etc... C'était une tâche sinistre, se souvient Colmillo Blanco, nous nous demandions durant la nuit, ou à la cantine, des choses comme "hé, qui se souvient où sont restés les os (terme interne pour parler des disparus) de Maturana, pour vous donner un exemple "je ne sais pas répondait un autre "ha si... Celui là c'est moi qui l'ait fait," et ils riaient.

Notre source raconte que cette récupération de faits était extrêmement cruelle comme si il s'agissait d'objets perdus. Les membres du Commando Conjoint se réunissaient dans la salle à manger de l'infirmerie de la Base de Colina, où tout le monde venait avec des cahiers, des blocs notes et des feuilles avec des informations sur les lieux où se trouvaient les victimes et les systèmes des opérations réalisées.

" Au début, nous nous asseyions en silence sur des tables séparées. Nous ordonnions les notes, jusqu'à ce que quelqu'un rompe la glace par une blague : " ne me copie pas" et tout le monde commençait à plaisanter. D'autres se levaient de leurs chaises et nous prenaient les notes pour lire ce que nous écrivions. Nous faisions des commentaires comme : " ah.... Avec quoi vous avez liquidé cet os. Regardes un peu la connerie... Je pensais l'avoir descendu moi. Bon c'était à pile ou face pour finir".
FIFO et le Mono Saavedra (en visite à la base) nous ont laissé blaguer un moment, mais ensuite ils nous ont arrêté. La liste officielle était coordonnée par le FIFO, qui l'a remettait aux généraux qui nous visitaient. La froideur des commentaires est ce qui m'a le plus dérangé. Nous nous souvenions des victimes et de leurs derniers désirs, comme de saluer la famille. C'était triste, mais pour certains d'entre nous, c'était une rigolade.

En cette même réunion de récupération d'antécédents, selon la narration de notre informateur, les membres du Commando Conjoint se disputaient les crédits de ceux qui avaient tué le plus de gens. Sachant que les informations seraient couvertes par leurs supérieurs, la confiance qu'ils avaient pour se souvenir de ces sinistres événements permettait une ambiance idéale pour que puissent se confesser des détails inédits sur la fin des détenus disparus. Colmillo Blanco signale que c'était comme quand un groupe d'amis se réunit après un an pour se souvenir d'une bringue.

"Ils riaient avec ces histoires comme quand ils voulaient couper les jambes du torturé, qui, ensuite est mort (Juan Luis Rivera Matus) parce qu'elles ne rentraient pas dans la malle du véhicule. "Tu te souviens que je t'avais demandé une cisaille pour couper les jambes" a dit FIFO. Ses complices étaient morts de rire, d'autres sont sortis de la salle à manger. FIFO s'est rendu compte de la gène de ses camarades et leur a crié "ne faites pas tant d'histoires, vous savez que personne ne lui a coupé les jambes, on lui a cassé, pas plus. Si vous n'êtes pas contents dites le moi, vous savez n'est ce pas" (cette expression chilienne est souvent une menace N.D.T.). Les paroles de César Palma Ramirez, dit le FIFO, n'étaient pas une plaisanterie.

Dans la liste qu'a fait le Commando Conjoint, aujourd'hui entre les mains de Colmillo Blanco, figure le destin de certains disparus. La liste copiée, à la lettre près, selon notre source, est restée noté sur un bloc notes de bureau, sur des feuilles oubliées par le temps, elle contient plus de 40 noms. Des taches et des annotations entourent l'identification des victimes et de leurs bourreaux. Les antécédents de ces cas ne coïncident pas avec ceux qu'a reçu la table de dialogue.

Comme exemple, Colmillo Blanco, nous a donné des noms d'exécutés que les détenus du commando ont remis à leurs supérieurs et qui ne sont pas apparus dans l'information finale de la table de dialogue. " Regardez, Nicomedes Segundo Toro Bravo, José del Carmen Sagredo Pacheco, Juan René Orellana Catalán y Víctor Vega Riquelme, ne sont pas marqués dans la liste et nous les avons inscrits en toutes lettres. Un cas plus significatif encore, est celui de José Weibel Navarette qui sur la liste finale est signalé comme étant enterré quelque part dans le désert, dans la troisième région. Nous avons écrit qu'il a été enterré dans un autre lieu. A cet instant il nous montre son bloc notes où est écrit où ont été emmenés et où ont été exécutés et enterrés les victimes. Dans le cas de Weibel, joint à son nom est écrit le mot "cajon", pour indiquer "cajon de maipo" (périphérie de santiago (N.D.T.).

Quand les membres du commando conjoint ont remis la liste des victimes et des bourreaux à leurs supérieurs ils pensaient qu'il pourraient se reposer après tant d'années de silence, plus spécialement Colmillo Blanco : " certains d'entre nous sont évangélistes et nous avons compris qu'il était temps de parler". Pourtant ces nouveaux enfants de Dieu se surprennent de voir aux nouvelles les résultats des informations des forces armées. Les corps des victimes seraient perdus en mer. "ça a toujours été une farce. Les chefs nous ont demandé de collaborer, mais il semble qu'ils n'aient jamais eu l'intention de remettre notre liste à la table de dialogue. Nous allons continuer à tromper les familles des détenus disparus et le pays. Ensuite ils nous ont expliqué qu'il n'y avait pas de sécurité. Ils m'ont rendu mes feuilles et mes organigrammes. Grave erreur : nous avons fait une liste en commun et c'est celle là qui est actuellement entre mes mains".

Colmillo Blanco raconte que le discours du général, maintenant en retraite, Jose Ignacio Concha, devant la table de dialogue le 19 septembre 1999, a beaucoup fit rire les membres du commando conjoint. Des phrases comme : " Le respect qu'ont les personnel des forces aériennes du Chili pour les droits de l'homme" ou : "nous n'avons pas la faculté de trouver ceux qui se sont aujourd'hui retirés de nos rangs. Faciliter leur collaboration sera toujours uniquement le produit de leur décision individuelle et en toute liberté". Pour Colmillo Blanco il s'agit de phrases sans aucun sens réel. " Nous nous connaissons tous, nous savons ce que nous avons fait et le dire ne relève pas d'une décision personnelle comme l'affirme le général Concha. Si le général Patricio Rios m'ordonne de parler je dois le faire. Il suffit qu'il l'ordonne et tout sera raconté. Nous l'avons fait sous les ordres de nos supérieurs durant la table de dialogue et ils ont changé toutes les preuves. Au contraire, l'ordre maintenant est de se taire et de mentir aux juges. Nous appliquons les ordres de nos supérieurs".

- Qui vous a ordonné de ne pas révéler les informations sur la fin des détenus disparus ?

Les avocats des forces armées chiliennes, Jorge Balmaceda et Carlos Portales. Et aussi le coordonnateur des liaisons de la force aérienne qui est connu et identifié comme le colonel Villalobos. Nous n'en savons pas plus sur lui, mais il nous donne des ordres au nom de nos supérieurs. C'est bizarre parce que nous ne savons pas si Villalobos est son véritable nom ou s'il s'agit d'un pseudonyme. C'est un monsieur au teint blanc, au nez large et pointu, à moitié chauve, massif d'environ 1 mètre 70. L'autre c'est César Luis Palma Ramirez, alias el FIFO (ex Patria y libertad). Lui, il a beaucoup de pouvoir. Il se réunit avec les généraux et c'est aussi lui qui nous donne les ordres et les instructions. FIFO a été le chef du groupe qui a participé à l'homicide du commandant Arturo Araya, aide de camp naval du président Salvadore Allende. Il a tué beaucoup de gens, il sait trop de choses et les chefs le respectent parce qu'il peut les compromettre. Un autre dont on nous interdit de parler c'est Mono Saavedra (Colonel Juan Francisco Saavedra Loyola). Lui a été le véritable chef des opérations du Commando conjoint. Il a été chargé des tortures et des interrogatoires, mais nous avons l'ordre de ne parler de lui dans aucun procès.
Nous sommes menacé si nous le faisons. Lui et FIFO sont chargés de nous. Ils ont plus de pouvoir que les généraux et colonels de liaison.

Est ce que Palma Ramirez a aussi du pouvoir ?

Il est très dangereux. Il menace tous ceux qui s'opposent à lui. Les généraux en ont peur et le considère comme un ami. Il a de l'argent parce qu'il a volé des sommes importantes aux membres du département financier du parti communiste. Il détient beaucoup d'informations. C'est lui qui coordonne toutes les déclarations du commando conjoint, que ce soit de l'armée, de la marine ou des carabiniers. C'est pour cela qu'on ne saura jamais la vérité sur les détenus disparus.

Selon les déclarations de Colmillo Blanco, les conditions carcérales de FIFO à la base aérienne de Colina étaient celles d'un hôtel de première classe. Ordinateur, lignes téléphoniques et internet. Son accès direct avec les généraux lui permettait d'accéder aux informations et à tous les détails sur les procès du commando conjoint. Pour se protéger d'éventuels attentats et pour ne pas être arrêté par les services de recherche, il s'est arrangé pour changer ses photographies d'affiliation au registre des civils. Ça a permis de confondre non seulement les services de recherche mais aussi le journal "El Siglo" (organe du parti communiste chilien N.D.T.). Dans son édition de janvier 2002, apparaît la photo d'un autre membre du Commando Conjoint, (Lenin Figueroa Sanchez) sous le nom de César Palma Ramirez.

J'ai vu les informations du Département V d'investigations (Affaires internes, chargé d'étudier le commando conjoint). Ils nous ont donné les documents et informations de ce département. Nous ne savons pas si ça vient en direct ou du tribunal, mais ils nous sont parvenus avant que les avocats de la partie adverse ne les aient. Ils nous servent à nous préparer, pour changer les témoignages et tout embrouiller. Nous avons aussi accès au registre d'identifications. C'est pour ça que les détectives ont du nous photographier de nouveau, parce qu'il y a des années de ça nous avions fait disparaître toutes les photos. Ensuite on les a changé pour introduire des confusions.

Jusqu'à Papudo (Andreas Valenzuela) qui leur a menti en France, il a omis de nombreux détails. Il serait bon qu'il explique pourquoi il est parti des forces armées chiliennes et ce qui lui est arrivé au Pérou. Il serait bon qu'il dise la vérité sur son frère ex agent et sur ceux qu'il ne nomme pas parce que ce sont ses amis du Commando Conjoint.

- Si nous revenons sur les instructions que vous avez reçu pour ne pas dire la vérité au tribunal et protéger vos chefs, comment vous ont été dictés ces ordres ?

- De différentes façons. L'avocat Jorge Balmaceda doucement en nous demandant de nous souvenir de nos devoirs. Quand il nous donne nos témoignages il nous demande de les lire dans le détail et de le consulter si nous avons des doutes. Quand nous lui expliquons que nous ne pouvons nous inculper pour sauver nos chefs, il se contrarie et tente de nous convaincre et de nous souvenir de toute l'aide que nous avons reçu des forces armées chiliennes. Vous voulez demander de l'aide au Parti communiste ? Les juges vont vous protéger ? Avec ce genre de recommandations personne ne continue à questionner et il nous reste juste à apprendre par coeur ce que nous devons déclarer.

Le commando Conjoint dispose aujourd'hui de cours d'informations où les avocats des forces armées chiliennes et FIFO enseignent avant la comparution au tribunal. Les conférences de l'avocat Jorge Balmaceda, selon ce que raconte Colmillo Blanco, sont de véritables cours magistraux. Les timides protagonistes du commando Conjoint écoutent attentivement dans une salle, pendant que l'avocat en cravate et costume se déplace au milieu d'eux.

On leur explique le profil des juges, les contacts des forces armées avec eux et les conséquences des procès. Quand les tortionnaires confondus consultent l'avocat pour savoir que faire dans un cas où un ex chef est impliqué, le visage du défenseur des forces aériennes change et sa patience aussi. Balmaceda leur rappelle qu'ils sont toujours soldats des forces armées chiliennes et leur répète que les ordres de leurs supérieurs sont clairs : " il ne faut pas mentionner la fin des détenus disparus, ni vos chefs de l'époque, ce qui irrite les lampistes qui disent à voix basse, que de cette manière ils ne sortiront pas libres".
Ce qui commence comme un ordre peut terminer en menaces. Pour Colmillo Blanco, aller au tribunal est une affaire qui n'a pas d'objectif " ils nous emmènent comme des paquets. Avant de rentrer dans le tribunal ils nous donnent des petits magnétophones pour enregistrer les juges et ainsi les chefs ont accès à tout ce qu'on dit. Si nous fermons le magnétophone, ça nous coûte cher. Mais même si nous n'enregistrons pas, l'équipe de FIFO et de Mono Saavedra se renseignent auprès des juges et nous menacent. Ils connaissent notre famille, donc on ne peut pas collaborer".

- Comment vos supérieurs peuvent-ils savoir ce qui se passe dans les bureaux des juges ?

- Ils ont acheté les greffiers et autres fonctionnaires des tribunaux. Les notes des juges et informations du département V d'investigations nous arrivent rapidement. Nous ne devrions pas avoir ces dossiers (il montre un paquet de documents qui, selon une source judiciaire indépendante, consultée par la Nation Dimanche (journal chilien N.D.T.), correspond en grande partie à des pièces photocopiées des attendus.

Les nouvelles opérations

Colmillo Blanco nous renseigne sur des jeux de photographies du commando conjoint, des déclarations d'autres ex agents, comme celles effectuées au mois de mars dernier par l'ex agent Andrés Valenzuela Morales, alias Papudo, en France, pays où il a demandé l'asile en 1983, avant de déserter les forces armées chiliennes. "Cette déclaration va lui coûter la vie à Papudo, les détectives qui ont voyagé pour récupérer sa déclaration ont commis sans le vouloir une grave erreur. Ils ont écrit dans leur rapport au juge l'adresse et le numéro de carte d'identité française de Papudo. Quelques jours après avoir remis le rapport, on m'a raconté que les forces armées chiliennes ont payé quatre millions de pesos (environ 40 000 Francs français N.D.T.) pour récupérer sa déclaration. Non seulement ils savent ce qu'il raconte sur nous, mais maintenant ils savent où il vit. Là est le danger.

C'est dangereux pour qui ?

Pour Papudo. Parce que sur l'ordre du colonel Saavedra et de FIFO deux personnes sont parties pour la France pour rendre visite à Papudo. Pour le neutraliser.

Le neutraliser ? C'est quoi ça : le menacer, le tuer ? Quel type de visite vont-ils faire ?

Pour le moment le surveiller, avoir accès à ses.... (silence) Quelqu'un va devoir le prévenir.
Bien que cet ex du commando conjoint ait collaboré pour résoudre des jugements de violations de droits de l'homme, les forces armées chiliennes l'accusent d'être un traître et il a toujours un ordre de détention en cours contre lui, (Causa No. 54 du 6 Décembre 2001) émanant du tribunal de justice aérienne de Santiago.

Si aujourd'hui le commando Conjoint a des ressources économiques, pour faire des "opératives", des filatures, des surveillances téléphoniques, menaces, vols, rançons et du travail international et national, n'est ce pas une association illicite ?

Si ça l'est. L'unique différence est qu'aujourd'hui nous ne torturons et ne tuons plus, au moins jusqu'à maintenant. Mais le commando conjoint est actif, il l'est. Nous avons des chefs, des réunions et des "opératives".

Qui sont les chefs ?

- Le général en retraite, Freddy Enrique Ruiz Bunger (ex chef de la direction des services d'intelligence des forces aériennes), le colonel en retraite des forces armées chiliennes Juan Francisco Saavedra Loyola, alias el Mono (ex chef des opérations spéciales du commando conjoint), l'adjudant en retraite des armées Daniel Luis Enrique Guimpert Corvalàn et ex "Patria y libertad", César Luis Palma Ramirez, alias le FIFO, Manuel Agustin Munoz Gamboa, alias le Lolo (adjudant en retraite des carabiniers) et Alvaro Corbalan Castilla.

Quel type "d'opératives" réalisent-ils et qui le fait ?

Filatures de possibles membres qui veulent donner des informations à l'ennemi. Infiltrations des bureaux des juges, achats ou vols de documents du tribunal, surtout des notes des ministres et déclarations de témoins. Menaces à ceux qui s'opposent à nos objectifs. Communication avec des réseaux de contacts en différents endroits du pays.
Comme beaucoup, nous avons reçu des instructions d'intelligence et de torture de l' Ex colonie Dignité (forteresse dans le sud du Chili, véritable ville secrète en plein territoire Mapuche, où vivent de nombreux réfugiés nazis N.D.T.) Ils nous font parvenir une liste d'allemands, leurs familles et amis du commando conjoint, pour qu'en cas d'urgence nous puissions recourir à leur aide. (Colmillo Blanco montre une liste de contacts allemands et chiliens : docteurs, commerçants et chef d'entreprises). Les opératives (en ce cas attaques de banques) sont fait pour réunir des fonds pour notre protection. S'il nous passe quelque chose de grave nous ne pouvons pas aller à l'hôpital des forces armées, mais nous avons les adresses de docteurs amis. Dans les "opératives" nous travaillons tous ensemble, si nous sommes libres.

Colmillo Blanco, si les forces armées Chiliennes ont accès à toutes les "coopérations" que vous remettez aux juges, vous n'avez pas tenté de faire passer des informations au tribunal au travers d'un carnet secret ?

Si, bien sur, mais il y a différents types de juges. En premier il y a celui qui t'insulte et ne te donne pas confiance pour parler. Ensuite il y a le juge qui ne te laisse pas parler et dit : " celui qui questionne c'est moi, répondez aux questions". Finalement il y a celui qui ne veut rien savoir sur ce thème. Il y a même une fois où je suis allé chez le juge et je lui ait dit je veux vous donner toute l'information et il s'est affolé. Il m'a dit que mon témoignage était très fort et il ne m'a plus jamais appelé. Personne n'a envie de se mettre dans les problèmes. Il y a des juges qui veulent faire carrière dans le monde judiciaire, et résoudre le problème de la fin des détenus disparus avec des généraux en prison est quelque chose que personne ne veut. Ce même magistrat m'a dit qu'il savait que le commando conjoint fonctionnait actuellement et qu'il était très fortement appuyé. Il m'a même dit : " fais très attention à toi, et ne parle plus de ce thème, figures toi". Les gens chargés de résoudre ce cas me demandent de ne plus parler.

Si les juges ne vous donnent pas confiance pour parler et si vos supérieurs vous interdisent de collaborer, alors quand va-t-on savoir réellement ce qui s'est passé avec les détenus disparus ?

Quand les supérieurs nous diront de parler, nous parlerons, sans avocat des forces armées, sans officiel actif ou en retraite qui nous menacent, et avec des juges disposés à nous écouter sans peur. Avec un jugement ouvert et la presse comme témoin, c'est la seule solution pour les familles des victimes

Avant d'être réorganisé comme commando conjoint, un agent a été cité à déclarer. Dans son témoignage il a été identifié comme un assistant du général Matthei, celui que l'ont nous avait désigné comme intouchable (ni le mentionner, ni le dénoncer). Ça a été un chaos. Il nous a tous défié. C'était Orlando Soto, un sous officier qui était proche de mon général Matthei, on a plus jamais entendu parler de lui. Il y a beaucoup de membres et collaborateurs du commando conjoint que l'on ne doit pas toucher. L'exemple le plus évident d'intouchable c'est celui du Mono Saavedra (Colonel en retraite des forces armées chiliennes Juan Francisco Saavedra Loyola, ex chef des opérations spéciales du commando conjoint et de la DIFA (police sécrète chilienne N.D.T.). C'est ce monsieur qui dirigeait tout dans le commando : tortures, meurtres, disparitions et enterrements illégaux. Il a tellement de pouvoir et il sait tant de choses que nous ne pouvons pas le mentionner dans les procès.

Pour Colmillo Blanco, l'ambiance actuelle au sein du commando conjoint est très divisée. "Il y a les repentis qui pleurent la nuit et hurlent de peur. A peine les lumières s'éteignent sur la base de Colina que commencent les cris et les pleurs. Ils font tant de cauchemars avec les personnes qu'ils ont tué, qu'ils dorment avec la Bible sur l'oreiller. Il y en beaucoup qui veulent tout raconter. Mais ils ont peur de leurs chefs. L'autre groupe c'est celui du FIFO. Ils se caractérisent par leur suffisance, leur méchanceté et leur impunité. Aux contraire des autres, eux n'ont pas peur des chefs et disent qu'ils sont protégés. Quand ils voient un politique à la télévision ils rient et disent " il ne faut pas oublier de tuer ce connard", et les autres répondent: "qui nous l'interdit, chefs ? ".

Le commando Conjoint, selon Colmillo Blanco, ne joue pas. "Nous avons été un groupe de répression. Ici on jetait une pièce en l'air pour savoir qui allait tuer le détenu. Assassiner était une tâche parmi d'autres. Dans les forces armées Chiliennes ont parle toujours d'une guerre contre le socialisme et personne ne va collaborer avec ses informations, non personne, si le prix est au péril de notre famille et de nous même".
source: http://www.chilevive.cl/

Translated by: Elsa Pepin.
Association la Licorne: licorne.elsa@free.fr
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