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11 septembre 2001, je me souviens... de ce qui compte et qui nous attend encore
by un commando « Critique immuable » Monday September 16, 2002 at 01:49 AM

Une carte de souhait pour ce triste anniversaire de la part de l'opération « Critique immuable ».

À la une du Washington Post du 8 septembre 2002 s'entrechoquent l'opération marketing du gouvernement américain nous préparant à l'attaque responsable et héroïque de l'Irak, la publicité du consortium Boeing-Lockheed et co. vantant une de ses machines de guerre volantes qui sera probablement mise à contribution dans la guerre du bien contre le mal, et la photo d'un capitaine pompier de New York serrant son ourson en peluche et affirmant qu'il l'aide beaucoup à faire ses nuits troublées par le traumatisme du 11 septembre 2001. Comme la sublime souffrance traumatique est niée par la mensuration que l'Amérique lui trouve dans l'infantilisme du traumatisé, le croquis sobre inspirant confiance du chasseur hypersophistiqué donne l'impression à l'Amérique que la mort qu'elle inflige est une mort améliorée. On en vient à se demander qui sont les plus dangereux : ceux qui font fusionner la souffrance avec les symptômes finalement assez légers de l'infantilisme et qui se comportent ensuite comme des enfants à qui l'on donnerait la possibilité d'invoquer Dieu afin de faire la guerre à n'importe qui avec un stock sublimement énorme d'armes de destruction massive, ou ceux qui haïssent la civilisation de l'enfant gâté, cette civilisation de l'opulence excessive autant pour la planète que pour les exploités, et qui espéreraient lui rappeler, - eux aussi au nom de Dieu - que ce n'est pas n'importe quoi en tout cas qu'ils frappent mais cela même qu'ils croient être la source des souffrances de beaucoup de gens dans le reste du monde - ce que nous devrons bientôt admettre nous aussi.

Nous ne trancherons pas cette question ici parce que cela nous exposerait à la possibilité d'être suspectés de dissidence dangereuse, d'être sur la pente glissante du terrorisme contemporain. Mais que dis-je : nous sommes déjà suspects comme tous ceux qui ont un esprit conséquent les menant à la dissidence. Nous nous foutons d'être suspectés d'intelligence avec l'ennemi sous prétexte que nous essayons de comprendre l'intelligence de l'ennemi. Et nous comprenons trop bien le stratagème de notre société bête qui nous demande de faire ce que nous ne pouvons pas faire, c'est-à-dire nous rallier au front lobotomisé mondial contre la terreur. Retranchés dans l'utopie de la raison dissidente, nous restons peut-être amalgamés aux ennemis de notre société. Mais que découvrons-nous alors ? Qu'il y a finalement des points sur lesquels les « ennemis » sont relativement sympathiques à notre cause - la critique radicale de la société avec au moins un peu d'esprit rationnel et conséquent. Il est à prévoir que la société du front uni contre le terrorisme, ne faisant même plus de cas de la tension plus faible qu'amène en elle la dissidence, dissidence le plus souvent pourtant exprimée par des gens qui croient à son importance dans la démocratie trop procédurière, saturée d'esprit unique, cette société, donc, risque beaucoup en jouant l'indifférence ou l'amalgame expéditif selon ses humeurs instables dues à la guerre qu'elle mène contre les fantômes terroristes. Nous ne parlons pas de nous évidemment, nous qui ne sommes que des dissidents compulsivement investis dans la critique conceptuelle. Nous parlons plus gravement du ras-le-bol de plusieurs centaines de dissidents subissant concrètement le harcèlement de la police et du système judiciaire antiterroriste qui procèdent, avec la caution de l'État, à l'application de mesures d'exception prétendument justifiées, sous prétexte qu'elles ne visent que les dangereux dissidents.

C'est seulement après le 11 septembre 2001 que l'on peut se laisser convaincre que l'arrestation sans motif de quelques centaines de manifestants inquiets de la violence policière, à Montréal le 15 mars 2002, est une erreur pardonnable. Entre temps, les arrêtés qui seront à coup sûr en grande majorité acquittés d'accusations farfelues doivent payer non pas hors cour, mais intra cour, le prix de leur rêve de dissidence significative : ils sont tous sommés d'assister à l'entièreté de leur cynique procès qui devrait s'étaler sur au moins quatre semaines, ce qui veut dire par exemple pour les étudiants, l'hypothèque sérieuse de leurs études trimestrielles et pour les petits salariés, la perte d'un revenu indispensable (lire : http://www.cmaq.net/node.php?id=9285).

C'est seulement après le 11 septembre 2001 que ce qui nous apparaît comme un scandale mais qui fut très vite oublié, c'est-à-dire l'empêchement de la manifestation du 26 avril (en marge de la rencontre des ministres du travail du G8 à Montréal) par les moyens de « la détention préventive » des « would-be » manifestants avec l'intention claire d'être intimidatrice à travers la séquestration abusive de tous les gens pendant des heures sans motifs d'arrestation est devenu possible. C'est seulement après le 11 septembre 2001 qu'un tel scandale corroboré par la ligue des droits et libertés peut continuer d'être l'occasion d'une opération marketing de la police, fière de son opération d'abord justifiée par la prétendue découverte d'une arme à feu sur un manifestant - ce qui s'est avéré un mensonge ! - , puis par le simple fait que la prévention du terrorisme commande que la police prenne désormais au sérieux ceux qu'elle appelle depuis des années les « manifestants professionnels » et qu'autrefois elle considérait comme du menu fretin.

C'est évidemment aussi seulement après les événements du 11 septembre qu'un Netanyahou ouvertement anti-palestinien, plus radical encore que le boucher Sharon lui-même, peut amalgamer les terroristes visés par l'opération américano-israélienne «&nsbp;Liberté immuable » et les gens qui ont protesté contre sa prise de parole à l'Université Concordia et fait en sorte que l'on annule la conférence pour des raisons de « sécurité&nsbp;». Dans la cohue, les représentants de la communauté juive montent en épingle les accrochages de juifs sionistes et de pro-palestiniens pour y voir unidirectionnellement le signe d'un antisémitisme honteux dans les rues de Montréal ; on titre de manière irresponsable que l'Intifada se répand dans les rues de Montréal pour vendre l'information ; et pour couronner le tout, le principal intéressé nous fait une leçon de démocratie : M. le fomenteur de guerre à finir entre Israël et la Palestine veut nous faire avaler que le fait qu'il n'ait pas pu prendre la parole signifie qu'il a été empêché de parler par d'autres et que cela est une atteinte au droit démocratique de s'exprimer. Il oublie de dire qu'en général, son droit de s'exprimer, compte tenu de qui il est, est quelque chose qui n'est pas aussi spontané chez lui que l'absoluité du droit le laisse croire : c'est plus souvent qu'autrement sa horde de conseillers en sécurité qui sait le mieux s'il est séant d'exercer ce droit. On oublie cela, parce que la plupart du temps, les annulations de rendez-vous sont déguisées derrière des motifs plus banals ; ce qui n'était évidemment pas possible le 9 septembre.

Quoi qu'il en soit, le fond de l'affaire est que certains contradicteurs de Netanyahou, malgré ce qu'il en dit, auraient bien voulu entendre si la vérité peut sortir de sa bouche et peut-être l'aider un peu à cet égard. Or la vérité que Netanyahou et sa bande veulent faire oublier et que les médias toujours aussi lourdauds n'ont pas su relayer de manière adéquate est que plusieurs représentants de l'opinion adverse de M. Netanyahou ont demandé, en vain, d'assister à la conférence : non seulement tous les membres de la Coalition montréalaise pour la paix juste au Moyen-Orient qui avaient des noms à consonance arabe ont-ils été interdits d'accès mais les membres juifs modérés ont subi le même affront. Et ce refus de leur participation a été prononcé après que tous se soient pliés à la demande excessive des autorités de fournir quantité de renseignements personnels pour des raisons de « sécurité ». Ce qui revient à dire que ce sont d'abord les gens disposés à écouter Netanyahou autant qu'à lui faire entendre leur point de vue et lui poser des questions suscitant un débat qui ont été privés du droit de parole. Car après tout, l'opinion de Netanyahou est bien connue et assez limpide - il n'est pas reconnu pour défendre une théorie très complexe. Incidemment, le lendemain, lors d'un événement de levée de fonds pour la poursuite de la guerre en Israël, sa pénétrante herméneutique politique ne lui permettait que d'affirmer avoir vu dans les yeux des protestataires montréalais la même haine qu'il voit dans les yeux des terroristes palestiniens...

Quoi qu'il en soit, la veille, si la conférence avait eu lieu en présence de quelques contradicteurs, peut-être aurions-nous appris quelque chose en écoutant Netanyahou, mais ça n'a pas été possible parce que l'on a conseillé à Netanyahou de persévérer dans la sélection opportuniste de son public. C'est en ce sens et en lui seul que l'on peut regretter que cette conférence n'ait pas eu lieu. Dans ces conditions, il ne restait pour les étudiants qu'à refuser que dans le lieu ouvert à la discussion qu'est par essence l'université, la conférence de Netanyahou devienne l'occasion d'une grande messe sioniste à huis clos. Car évidemment, pour des raisons de sécurité, non seulement ceux qui ne partagent pas l'opinion de Netanyahou étaient-ils exclus, mais les accès de l'université étaient sous surveillance. Pire encore, la police avait déjà investi les lieux à titre préventif.

Est-ce que cela ne ressemble pas un peu au viol de nos espaces publics par des dignitaires internationaux venus discuter du sort des nations au-dessus des têtes des citoyens ? Si M. Netanyahou est une cible ambulante à cause non pas de ses idées mais du pouvoir immense qui lui permet de les rendre opératoires en faisant fi de toute opinion adverse, l'université est bien le dernier endroit où Netanyahou est le bienvenu. Il n'y a pas sa place, l'université étant un lieu de parole orienté (au moins idéalement) par le seul intérêt de la connaissance, par un débat en principe « désintéressé » diraient nos réfugiés du savoir traumatisé par l'attentat à l'Université de Jérusalem - que l'on craint de voir se commettre à nouveau après cet événement (voir Homo Academicus Quebecensis).

Ce qu'il ne faut pas oublier du 11 septembre 2001, c'est tout ce qui nous attend encore en termes d'abus de pouvoir d'exception, d'envahissement de l'espace public, même le plus exigeant - l'université - par la parole de propagande belliciste radicale. À vos marques : il est 15 hres, le 10 septembre 2002 ; c'est l'alerte orange aux USA et, dès lors, dans le monde. Prions pour nos droits et pour la vie des déshérités chez qui la dignité se replie naturellement dans la haine.


Il s'agissait de la misson 50 contre l'opération américaine « liberté immuable ».

Ce texte a été écrit par un auteur qui tient à rester anonyme et qui ne doit pas être confondu avec Stéphane Bureau. Il oeuvre pour la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable ». N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance de la raison : http://www.critiqueimmuable.org.