arch/ive/ief (2000 - 2005)

Six ans après l'enlèvement de Julie et Mélissa
by Marc Reisinger (posted by protesta) Sunday September 15, 2002 at 10:02 PM

Vers le procès d'une bande, pas d'un réseau

C'est le 15 août 1996 que la Belgique découvre Marc Dutroux, lorsque Laetitia Delhez, enlevée le 9 août 1996 à Bertrix, et Sabine Dardenne, disparue à Kain le 28 mai 1996, sont retrouvées dans une habitation de Marcinelle. Deux jours plus tôt, trois personnes avaient été arrêtées: Marc Dutroux, le propriétaire de la maison, Michèle Martin, son épouse, et Michel Lelièvre. Le 17 août, ce sont les corps des petites Julie Lejeune et Melissa Russo, disparues ensemble à Grâce-Hollogne le 24 juin 1995, qui sont découverts dans une maison de Sars-la-Buissière appartenant aussi à Dutroux. Le cadavre de Bernard Weinstein, un complice de Dutroux est trouvé au même endroit. Début septembre, les cadavres de An Marchal et d'Eefje Lambrecks, disparues le 22 août 1995 à la Côte belge, sont retrouvés.

Michel Nihoul est arrêté le 16 août, notamment en raison de ses multiples communications téléphoniques avec Dutroux au cours des heures précédant et suivant l'enlèvement de Laetitia Delhez.

Le dossier est confié au juge d'instruction Connerotte de Neufchâteau. Mais celui-ci est dessaisi sous prétexte qu'il a participé à un souper-spaghetti organisé en faveur des victimes d'enlèvements. Le
dossier est alors confié au juge Langlois.

Six ans après l'enlèvement de Julie et Mélissa, ce dernier a enfin bouclé son instruction. L'affaire a donc été présentée devant la chambre du conseil de Neufchâteau 6 septembre, en vue de règler la procédure. Une étape au cours de laquelle les préventions retenues contre chaque inculpé sont analysées en vue d'un éventuel renvoi devant les assises ou d'un non-lieu.

Le rapport du juge Langlois diffère fortement du réquisitoire du procureur Michel Bourlet. Le juge d'instruction Langlois considère que seules trois personnes doivent être renvoyées devant le jury populaire (Marc Dutroux,
Michèle Martin et Michel Lelièvre). Dans son réquisitoire, le procureur Bourlet envisage, lui, le renvoi des trois précités auxquels il adjoint Michel Nihoul et Gérard Pinon, considéré comme complice de l'assassinat de
Bernard Weinstein, comparse de Dutroux.

Les compte-rendus de la première audience de la chambre du conseil sont fidèles à la ligne "d'épuration" et de désinformation que la presse belge s'impose depuis plusieurs années.

Le juge Langlois est décrit par la grande presse comme "droit et intègre". Son rapport est qualifié de «remarquable, fouillé et limpide » (Le Soir, La Libre, 7 septembre). Cette même presse reconnaît pourtant qu'on ne sait toujours pas qui a enlevé Julie et Melissa, pourquoi, comment, ni où elles ont été enlevées. Dutroux nie les assassinats de An et Eefje, l'enlèvement de Julie et de Melissa et le viol de Julie et de Melissa. On a appris que Dutroux niait également le seul assassinat qu'il avait reconnu, celui de son complice Bernard Weinstein.

Remarquable travail d'instruction, qui renvoie devant les assises un inculpé qui se permet de nier quasiment tous les faits, et contre lequel aucune preuve n'a été établie ! Pour ce qui est du manque de curiosité du juge
Langlois, rappelons que ce dernier a décidé de ne pas faire participer Dutroux à la reconstitution de l'enlèvement de Julie et Mélissa, "parce qu'il n'y avait pas de preuves contre lui" (De Morgen 24/6/2000).
Auparavant, le juge Langlois refusait simplement d'organiser cette reconstitution élémentaire que les parents de Julie et Mélissa ont réussi à lui imposer, par voie de justice, cinq ans après l'enlèvement. Lorsqu'on sait que le seul témoin visuel de l'enlèvement était une dame âgée, on peut se rendre compte de l'importance d'un tel délai. Ce point n'a quasiment été relevé par aucun média belge.

Le travail de désinformation concerté de la presse apparaît de manière flagrante dans ses efforts pour blanchir Michel Nihoul, ce truand en col blanc aux multiples relations politiques et mondaines. Le Soir souligne
l'importance du rôle exact de Nihoul : "La décision du président à propos de Michel Nihoul fera du procès Dutroux le procès d'un réseau ou d'une bande de tueurs d'enfants". (Je suppose que la distinction étrange entre "bande" et "réseau" sous-entend "bande de malfrats" ou "réseau impliquant des membres de la haute société"). Le même journal prétend d'emblée "qu' à la lecture du dossier, le procureur a dû se rendre à l'évidence. Il n'existe aucun élément accablant Michel Nihoul dans le triste sort réservé aux six jeunes victimes" (Le Soir, 6/9/2002).

Pourtant, le procureur Bourlet a montré dans son réquisitoire (dont personne ne vante "le caractère fouillé") que Michel Nihoul a remis 1.000 pillules d'XTC (ecstasy) à Lelièvre au lendemain de l'enlèvement de Laetitia. "Comme paiement", dit Michel Bourlet, en parlant de réseau. Nihoul dit qu'il a agi en tant qu'indicateur en dénonçant un trafiquant anglais, en possession de 10 kilos d'amphétamines. Il aurait omis de signaler la présence d'XTC chez lui. Une autre hypothèse a néanmoins été avancée: la gendarmerie aurait laissé l'XTC à Nihoul, en paiement de ses services. Ce qui ferait que la gendarmerie aurait (involontairement) financé l'enlèvement de Laetitia ! On comprend la gêne des autorités si leur indicateur a trempé dans des enlèvements d'enfants. Pour le juge Langlois - heureusement - il s'agit d'une "coïncidence" si l'XTC a été remis à Lelièvre au lendemain de l'enlèvement de Laetitia... (Le Soir, La Libre, 7/9/2002).

Signalons cependant que Laetitia a été enlevée un vendredi à 20h45, et que Dutroux a envoyé Lelièvre chez Nihoul dès le samedi matin, comme si la prise des 1000 XTC était la tâche la plus urgente à réaliser après l'enlèvement. Il existe également plusieurs témoignages, notamment celui d'une famille flamande (complètement oubliée par la presse francophone) signalant la présence de Nihoul devant la piscine de Bertrix, la veille de l'enlèvement de Laetitia à cet endroit. Rappelons également les nombreux échanges téléphoniques entre Dutroux et Nihoul immédiatement avant et après l'enlèvement.

La campagne de blanchiment de Nihoul dure depuis 6 ans. Le rédacteur en chef du Journal des Procès et principal chroniqueur judiciaire du pays, Philippe Toussaint, fit déjà croire il y a deux ans aux lecteurs du Vif-L'Express que Michel Nihoul bénéficiait d'un non-lieu pour les enlèvements d'enfants. Je crains que Philippe Toussaint n'ait fait qu'anticiper sur une décision prévue depuis longtemps du président de la chambre du conseil, Francis Moinet. C'est ainsi qu'après avoir éliminé Connerotte, la Justice belge neutralisera Bourlet, le deuxième magistrat responsable de l'arrestation de Dutroux...

La prochaine audience, consacrée au réquisitoire du ministère public, se déroulera le 20 septembre. Les audiences suivantes auront lieu les 27 septembre, 4 octobre, 11 octobre et 25 octobre.

VOIR :
La majorité tranquille, Marc Reisinger, 16/9/2000
http://www.verite.yucom.be/EDITORIAUX/2000-09-16%20La%20majorit%E9%20tranquille.htm

Julie et Mélissa "bouclées" à nouveau , Marc Reisinger, 20/01/2002
http://www.innocenceindanger.org/innocence_fr/actu_julie.html

Réquisitoire Dutroux: après la désinfo l'info , Marc Reisinger, 25/04/2002
http://www.verite.yucom.be/EDITORIAUX/2002-04-25%20Dutroux%20Requisitoire%20Bourlet.htm