arch/ive/ief (2000 - 2005)

Népal: Réformer positivement la loi? Peut-être ... Vendre les armes? Sûrement!
by Vincent DECROLY Saturday September 07, 2002 at 08:18 PM
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Du débat de ce samedi à la Chambre sur les ventes d'armes au Népal, on retiendra que la perspective d'un durcissement de la législation belge sur les exportations d'armes s'estompe, alors que se "bétonne" la décision du 11 juillet, confirmée le 29 août. Selon un document de l'Office du Ducroire que Louis MICHEL a refusé de commenter, une livraison complémentaire de munitions au Népal serait même "possible au cours des deux prochaines années".

Hormis la traditionnelle clause de non-réexportation, aucune condition particulière n'a encadré la licence d'exportation de 5500 fusils-mitrailleurs "Minimi" octroyée à la FN le 11 juillet par le comité ministériel restreint ("kernkabinet", composé des premier et vice-premiers ministres libéraux, verts et socialistes). Le 29 août, rien n'a été ajouté, ni retranché à cette décision.
Dans sa réponse aux questions et interpellations des députés spécialement réunis ce samedi, le ministre des Affaires étrangères a démenti que le calendrier de livraison ait été modifié : techniquement parlant, la FN ne sera pas en mesure de procéder à la première livraison (500 armes) avant la fin 2002. Le gros du contrat sera honoré en 2003 et 2004 (avec 2000 unités par an), puis en 2005 (pour les 1000 derniers fusils-mitrailleurs).

Renvoyant la Chambre à son collègue en charge des Affaires économiques, le ministre MICHEL n'a ni confirmé, ni infirmé un élément nouveau versé au dossier par Peter DE CREM (CD&V): selon ce dernier, dans le dossier de l'Office du Ducroire portant sur la couverture de cette exportation "à risque" vis-à-vis de la FN (document daté du 5 août), "de possibles livraisons complémentaires de munitions endéans les deux ans" sont explicitement évoquées.

M. VERHOFSTADT s'était arc-bouté étrangement sur la tenue d'élections en 1999 pour justifier l'appellation "jeune démocratie népalaise" qui a émaillé sa rhétorique depuis deux semaines. M. MICHEL a reconnu que la tenue d'élections n'était "qu'un élément parmi d'autres" pour juger du respect des droits humains par un régime, mais il a franchi un pas supplémentaire ce samedi : "Si les élections prévues dans quelques semaines ne devaient pas avoir lieu, et si cet échec devait être imputé à la rébellion maoïste, les livraisons prévues auraient lieu tout de même".

"NE PENALISONS PAS NOS ENTREPRISES!"

M. MICHEL s'est par ailleurs répandu sur le peu d'écho réservé par ses partenaires européens à ses propositions d'établir une liste, révisable régulièrement, de pays vers lesquels tous s'interdiraient d'exporter des armes. Ils n'auraient pas voulu non plus de sa suggestion de rendre obligatoire le respect du code de conduite européen en cette matière. Etonnante complainte de la part d'un ministre qui, il y a peu (lors de l'arrivée de HAIDER au pouvoir en Autriche), a pratiqué un unilatéralisme tapageur, et qui a précisément bafoué ce code de conduite européen! La Belgique a en effet autorisé une exportation d'armes de guerre qu'un Etat-membre de l'Union (l'Allemagne) avait refusée. Et elle l'a fait sans se concerter avec ce pays.

L'insertion du code de conduite dans la législation serait "possible et sans doute souhaitable", mais le ministre "n'a pas encore d'opinion définitive à ce sujet: il ne faudrait tout de même pas que nos industries s'en trouvent pénalisées; notre réglementation est déjà très restrictive".

De même, M. MICHEL a exclu toute information du Parlement sur des licences avant qu'elles soient délivrées par le gouvernement : "nos entreprises ont droit à la confidentialité commerciale de mise dans ce genre de tractations" !

Si réforme de la loi il y a, rendra-t-elle les ventes d'armes de guerre plus difficiles… ou s'alignera-t-elle au contraire sur le type de critères opportunistes, idéologiques et économiques qui ont prévalu pour les fusils-mitrailleurs promis à Katmandou? A moins que le gouvernement s'en sorte une fois de plus par le bas, par exemple en régionalisant purement et simplement la compétence d'attribution de ces licences controversées.

Si la majorité MR-PS-Ecolo veut réformer la loi que le Parlement a adoptée en 1991, qu'elle commence par la respecter. Cela impliquerait qu'elle renonce, comme le lui redemande une motion déposée ce samedi, à vendre des armes de guerre à un pays où les violations des droits humains sont, selon Amnesty international, de plus en plus nombreuses et manifestes depuis quatre ans. Ensuite, qu'elle inscrive enfin à l'ordre du jour les propositions de loi que j'ai déposées à ce sujet en 1996 et 1998. Ce serait là un excellent service à rendre à la jeune démocratie belge…