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Pour une vie digne, la souveraineté alimentaire. Contre l'ALCA & le déracinement
by (posté par Risbal) Friday September 06, 2002 at 08:06 AM
fleveque@brutele.be

Pour la dignité, la souveraineté alimentaire et la paix sur base de la justice sociale, toutes et tous, à la mobilisation et la Protestation Agraire Nationale le 16 septembre en Colombie.

Pour une vie digne, la souveraineté alimentaire. Contre l'ALCA et le déracinement "

Conscients de la situation difficile que nous, les différents secteurs agricoles colombiens, vivons ; confrontés aux politiques du modèle de développement à partir desquelles a augmenté l'importation des aliments, se sont écroulées les institutions étatiques de soutien aux agriculteurs et producteurs agricoles; rompu le pacte mondial du café ; détruite la souveraineté nationale et l'autonomie productive ; menacée notre sécurité alimentaire ; la hausse du chômage ; criminalisés des milliers de paysans (expulsés auparavant vers des zones de colonisation) ; stimulées la violence et la concentration de terres dans des grandes propriétés improductives ; les organisation sociales du secteur agraire, signataires, appellent à lancer la coordination d'une grande journée nationale de mobilisation agraire et populaire.


Pendant que les producteurs nationaux font faillite, le capital transnational acquiert et contrôle la production, la transformation et la commercialisation des aliments, ainsi que nos formes de culture et de consommation, soumettant le monde agricole et les producteurs agricoles à leurs méga-projets d'investissements - entre autres miniers, pétroliers, hydroélectriques, routiers et fluviaux, de zones économiques spéciales et de chaînes productives - éliminant une grande partie de l'agriculture et de la connaissance traditionnelle, déplaçant violemment les paysans et imposant les cultures qui intéressent les transnationales en fonction du marché international ; contribuant ainsi à approfondir la spécialisation de notre pays dans la production de matières premières vendues sur le marché mondial à bas prix, comme cela se passe pour l'huile, les fleurs, la banane et les cultures de palme, au détriment de la production alimentaire nationale.


L'imposition de l'ALCA augmentera dramatiquement la dépendance alimentaire, le déplacement des paysans et le conflit social dans notre pays. Parmi d'autres, règnent les transnationales d'alimentation comme Unilever-Bestfoods, fabricants de produits comme Maizena, Fruco, Knorr, Mazola et Rama ; Phillip Morris, producteur de Kraft, Nabisco, Marlboro ; les agents commerciaux de notre café comme la General Foods et la Jacobs ; Nestlé, l'industrie du capital international liée à la production de produits laitiers (Cicolac) et de sauces comme California. Nombre de ces compagnies disposent des marchés nationaux (à travers les supermarchés), contrôlant rien qu'à Bogota plus de 60 % de la commercialisation des aliments.

Les actionnaires de ces transnationales, comme Unilever et les membres de son bureau de direction, coïncident avec les propriétaires des compagnies pétrolières, qui, dans le cas de Chevron-Texaco et de la British Petroleum (BP), ou des compagnies d'électricité comme Enron, Reliant, Sithe-Termorrio, ont détruit le patrimoine national. Citons aussi les laboratoires pharmaceutiques et les usines de glifosates, qui, comme Monsanto, fournissent les produits avec lesquels sont fumigées les cultures de coca, de pavots et les parcelles des paysans, indigènes et afrocolombiens. Qui plus est, on retrouve souvent les mêmes industries parmi les actionnaires des entreprises qui fabriquent les hélicoptères utilisés pour le Plan Colombie, parmi lesquelles United Technologies. Enfin, les propriétaires de grandes banques comme la Citybank, JP Morgan Chase, Barclays, Lloys, ABN, Dutsche et UBS, entre autres, sont de grands créanciers de la Colombie.

Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement sortant a élaboré un projet de loi générale sur l'agriculture qui, s'il est adopté, renforcera la domination de ces transnationales sur le pays, en faisant dépendre d'elles les producteurs agricoles moyennant la transformation des chaînes productives existantes, en organisations parastatales corporatives, mettant entre leurs mains l'investissement social et productif de l'Etat. De la sorte, on élimine peu à peu ce qui reste des institutions d'Etat au service du secteur agricole. Le même projet méconnaît le caractère collectif du patrimoine génétique national et prétend le convertir en marchandise, propriété du capital international. D'autre part, le nouveau gouvernement a annoncé dans divers documents et actes publics la poursuite et l'approfondissement desdites politiques contre la Nation ; en d'autres mots : " la main ferme ". Il complète son action avec l'approbation des licences environnementales et la remise à la grande industrie de la production agricole, condamnant par ce fait l'économie paysanne à la disparition, ce qui nuirait non seulement aux habitants des zones rurales mais aussi urbaines, comme cela se passe dans la production sucrière, suite à l'octroi de la licence environnementale aux raffineries du consortium d'entreprises du Caucano de Padilla.

L'exigence du capital international de voir la Colombie entrer dans l'ALCA approfondit la domination, la dépendance et la subordination politique, économique, sociale et culturelle de notre pays : importer des aliments, utiliser des semences génétiquement modifiée incapables de se reproduire (Terminator), consommer des produits importés, fumiger et produire exclusivement pour le marché international affectent non seulement notre économie mais aussi la culture et le savoir traditionnels, les différents rapports au milieu naturel, le patrimoine génétique et jusqu'à notre territorialité. Finalement, notre identité nationale.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, dans un effort coordonné et collectif pour défendre la dignité nationale, l'économie paysanne et l'autosuffisance alimentaire, de même que les intérêts de la population agraire nationale et du peuple colombien en général, nous, organisations signataires, lançons un appel général aux secteurs sociaux des zones rurales et urbaines ainsi qu'aux centrales ouvrières à participer activement à la grande journée nationale de mobilisation et de protestation agraire et populaire, qui aura lieu le 16 septembre prochain, pour soutenir les revendications suivantes :


1. exiger la NON-signature de l'Accord sur le libre marché des Amériques (ALCA) ni des traités dits de la " voie rapide ".

2. Suspension immédiate de l'importation des produits agricoles afin de garantir la souveraineté alimentaire.

3. Remise des dettes des petits et moyens producteurs, suspension des procédures judiciaires de saisie et de recouvrement juridique contre ceux-ci, restitution des biens fonciers saisis, création de crédits de développement et subsides pour les paysans et les petits entrepreneurs.

4. Renforcement de l'économie paysanne et de la petite production rurale, y compris la défense de son espace. Rejet de l'implantation de projets sucriers monopolistiques ; appui au secteur productif artisanal (mine, pêche, …) en rapport avec son importance en ce compris des dérogations à toute mesure législative qui pourrait l'affaiblir.

5. Reconnaissance du droit à la terre comme droit fondamental. Pour une réforme agraire intégrale et démocratique comprenant la fin des grandes propriétés mal exploitées, ainsi que l'expropriation par voie administrative d'autres biens fonciers requise par ce programme et leur remise gratuite aux paysans.

6. Nous exigeons la NON-liquidation des institutions d'Etat du secteur agricole et leur renforcement au moyen d'une dynamisation, d'un refinancement et d'une coordination. Préserver et renforcer l'INCORA comme axe de la réforme agraire avec participation décisionnelle des paysans, des indigènes et des afro-colombiens.

7. Elimination immédiate des fumigations sur les cultures de coca, de pavot et de marijuana, au profit de la mise en place d'une substitution graduelle au travers d'une concertation communautés rurales-Etat-communauté internationale et du financement de plans de développement durable et de plans de vie.

8. Fin des déplacements forcés, des assassinats, des disparitions, des tortures, de la sale guerre ; attention immédiate, opportune et intégrale aux communautés déplacées, indemnisation et retour sur leurs terres des familles paysannes, indigènes et afro-colombiennes déplacées, avec la garantie plaine et entière de sécurité et de projets productifs subsidiés par l'Etat.

9. Garanties effectives pour la validité des droits à la vie et à l'organisation ; contre les bouleversements intérieurs et la criminalisation de la contestation ; pour des garanties à la participation décisionnelle des organisations sociales et populaires sur les sujets clés de la vie nationale.

10. Subside à la production nationale et investissement social pour les petits et moyens producteurs sans conditions de l'Etat à des politiques d'alliance ou de chaînes productives.

11. Indemnisation des femmes paysannes, indigènes et afro-colombiennes et de leurs familles affectées par le conflit social et armé ; protection des leaders et de leurs organisations pour le travail social et organisationnel ; liaison aux programmes d'investissement social, en particulier en faveur des femmes chef de famille.

12. Nous exigeons le respect du patrimoine génétique, des ressources naturelles du pays et de l'environnement, l'autonomie des communautés rurales, de même que l'établissement de mécanismes de production durables qui prennent en compte le savoir traditionnel des communautés.

13. Respect et reconnaissance légale de l'inaliénabilité des terres collectives des peuples indigènes et des communautés afro-colombiennes, de leur intégrité culturelle, de leur autonomie ; dérogation au décret 1320 de 1998 sur la consultation préalable des indigènes pour l'exploitation des ressources naturelles sur leurs territoires ; nous exigeons que le gouvernement décrète comme inaliénables les territoires déclarés Zone de Réserve Paysanne et les biens communaux.

14. Application de tous les accords auxquels ont souscrits les différents gouvernements et entités de l'Etat avec les organisations sociales mobilisées, au niveau local, régional ou national ; réactivation des mécanismes de négociation.

15. Nous exigeons la révision, concertée avec les travailleurs, les paysans et les communautés en général, des lois suivantes : la loi 100 sur la sécurité sociale, la santé, les pensions et les risques liés au travail ; la loi 715 qui réduit les ressources des communautés en matière de santé, de soins sanitaires de base, UMATAS et d'éducation (gèle le revenu des enseignants et le remplace par des ordres de prestations de service) ; la loi 617 qui modifie le régime politique municipal et fonde une loi territoriale perverse. Révision de la norme qui suspend la mobilisation de véhicules à traction animale.

16. Nous exigeons des garanties sur le droit d'association et sur le contrat de travail collectif.

17. Nous exigeons la révision de la politique publique du café pour obtenir des garanties en faveur des petits et moyens producteurs paysans.

18. Contre la privatisation des entreprises publiques et la hausse des tarifs des services publics ; remise à zéro pour les petits et moyens producteurs paysans.

19. Etablissement d'une inspection des organisations paysannes, de descendance africaine ou indigènes internationales pour superviser la situation des Droits Humains des communautés rurales de Colombie ; Application des accords souscrits avec le gouvernement, sous les paramètres des secteurs participants de cette mobilisation.

20. Nous exigeons la recherche d'une issue politique négociée du conflit social et armé sur base des réformes sociales et économiques pour obtenir une paix durable.

21. Solutions au cahier des charges présenté par les organisations régionales dans le cadre de commissions établies dans chaque région.


Nous appelons toutes et tous les colombien(ne)s, les centrales ouvrières, les chômeurs et les travailleurs informels agricoles et de la ville, tous les secteurs productifs agricoles et à la communauté démocratique nationale et internationale, à manifester leur désaccord avec la mise en œuvre des politiques dénoncées ci-dessus et leur solidarité avec la présente lutte ; à unir leurs efforts contre les politiques néolibérales et le modèle de développement, lequel veut nous amener à manger du rat et des cafards comme en Argentine, livrant toutes nos ressources au capital transnational.

Pour la dignité, la souveraineté alimentaire et la paix sur base de la justice sociale, toutes et tous, à la mobilisation et la Protestation Agraire Nationale.

Bogota, Colombie, Août 2002.