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TAYAD: Fatma Tokay, 96e martyre, victime de l'intervention médicale forcée
by Tayad Sunday September 01, 2002 at 02:11 PM
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Nous publions ci-dessous, la lettre de la soeur de Fatma Tokay, envoyée à l'ordre des médecins turcs, peu avant sa mort.

FATMA TOKAY KÖSE, 96e MARTYRE DU JEÛNE DE LA MORT

Le 31 août 2002

L'alimentation forcée a encore tué… au 395e jour de son jeûne, elle a été nourrie de force après avoir été hospitalisée à l'hôpital Numune à Ankara et au 400e jour, elle perdit la vie.
Fatma Tokay est née le 14 septembre 1967 dans le village de Engen du district de Maden situé dans la province d'Elazig.
Alors qu'elle était en dernière année d'étude d'histoire à l'université de Hacetepe, le 5 juin 1994, elle a été arrêtée pour appartenance au DHKP-C. Elle fut condamnée à 17,5 ans de prison mais elle est tombée en martyre 3 ans avant sa libération.

Durant le massacre du 19-22 décembre 2000, elle était détenue à Canakkale. Ensuite, elle fut transférée à la prison de type E située à Kütahya. Après aggravation de sa santé, elle a été successivement hospitalisée à l'hôpital d'état de Kütahya puis à celui de Numune à Ankara. C'est là qu'elle s'éteindra après 400 jours de jeûne.

Voici la preuve de la torture par intervention médicale forcée…

C'est au 399e jour de jeûne qu'elle fut alimentée de force. Ci-dessous, nous publions la lettre que la sœur de Fatma Tokay Köse a remise à l'Ordre des médecins turc.

A LA PRESIDENCE DU CONSEIL CENTRAL DE L'UNION DES MEDECINS TURCS

Ma sœur Fatma Tokay (Köse) a été transférée aux urgences en raison de son jeûne à outrance parvenu au 395e jour. Vingy jours plus tôt, elle était incarcérée à la prison de type E de Kütahya. Ensuite, elle avait été transférée à Ankara.
Là, elle occupait un dortoir des prisonnières de droit commun jusqu'au lundi 26 août, jour où elle perdit passagèrement la mémoire (pourtant elle recouvrit ses esprits par la suite). Elle subit une intervention médicale mains et pieds liés.
Malgré mon insistance durant les 2 premiers jours qu'on eut lieu les interventions, je n'ai reçu aucune information.
Le 28 août 2002, on m'a donné la permission de lui rendre visite pendant 15 minutes. Mais je n'ai pas pu retenir l'atrocité de la scène à laquelle j'ai été témoin. Ma sœur Fatma se trouvait dans la même chambre que deux résistants masculins du jeûne de la mort : Serdar Karabulut et Talat Sanli.
Devant la porte, il y avait deux soldats et un troisième dans la chambre. Ma sœur était complètement nue. Ses draps et son lit étaient recouverts de vomi et de sang.
Elle portait encore la couche que je lui avais mise trois jour plus tôt.
A sa main gauche se trouvait attaché un baxter de sang. A sa main droite, il y avait une série d'appareils. Sa main était aussi attachée à son lit. Ses mains étaient couvertes de cribles, sans doute dûes aux innombrables intra-veineuses manquées.
Sa hanche droite était meurtrie. Les pansements que j'avais mis trois jours plus tôt n'avaient pas été remplacés.
Les pieds de ma soeur avaient énormément gonflé. Elle ne parvenait pas à allonger ses jambes. Malgré cela, on lui avait enchaîné les pieds à l'endroit où c'était enflammé. L'autre bout de la chaîne avait été fixé au lit. Le gonflement de ses pieds étaient tels que sa chair recouvrait presque complètement les chaînes.
Ma sœur était nue, ses draps étaient humides, elle gisait face à la fenêtre qui était ouverte ce qui créait un courant d'air froid. Ma sœur avait très froid.
Elle le répétait souvent. Elle demandait des vêtements. Après chaque perfusion, elle se sentait très mal. Elle exigeait de ne pas avoir d'intervention médicale et d'être emmenée vers un dortoir pour se retrouver parmi ses co-détenues.
Après 15 minutes, le soldat me signala que la visite était terminée et m'a sortie de la chambre.
J'ai ensuite voulu me plaindre auprès des médecins et pour cela, je me suis dirigée vers leur salle de réunion. Cinq médecins étaient assis. J'ai à peine commencé à parler qu'ils m'ont sommé de quitter les lieux. Je leur ai fait savoir que ce n'était pas humain d'abandonner ainsi des patients et leur demandai de m'autoriser à vêtir ma sœur.
Ensuite, ils m'ont chassé.
Ensuite, ils ont annulé ma carte d'accompagnement qu'ils m'avaient délivré. Je ne pouvais donc plus rendre visite à ma sœur.
Ils ont même refusé de prendre le lit gonflable que les médecins eux-mêmes avaient demandé.
Après tout ce que j'ai vu et vécu, je suis très inquiète pour la vie de ma sœur. Ils lui font du tort et ils ne se gèneront pas de continuer.
Je m'inquiète aussi en raison de l'attitude des médecins durant leurs interventions médicales effectuées contre la volonté de ma sœur. Je soupçonne même qu'ils l'utilisent comme cobaye et l'interdiction de visite qu'ils m'ont imposé ne fait que renforcer mes craintes.

Je demande donc :
- que l'on examine les faits indiqués ci-dessus,
- que l'on examine la nature des interventions médicales dont souffre ma sœur,
- que ma sœur soit protégée des médecins qui ne font montre d'aucune approche humaine,
- que l'on mène une enquête concernant les médecins qui ne respectent aucune éthique médicale
- que l'on établit un dossier sur base duquel nous pourrions recourir ultérieurement à nos droits juridiques.


Bien à vous,


Le 30 août 2002

Halime Tokay, sœur de Fatma Tokay (Köse)

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