arch/ive/ief (2000 - 2005)

Aden n°65
by Gilles Martin Tuesday August 20, 2002 at 07:24 PM
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Les dernières news: Marylin Monroe gauchiste...? Scream est-il violent ? Autant de choses bizarres dans Aden...

Aden

Nouvelles de marronnage culturel

Numéro 65, 19/08/2002

"Tout le monde tient le beau pour le beau

C'est en cela que réside sa laideur."

Lao-Tseu, Tao-tö-king

www.aden.be

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Edito.

Dans un texte remarquable, "Ecrire en pays dominé", l'écrivain martiniquais Chamoiseau commence par ces questions: "Comment écrire alors que ton imaginaire s'abreuve, du matin jusqu'aux rêves, à des images, des pensées, des valeurs qui ne sont pas les tiennes ? Comment écrire quand ce que tu es végète en dehors des élans qui déterminent ta vie ? Comment écrire dominé ?" Une des aliénations les plus violentes est d'oublier le monde dans lequel nous vivons et de ne pas comprendre la colonisation qu'il opère en nous, chaque jour. "Qui n'a pas vraiment compris par quoi le système le tient enchaîné n'est pas près de pouvoir libérer le monde, quoi qu'il en pense et quoi qu'on en dise", écrit aussi Alain Accardo. (1)

Qu'il est difficile de regarder le soleil en face en permanence. J'aurais préféré causer poésie, beauté indicible de la vie. Mais toujours ce genre de questions qui taraudent: quel processus psychologique nous permet de pouvoir encore dormir en paix face à ces chiffres: " La fortune des trois individus les plus riches du monde dépasse la richesse cumulée des habitants des 48 pays les plus pauvres... Au cours de la décennie écoulée, les rejets de gaz carbonique (CO2), cause principale du réchauffement climatique, ont augmenté de 9%... Ceux des Etats-Unis, premier pollueur de la planète, ont crû, durant la même période, de 18% ! Plus de un milliard de personnes continuent à ne pas disposer d'eau potable, et près de trois milliards (la moitié de l'humanité) consomment une eau de piètre qualité. A cause de l'ingestion de cette eau polluée, 30.000 personnes meurent quotidiennement. Soit plus de dix fois - chaque jour ! - le nombre de victimes des odieux attentats du 11septembre 2001...

Les forêts continuent d'être dévastées ; 17millions d'hectares disparaissent chaque année -quatre fois la taille de la Suisse. Et comme les arbres ne sont plus là pour absorber les excédents de CO2, l'effet de serre et le réchauffement s'aggravent. Par ailleurs, chaque année, quelque 6000 espèces animales sont exterminées. Une extinction massive menace -13% des oiseaux, 25% des mammifères, 34% des poissons-, comme la Terre n'en a jamais connu depuis la disparition des dinosaures... "(2)

Ce constat accablant pousse à nous interroger sur notre propre capacité à transformer nos idées en actes.

Car nos beaux discours ne résoudront jamais rien sauf s'ils contribuent à une prise de conscience généralisée qui poussera tout un chacun à se lancer dans l'art concret de se battre pour changer les choses, c'est-à-dire de faire de la politique par tous les moyens nécessaires.

  1. " De notre servitude involontaire ", éditions Agone.
  2. Le Monde Diplomatique, août 02

Activité(s)

Le 23 août de l'an 2 de ce siècle, Aden vous invite à un hommage chanté à Georges Brassens par Jean-Marc Degreve et une signature de l'écrivain et photographe Anne Penders. Le tout dans la désormais mondialement connue librairie qui se cache au 44 avenue Bréart à 1060 Saint-Gilles.

Ceci à 18h…

Qu'on se le dise.

Gilles

Les brèves

Ces mythes qui puent la naphtaline

L'icône, la star, dont l'image traverse les âges troublés du 20ème siècle, est un formidable robinet à pognon Des circonstances sociales, économiques et politiques, parfois un réel talent, surtout des agents habiles et sans scrupules, ont propulsé au rang de mythes des personnages comme Marylin, Elvis. Outre sa capacité sournoise à abrutir les gens, le mythe est une formidable source de profit. C'est sans doute une de ses raisons d'exister.

C'est pourquoi à chaque anniversaire de la mort de machin, l'industrie du spectacle se met en branle pour inonder le marché de gadgets, d'inédits inaudibles et d'autres produits dont on cherche vainement l'intérêt.

Or, derrière le vernis du mythe, se cachent souvent des personnages moins consensuels. La propagande capitaliste aura pris le temps de lisser ces personnages et pourtant.

Marylin

C'est sans rire que je peux lire dans un journal que Marylin n'était rien d'autre qu'une bombe…politique:
" La star est liée au communisme ( ndlr: sic !), épouse de l'écrivain Arthur Miller, sympathisant du parti, qui a refusé de témoigner devant la commission des activités anti-américaines pendant la chasse aux sorcières. Marylin, soutenant son mari, a donc la réputation d'être une gauchiste." (1)

On savait que Monroe fréquentait les Kennedy, qu'elle avait des potes dans la mafia, qu'elle était surveillée par le FBI, mais voir en elle une gauchiste, j'avais jamais lu. Encore une tentative de gagner au mythe Monroe quelques gauchistes irréductibles ?

Elvis

Si Elvis Presley est bel et bien le "King", autant immédiatement marquer son royaume du sceau de l'imposture. Le sinistre Eminem a compris qu'Elvis était un frère de sang puisque de l'aveu du rappeur bête et méchant, Presley est comme lui un "pillard des musiques noires." Parce qu'Elvis n'a rien inventé. Simple interprète, certes doué, qui s'appuya sur les complexes d'une Amérique conservatrice qui n'aurait jamais pu accepter qu'un noir puisse se déhancher et chanter à sa façon…alors que le rock'n'roll était le fruit du blues et descendait en ligne directe de la culture afro-américaine. Chuck Berry, inventeur du genre, ne pouvait pas concourir face à Elvis: il était noir. Le "King" lui même abandonnera rapidement le côté trop incorrect du rock pour l'émousser et livrer cette musique à la prostitution dans les ornières sordides de la variété. John Lennon considérait qu'Elvis était mort dès 1958. Un anniversaire que l'industrie du disque ne fête pas. Bref, Presley choisira toujours l'argent plutôt que l'art et Hollywood plutôt que le Rock'n'roll…

On pourrait encore en ajouter des vertes et des pas mûres comme son amitié avec le très conservateur Nixon mais finalement à quoi bon ? La meilleure façon de tuer les mythes, n'est-ce pas de les laisser dans l'obscurité du placard ???

(1) Libération du 05/08/2002

Scream et châtiments

Toute la France bien pensante s'est perdue en analyses stériles face à l'acte d'un adolescent qui, après avoir regardé Scream, s'accoutra du costume du serial killer et assassina de 43 coups de couteau sa pauvre copine. Certains demandèrent l'interdiction du film. On pourrait rétorquer, avec un peu de cynisme, qu'on a qu'à commencer par interdire la Bible, la Torah ou le Coran vu le nombre de meurtres, de guerres, de massacres que ces livres ont suscité au cours de l'histoire. C'est un peu taquin.

Plus sérieusement, on accuse de violence ces films mais personne n'accepte l'idée de se pencher sur la vraie violence: celle qui est statufiée, honorée, légitimée chaque jour. On parle d'interdire la violence filmée pour les jeunes ? Que dire des journaux télévisés ? On y voit l'arrogance des puissants qui règlent leurs différends à coup de bombardements massifs dans la gueule. On y voit des ministres faire l'apologie de la force pour régler des problèmes de société. On y apprend que des patrons plongent dans la misère des milliers d'hommes pour redresser quelques courbes dans les méandres scabreux de la Bourse.

Et on vient nous parler de la violence des jeux vidéos ou des films. Ces derniers ne sont finalement que le reflet d'une société qui n'a jamais cessé d'utiliser la violence pour imposer son ordre social.

Cependant, il ne s'agit pas d'exonérer les produits culturels qui encensent la violence.

Il est nécessaire de s'interroger pourquoi la "production culturelle" américaine est si imprégnée de violence et de cruauté ? Quelle conception philosophique de l'homme se cache derrière ces 'produits'

A bien y regarder, on y retrouve le vieil adage que "l'homme est un loup pour l'homme", qu'il faut donc se protéger de ce dernier pour protéger sa vie et ses biens. Toute forme de vie sociale ou collective y est perçue comme contenant des germes criminogènes. Ainsi triomphe, pour faire court et certainement caricatural, le règne du chacun pour soi. Le règne de l'individualisme à outrance. La peur irréelle des autres transforme les autres en ennemis et finira toujours par mal se terminer. D'après les journaux qui parlaient du jeune meurtrier, ce dernier était un garçon lisse et sans faille apparente. C'est cet univers digne de Disney où tout le monde est lisse, sans faille, qui mène à la détresse psychologique et à l'horreur d'un monde stérile.

Georges Michael ne peut plus le blairer…

Il y a des signes qui ne trompent pas: la guerre que Bush veut faire claquer à la face de l'Irak ne va pas être si facile à imposer à son entourage. Le fidèle laquais et accessoirement Premier Ministre anglais, à savoir Tony Blair, émet quelques réticences à aller bombarder un pays déjà exsangue, sans raison valable…pour l'opinion publique. ( Bush a de bonnes raisons lui: servir les intérêts du lobby américain du pétrole…mais bon, dans l'opinion, le pétrole, ça tache.)

Tony a les pires difficultés: des centaines de milliers de signatures contre la guerre et, même, des îlots du sacro-saint pouvoir capitaliste se mettent à entamer le moral des va-t-en-guerre. En effet, la très gentille chaîne MTV diffuse un clip du chanteur Georges Michael dans lequel Blair est présenté comme le toutou docile de son maître Bush…Tony a du souci à se faire. Ce qui signifie du répit pour les populations martyres d'Irak. Cependant, faudra pas s'étonner de voir bientôt la contre-offensive utiliser ses techniques habituelles pour conquérir nos âmes: des campagnes médiatiques vont certainement nous apprendre que Saddam se nourrit de cadavres d'enfants dans des caves secrètes, qu'il pollue gravement la terre entière et qu'il risque d'envoyer des ogives nucléaires et chimiques dans nos petites villes.
Quand les TF1, CNN commenceront à causer de cela, la guerre sera proche. Qu'on se le dise.

 

Le supplément d'Aden : Aden Livre

C'est le livre incontournable de la rentrée:

Une histoire populaire des États-Unis d'Amérique

De 1492 à nos jours

Howard Zinn

Format 12 x 21 cm

812 pages

28 euros

 

Un pour cent de la population américaine détient un tiers de la richesse nationale. Le reste est réparti de telle manière que les 99 % de la population restante sont montés les uns contre les autres : les petits propriétaires contre les plus démunis ; les Blancs contre les Noirs ; les " natifs " américains contre les citoyens d'origine étrangère ; les intellectuels et les professions libérales contre les travailleurs non qualifiés et non diplômés. Ces groupes se sont opposés et ont lutté les uns contre les autres avec une telle violence qu'ils en ont oublié qu'ils étaient tous réduits à se partager les maigres restes de la richesse nationale. (Ce scénario fut rejoué tout au long de l'histoire politique des États-Unis : la mobilisation des énergies des classes défavorisées par les politiciens issus des classes supérieures, et ce pour le plus grand profit de ces derniers.)

Mettre l'accent sur l'unité de ces 99 % de la population américaine, affirmer que leurs intérêts sont parfaitement contradictoires avec ceux des plus riches, c'est faire exactement ce que les gouvernements américains et l'élite fortunée qui les soutient – des Pères Fondateurs à nos jours – ont toujours essayé d'empêcher.

 

Cette histoire des États-Unis présente le point de vue de ceux dont les manuels d'histoire parlent habituellement peu. L'auteur confronte avec minutie la version officielle et héroïque (de Christophe Colomb à George Walter Bush) aux témoignages de ses acteurs les plus modestes. Les Indiens, les esclaves en fuite, les soldats déserteurs, les jeunes ouvrières du textile, les syndicalistes, les GI's du Vietnam, les activistes des années 1980-1990, tous, jusqu'aux victimes contemporaines de la politique intérieure et étrangère américaine, viennent ainsi battre en brèche la conception unanimiste de l'histoire officielle.

 

Howard Zinn a enseigné l'histoire et les sciences politiques à la Boston University, où il est aujourd'hui professeur émérite. Son œuvre (une douzaine d'ouvrages) est essentiellement consacrée à l'incidence des mouvements populaires sur la société américaine.

Plus d'infos, la couverture en ligne: www.aden.be/c.htm

Enfin un livre sérieux et de qualité sur Gênes.

Gênes, Multitudes en marche contre l'empire.

336 pages

16€

Dans la capitale ligure elle-même, il existe un chant traditionnel, polyphonique, celui des dockers qui, une fois le labeur terminé, font trallalà, trallalà en chœur dans les bars. Gênes, des choses et d'autres, des voix et des sons. Durant les jours du G8, avant, pendant et après la catastrophe, un gigantesque trallalero a retenti dans toute la ville. Des centaines de milliers de manifestants, des femmes, des hommes et des enfants, qui hurlent tantôt de panique, tantôt de bonheur, tantôt de colère ; des forces militaires qui cognent leurs matraques tantôt sur leurs boucliers, tantôt sur la gueule qui passe à leur portée ; des commentaires idiots mais énoncés doctement ; des idées de transformation avancées à voix basse, des histoires, des prières, des chants " [1].

Du 19 au 21 juillet 2001 se réunissait à Gênes le G8, dans une Italie qui venait tout juste de passer sous le contrôle d'une coalition de droite, sous la direction du très controversé Silvio Berlusconi, rassemblant aux côtés de Forza Italia (le parti du cavagliere), les " post-fascistes " de l'Alleanza nazionale, les " séparatistes " xénophobes de la Ligue du Nord, plus quelques restes de la vieille Démocratie chrétienne.

Un sommet du gouvernement autoproclamé du " Monde " qui s'annonçait aussi d'emblée comme un enjeu majeur, tant pour le pouvoir qui – après les contre-manifestations massives de Seattle, Pragues, Davos, Nice, Québec ou encore Göteborg – doit absolument faire une démonstration de force politique aux yeux du monde et imposer sa suprématie ; que pour la contestation de la mondialisation néolibérale qui ne peut que saisir cette nouvelle occasion d'être acteur — tout à fait indésirable – d'un processus de transformation sociale globale que l'on tente d'imposer " par le haut ".

Mais le rendez-vous de Gênes s'annonce aussi comme bien plus que cela. Il ne pouvait de fait que marquer, à plus d'un titre, un tournant pour le mouvement dit " anti-globalisation ", et clore ainsi un cycle de luttes et de mobilisations initié quelques années auparavant (1999) avec les journées de Seattle [2].

Tout d'abord parce que les sommets futurs des organismes internationaux de pouvoir (Forum économique, Organisation mondiale du commerce, G8, etc.) offriront probablement, de par leur localisation, bien moins prise à des mobilisations de masse internationales : ne parlait-on pas dès l'approche de Gênes d'un prochain sommet du G8 dans les Rocheuses canadiennes [3] ou d'une session de l'OMC au lointain Quatar. Ensuite, et surtout, parce que le mouvement lui-même – à partir de Seattle – a produit des parcours collectifs qui ne peuvent être indéfiniment reproduits de façon mécanique : que ce soit l'effet de surprise du processus coopératif des multitudes qui s'est vérifié à Seattle, ou encore l'agrégation affinitaire dans l'action collective qui est apparue à Prague, aucun de ces " modèles " ne s'est répété à Gênes où, qui plus est, le mouvement s'est particulièrement confronté à la force brute de la violence du pouvoir d'État.

C'est dans cet état d'esprit que nous avons pris la route pour Gênes. Nous, c'est-à-dire des dizaines de milliers de femmes et d'hommes, de syndicalistes, de militants associatifs, d'activistes divers et variés, de féministes, de religieux, de " casseurs ", de pacifistes, etc. Des dizaines de milliers d'individus, venus des quatre coins de la planète, qui ont investi dans cette sorte de nomadisme de la contestation leurs parcours, leurs expériences, leurs affects, leurs espérances et leur rage. Les multitudes du " peuple de Seattle ", qui s'étaient transformées au fur et à mesure en " peuple de Prague ", " peuple de Québec " ou " peuple de Göteborg "... et qui s'est fait " peuple de Gênes ".

C'est que nous avons voulu raconter dans ce livre. Le récit de cette histoire en train de se faire.

Car, plus encore que des raisons purement " politiques ", l'envie de faire un livre " sur " Gênes tient surtout au fait que ceux d'entre nous qui y ont participé d'une façon ou d'une autre – qui étaient à Gênes et qui ont participé à la mobilisation avant – n'oublieront jamais ces journées incroyables, et ne peuvent se retrouver dans les interprétations médiatiques et/ou idéologiques qui, après coup, tentent d'occuper l'espace imaginaire et subjectif.

De par le travail réalisé par les réseaux de communication alternatifs (en particulier autour de samizdat, du réseau Indymedia ou de Carta en Italie), qui d'autre que " nous " finalement dispose de la " matière première " pour raconter Gênes sans autre prétention que de donner la parole à des acteurs de ce mouvement, sans d'autre prétention que de restituer du vécu, de la subjectivité, du désir ou de la rage, et une diversité d'expressions politiques. Qui d'autre pouvait envisager de livrer les sources de cet instant d'histoire mineure à l'intelligence collective des sujets sociaux, loin de toute reconstitution apocryphe ou mythologique [4].

" Donner corps à la polyphonie des multitudes de l'Empire ", comme nous l'avions annoncé avant Gênes [5]. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Parler avec dix mille voix, raconter de cent mille façons, construire un point de vue politique riche de la diversité de nos points de vue.

Cet ouvrage est donc d'abord un recueil de documents du mouvement et de récits à la première personne. Des textes qui sont tout autant les minuscules " dépêches " que nous diffusions à chaud [6], les appels des différentes composantes du mouvement de Gênes, que les insatiables paroles écrites de ceux d'entre nous (et d'autres, tant d'autres) qui ont ressenti le besoin de dire dans les jours ou les semaines qui ont suivi ce qu'ils ont vécu à Gênes. Des images aussi, qui saisissent ces fragments instantanés infimes de ce à quoi nous avons assisté et participé.

Peut-être faut-il, pour conclure et pour lever toute ambiguïté, justifier aussi certains choix. Nous n'avons, bien sûr pas " tout " publié : comme pour n'importe pour quel ouvrage, il fallait trier, sélectionner et organiser une importante quantité de matériaux disponibles en particulier sur les mailing lists et les sites web du mouvement. Ces choix sont bien sûr parfaitement subjectifs. Nous avons cela dit cherché à respecter au maximum les diverses sensibilités qui se sont exprimées, indépendamment de nos propres proximités ou engagements politiques personnels ou collectifs. Répétons-le : la qualité du débat dans le mouvement nous importe plus que les " vérités " hâtives.

C'est pourquoi aussi, loin d'esquiver le débat sur la " violence " dont ont fait usage une partie des manifestants, ou sur les " provocations policières ", nous avons par contre écarté les prises de positions par trop polémiques et réductrices, préférant illustrer la diversité – et éventuellement les oppositions – de points de vue et de logiques, et les livrer ainsi à la réflexion collective. C'est dans cette logique que samizdat.net avait déjà, dans le feu de l'action, accordé une certaine place aux prises de positions de diverses composantes du " Black Block ", tout comme à celles des composantes pacifistes et non-violentes, des " Tute Bianche " ou encore des " sorcières féministes " comme Starhawk. Polyphonies, encore... [7]

Enfin, comment conclure sans avoir une pensée pour Carlo Giuliani, tombé sous les balles de la police de l'Empire, et aux centaines et centaines de blessés, torturés, frappés, interpellés, emprisonnés, pour être venu exprimer leur conviction qu'un autre monde, un monde fait d'autres mondes, est nécessaire et possible.

[1] Thomas Lemahieu, Trallalero genovese - Polyphonies génoises, août 2001.

[2] Sur Seattle voir : Starhawk, Comment nous avons bloqué l'OMC.

[3] Le prochain sommet du G8 aura effectivement lieu à Kananaskis, localitée isolée dans les Montagne Rocheuses (genre Davos en moins accessible), près d'Ottawa au Canada.

[4] Qu'il s'agisse, par exemple, des inepties mensongères d'une Susan Georges qui reprend le refrain complotiste sur les " casseurs manipulés par la police ", ou l'imbécillité paranoïaque d'une partie de l'ultra-gauche parisienne qui dénonce avec hargne la " trahison réformiste " de tous et verse dans un douteuse éloge de l'émeute.

[5] Voir notre texte : samizdat.net, " Donner corps à la polyphonie des multitudes de l'Empire ", repris dans cet ouvrage.

[6] Voir en particulier le web de samizdat (Hacktivist News Service) et le Temporary News Engine mis en place au moment de Gênes.

[7] Le lecteur attentif remarquera aussi que nous n'avons pas cédé à la tentation, contrairement à d'autre, de noyer la " leçon gênoise " dans le trauma du 11 septembre. " Apocalypse New York " marque très certainement un tournant dans la politique de l'Empire (le passage à l'état de guerre permanent), mais n'oblitère en rien la nécessité d'une évaluation du parcours collectif des multitudes de Seattle à Gênes. Sur les évaluations du 11 septembre et de ses effets collatéraux.

Vous voulez voir à quoi ressemblent les livre cités plus haut ainsi que les couvertures des coups de cœur de ce numéro: www.aden.be/c.htm

 

Allez zou ! On se retrouve bientôt.

Gilles Martin

Aden est envoyé à 11007 personnes.

Qu'est-ce que le marronnage culturel ? En guise de manifeste.

Le 'marron', cet esclave qui à l'époque de la servitude, brisait ses chaînes pour fuir l'ordre établi, et bien, le nègre marron m'a pris à la gorge. Et ce mot que je cherchais pour dire ma révolte de l'ordre culturel et de l'ordre tout court, ce mot qui souligne à merveille ce refus qu'on voudrait balancer à la gueule de ceux qui nous macdonaldisent, qui disneyisent, qui nous transforment en clochards de la culture, je le trouvais sur cette "île inquiète"(1): le marronnage ! Aujourd'hui, en Occident, la chaîne n'emprisonne plus l'esclave au pied. Les chaînes de notre servitude sont aussi posées dans notre cerveau. Combien de Français, de Belges abrutis et colonisés par Star Academy ? A quoi rêvent encore les hommes écrasés par la Loterie Nationale et les rubriques zodiacales de je ne sais quel canard boiteux ? Pourquoi cet océan de verroteries ??? Le marronnage m'apprend à vouloir casser mes chaînes et à prendre le maquis de la contre-culture. C'est là qu'est le vrai but d'Aden car marronnage signifie subversion et transgression d'un ordre contraire. En conséquence, je vous invite à partir dans la montagne bouter l'incendie de notre inaliénable révolte.

Gilles Martin

(1) La Martinique.