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Niger: le pouvoir entre en guerre
by MAS - LSP Friday August 09, 2002 at 01:35 PM
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Le 30 juillet dernier, de centaines de soldats subalternes sont entrés en mutinerie dans 3 casernes de l'est du Niger. Ils réclament 5 mois d'arriérés de salaires, et de meilleures conditions de vie.

NIGER: le pouvoir entre en guerre contre des soldats qui revendiquent leurs salaires et de meilleures conditions de vie

Le 30 juillet dernier, de centaines de soldats subalternes sont entrés en mutinerie dans 3 casernes de l'est du Niger. Ils réclament 5 mois d'arriérés de salaires, et de meilleures conditions de vie. Pour appuyer leurs revendications, ils ont sequestré leurs chefs hiérarchiques (des officiers supérieurs), le gouverneur de la région, un député, et un chef féodal.

Le lundi 4 août , d'autres soldats de 3 autres casernes de Niamey (la capitale) ont tenté à leur tour de se mutiner, mais ils furent sévèrement réprimés par la garde présidentielle. Le pouvoir a envoyé les militaires qui lui sont restés fidèles, pour aller combattre les mutins de l'est du pays.

Depuis 1974, date du premier coup d'Etat militaire, l'armée a joué un rôle sinistre dans la vie politique au Niger : plus de 20 ans de dictature militaire, 3 coups d'Etat sanglants, sans compter d'innombrables atteintes aux droits humains ,de massacres et tortures. Mais , ce n'est pas toute l'armée qui bénéficie des avantages que celle-ci tire de sa puissance.Ainsi, l'armée du Niger, comme la plupart des armées des pays néocolonisés, reflète aussi en son sein la division en classes.D'une part il y a la couche d'officiers, qui sont privilégiés, bénéficiant de toutes sortes de faveurs, car c'est elle qui est susceptible de fomenter les coups d'Etat. Au milieu il y a une élite de soldats privilégiée, bien payée ,bien armée et détachée du reste de l'armée.C'est le cas de la garde présidentielle, ou des parachutistes. En dessous, il y a la majorité des soldats, mal payés (moins de 35 euros par mois), vivant dans une misère extrême, sans aucun droit démocratique reconnu. En effet, ces soldats n'ont pas le droit de protester de manière civile , ni même de s'exprimer sur la situation qu'ils vivent dans les casernes, sous prétexte qu'ils font une tâche ‘patriotique'.Donc la seule voie de revendication qu'il leur reste, est la mutinerie. Au Niger, ces soldats, devant des conditions de vie impossibles, même sous le régime militaire, entrent en mutinerie. Cette mutinerie se manifeste en général par une forme de désobéissance au pouvoir, par des tirs en l'air, séquestration d'officiers supérieurs , … jusqu'à la satisfaction de leurs doléances. C'est ainsi qu'en février 1998, dans la foulée de la grève des travailleurs, il y a eu une mutinerie de soldats pour réclamer leurs arriérés de salaires.D'habitude, au Niger,ce genre de mutineries finit toujours à ‘l'amiable' ,le gouvernement paye leurs salaires aux soldats, et ceux-ci mettent un terme à la mutinerie. Mais cette fois-ci, le pouvoir a préféré user de la force pour écraser la protestation, en engageant une partie de l'armée qui lui est fidèle pour aller en guerre contre les mutins.Les combats ont déjà fait plusieurs morts, les mutins se sont réfugiés à la garnison de Ngourti ,dans le desert. Entre- temps, le gouvernement sort un décret imposant le silence à la presse tant nationale qu'internationale : tout commentaire sur cette affaire équivaut à un acte de ‘complicité' avec les mutins . Ce qui laisse entendre que le pouvoir à beaucoup de choses à cacher.

Pourquoi le gouvernement nigérien préfère t-il dépenser beaucoup plus d'argent (plus que les doléances des mutins) pour faire la guerre et des morts, plutôt que de négocier et satisfaire les revendications –somme toute modestes- des mutins ?

En fait, le Niger, pays néocolonisé, est depuis plus de 20 ans dans une crise économique continue. L'économie fait l'objet d'un pillage systématique de la part de l'impérialisme et d'une bourgeoisie locale parasitaire. En 2000, le P.I.B. du Niger est de 1,8 milliards de dollars, alors qu'il était de 2,5 milliards en 1980. Ce qui fait une baisse de 700 millions de dollars. En 1999, 33% du budget du Niger a été consacré au payement de la dette, contre 20% pour les dépenses sociales .Cela se traduit par des licenciements dans la fonction publique, les réductions des salaires ,des bourses ,et le quasi abandon par l'Etat des secteurs de la santé et de l'éducation. La conséquence de tout cela, c'est une agitation sociale permanente,avec des grèves de travailleurs dans presque tous les secteurs,et aussi chez les étudiants. Ce que le gouvernement gagne en faisant des économies budgétaires au détriment des travailleurs, il le perd en nombre de jours de grève qui constituent un manque à gagner considérable. Le pouvoir s'est rendu compte qu'il ne peut satisfaire aux exigences de l'impérialisme, qu'en s'adonnant à la répression, et en retrécissant les libertés démocratiques. Ainsi ,les marches d'étudiants sont violemment réprimées, et les leaders mis en prison sans jugement. Les grèves des travailleurs font l'objet de menaces et d'intimidations.Les journalistes et les membres d'associations de droits de l'homme subissent du chantage, et parfois sont jetés en prison.

En tentant de massacrer des soldats qui réclament leurs salaires, le pouvoir veut profiter de la situation à travers ‘l'état d'urgence' qu'il vient de proclamer, pour réduire au silence toutes les oppositions à sa politique de soumission à l'impérialisme, notamment les syndicats et l'organisations des scolaires. Il peut pour cela compter sur le S.G de l'O.N.U, et l'ambassadeur de France au Niger qui ont apporté leur soutien au gouvernement.

Le cas du Niger montre que les mesures dictées par le F.M.I et la banque mondiale ne peuvent jamais être appliquées dans un cadre démocratique, avec un respect du droit de grève, et de la liberté d'expression.

L'impérialisme, en dépit de ses paroles d'intention sur la démocratie, a toujours besoin de la dictature –quoiqu'avec un masque démocrate- pour asseoir son exploitation. Chirac n'a t-il pas dit que ‘l'Afrique n'est pas mûre pour la démocratie ?'.