Italie · Berlusconi veut des tribunaux à sa botte by Alice Bernard [posted] Wednesday August 07, 2002 at 12:10 PM |
L'opération «Mains propres» lancée il y a juste dix ans pour combattre la corruption et la mafia semble définitivement enterrée avec l'arrivée de Berlusconi au pouvoir. Le Sénat italien vient de lui rendre le droit de contester «l'impartialité des juges». Du côté de l'Union européenne, c'est le silence...
Italie · Une loi favorable à Berlusconi et ses amis
mafieux Le Sénat italien a voté le 1er août une loi réintroduisant la notion de «suspicion
légitime» envers les juges. Un justiciable peut ainsi demander la remise d'un
procès s'il estime que le tribunal est partial. Il ne suffisait pas à Berlusconi
de pouvoir, comme dans tout état de droit, récuser un juge. Il veut le droit
de changer tout le tribunal d'un coup. Malgré les vacances, les travailleurs italiens sont
descendus par milliers dans la rue pour contester la politique de Berlusconi.
Photo: hommage à Carlo Giuliani, à Gênes, un an après l'assassinat du jeune
antimondialiste par la police. (Photo David Ambrosio) C'est que le «Cavaliere» doit faire face à Milan à un procès pour corruption
de magistrat. Il aurait pu récuser un juge pour partialité, mais le tribunal
en aurait désigné un autre. Avec la nouvelle loi, il peut récuser l'ensemble
du tribunal milanais et demander à être jugé ailleurs. «Dans le nord du pays
par exemple», explique le journaliste Rolf Uesseler1 dans Junge
Welt2, «où les juges lui sont tout acquis.» «Il ne s'agit pas que de Berlusconi, mais surtout de la mafia et de l'influence
croissante d'associations criminelles (sur l'Etat et la Justice). C'est
d'ailleurs un parlementaire sicilien très connu qui a introduit la nouvelle
proposition de loi. Nous parlons donc d'une initiative de et pour Berlusconi
et ses amis mafieux. Les mafiosi ne veulent pas de procès à Palerme et Berlusconi
et ses amis récusent le tribunal de Milan. Chacun y trouve son compte.»
Au pas de course Depuis Enron, WorldCom et autres Vivendi, les pratiques criminelles des multinationales
sont apparues au grand jour. Falsification des chiffres, corruption des vérificateurs
aux comptes, délits d'initiés,... Mais qu'importe. Quand les pratiques du capital
s'avèrent illégales, il n'y a qu'à changer la loi. C'est ce qui se passe aujourd'hui
en Italie. Mafia ou capitalisme, la frontière n'existe plus. Pour Uesseler,
«les liens entre Milan et Palerme sont tellement étroits qu'il ne faut même
plus en parler. Ce n'est pas pour rien qu'il n'y a aucun parlementaire de l'opposition
en Sicile. Là-bas, c'est la mafia qui les désigne tous.» Le calendrier parlementaire a été bouleversé pour faire voter cette loi. Avant
les vacances, mais surtout avant les plaidoyers du procès milanais contre Berlusconi,
prévus pour septembre. Afin d'éviter une volée d'amendements de l'opposition,
on a passé outre la discussion en commission de la justice, pour envoyer le
texte directement au Sénat. Et là, on a raccourci les temps de parole puis interrompu
les débats. Du jamais vu dans l'histoire parlementaire italienne. L'an dernier, une loi du même genre à propos de falsifications de bilans, avait
également fait grand bruit. Il s'agissait là aussi d'empêcher la poursuite de
cas de criminalité économique. Nombre d'amis politiques de Berlusconi, pour
ne pas dire la majorité de son parti Forza Italia, sont sous le coup de procès
de ce type. Leur intérêt est d'en sortir blanchis et surtout de préserver leurs
intérêts privés. Pour ce faire, ils n'hésitent pas à recourir à leurs positions
et privilèges politiques. Si du côté de l'Union européenne ce genre de pratique ne semble pas susciter
d'indignation, une grande mobilisation se prépare pour la rentrée, quand la
loi «sauve-Berlusconi» sera en examen définitif devant les députés. 1 Rolf Uesseler vit et travaille
à Rome depuis plusieurs années. Il est l'auteur de «Nom de code: Mafia», publié
en 1994. · 2 Junge Welt, 5 août 2002 Le «Cavaliere» veut des tribunaux à sa botte