arch/ive/ief (2000 - 2005)

Une vie pour les enfants du Vietnam, l'exemple d'Ursula Nguyen
by Renate D'Hooker (posted by red kitten) Tuesday July 30, 2002 at 12:31 PM

Avant notre départ pour le Vietnam nous avions eu un premier contact avec Ursula Nguyen, une communiste allemande qui depuis 25 ans collabore avec les autorités vietnamiennes pour les victimes de l'Agent Orange. Dès notre arrivée à Nha Trang, où elle vit dans une maison toute simple, je lui rends immédiatement visite. (27-07-2002)

Elle est au téléphone quand j'arrive. Je l'entends discuter de façon convaincante, et quand elle raccroche, elle m'explique: « C'était le topmanager de Siemens au Vietnam. Je veux qu'il embauche 60 jeunes de 16 ans, qui sont légèrement handicapés par l'agent orange. Tous les patrons savent que je suis du parti communiste, mais ils ont tous peur de moi… »

Je comprends tout de suite qu'elle arrivera à faire embaucher ces jeunes. « Je ne peux pas accepter le moindre refus. Je pense tout le temps à mes enfants et je ne peux pas les laisser tomber. Pour eux, je me jetterais au feu. » En quelques minutes, elle règle pour nous une visite à l'hôpital de Nha Trang. Et le même soir, elle invite quelques membres de notre délégation pour un dîner au restaurant qui nous permettra d'avoir un entretien plus approfondi avec quelques médecins vietnamiens. « Ne vous faites aucun souci, l'argent pour le dîner ne vient pas de mes projets, c'est mon mari qui paye. Il dirige une entreprise au Vietnam. Il est l'un des capitalistes du Doi Moi! Mon job, c'est de veiller à ce que l'argent qu'il vole aux travailleurs revienne au peuple… (elle rit) »

« Une guerre contre les 2ème et 3ème générations de Vietnamiens »

A l'époque de la guerre du Vietnam, j'étais étudiante en pédagogie sociale à Berlin. C'est à l'unif que j'ai rencontré mon mari, un Vietnamien, et nous étions ensemble très actifs dans les manifestations contre la guerre du Vietnam. Dès la fin de la guerre, en 75, je suis venue au Vietnam pour voir de mes propres yeux les conséquences des cruautés de la guerre. Il y avait à ce moment au sud-Vietnam 1,5 millions de tués, soit 7,5% de la population.

Les soldats qui revenaient du front étaient très contents que la paix régnait enfin sur le Vietnam. Mais très vite ils ont commencé à montrer les premiers signes de contamination par l'agent orange: acné, problèmes immunitaires. Beaucoup d'entre eux, qui pensaient avoir survécu à la guerre, sont morts de cancers dans les années qui ont suivi.

Ensuite est arrivé le deuxième choc : ceux qui vivaient encore mettaient au monde des monstres sans yeux ou sans oreilles, avec le ventre ou le dos ouverts, qui ne pouvaient pas parler ou marcher. C'est là que c'est devenu clair : 80% des soldats qui s'étaient battus pendant la guerre étaient contaminés par l'agent orange. La dioxine s'installe dans la chaîne alimentaire, elle ne peut être détruite que par des températures très hautes, de plus de 800°C. C'est ainsi que les Etats-Unis mènent une guerre contre les 2ème et 3ème générations de Vietnamiens.

J'ai reçu une grande distinction pour mon mémoire sur l'agent orange, mais je trouvais que cela ne signifiait rien si ce mémoire atterrissait dans un tiroir. J'ai donc décidé de consacrer ma vie à la lutte contre la guerre et pour les victimes de la guerre du Vietnam.

« La guerre est toujours présente parmi nous »

Le travail médical était terriblement difficile juste après la guerre. Des millions de gens souffraient de la malaria, de maladies vénériennes, de la lèpre, de la tuberculose et de maladies mentales suite aux traumatismes de guerre. 600.000 orphelins traînaient dans les villes. Nous n'avions aucun moyen pour les aider : les Américains avaient pendant la guerre complètement détruit 250 hôpitaux, les canalisations d'eau avaient été bombardées, tous les ponts et lignes de chemin de fer étaient foutus. Il n'y avait plus de nourriture : des centaines de milliers d'hectares de rizières et de terres cultivables étaient détruits, un million de buffles avaient été tués, un million d'hectares étaient contaminés par la dioxine et impropres à la culture. 10 millions de paysans étaient sans abri et sans terre. Il n'y avait pas de médecins, et 8 millions de gens étaient analphabètes. Pendant 30 ans, le peuple vietnamien n'avait pensé qu'à sa survie et avait tout au plus reçu un entraînement militaire. Comment pouvaient-ils reconstruire leur pays ? C'était une des périodes les plus noires de l'histoire du Vietnam.

Maintenant, presque 30 ans plus tard, la guerre est toujours présente parmi nous et fait encore des victimes chaque jour. La grande majorité des problèmes de santé est directement ou indirectement liée aux conséquences de la guerre.

Chaque jour explosent encore au Vietnam des bombes et des mines qui datent de la guerre. Et chaque jour les hôpitaux reçoivent des enfants qui ont marché sur ces mines et sont diminués pour le reste de leur vie. Certains jours, leur nombre va jusqu'à 60 ! Depuis des années nous exigeons, inlassablement, des autorités américaines qu'elles nous donnent enfin les plans où sont indiqués les endroits où se trouvent ces mines, mais nous recevons chaque fois la même réponse : « nous ne les retrouvons plus …»
Dans les villages autour de Nha Trang vivent encore pour le moment 600 enfants handicapés par l'agent orange. Nous n'avons pas encore les moyens de les soigner tous suffisamment. Régulièrement je vais avec des médecins et des infirmières dans les régions les plus reculées pour visiter ces enfants dans leurs maisons. Nous faisons un inventaire des maladies, nous les traitons sur place ou nous les transférons à l'hôpital. Nous cherchons de l'arfent pour financer leurs opérations, pour acheter des appareils orthopédiques.

« Un cœur et une âme internationalistes »

Je vis et je travaille alternativement en Allemagne et au Vietnam. Le Vietnam est ma deuxième patrie, mais je suis en premier lieu une internationaliste. Quand les bombes tombent sur Bagdad, je suis irakienne, quand les tanks ravagent la Palestine, mon cœur saigne tout autant. Je suis membre du DKP et du parti communiste vietnamien. A cause de mon travail, il ne m'est pas toujours possible de suivre toutes les réunions du parti ici. Mais je travaille en étroite collaboration avec le responsable provincial du parti pour les soins de santé. Ils discute avec moi des plans quinquennaux et des objectifs du parti et nous regardons ensemble quels aspects je peux prendre sur moi, grâce à tous mes contacts.

« Un large front pour le Vietnam »

Un important projet des 5 dernières années était la construction et le financement d'un grand hôpital à Nha Trang. Nous avons terminé les travaux il y a deux ans. C'est le seul hôpital vraiment digne de ce nom dans la province, il compte 500 lits pour un million d'habitants. C'est totalement insuffisant, nous devons encore parfois mettre deux patients dans le même lit, mais c'est un grand pas en avant. Les dernières années, j'ai déjà pu envoyer 30 médecins compléter leur formation en Europe. Mais notre plus grande frustration reste le manque de médicaments et d'appareils de haute technologie.

Par exemple, nous n'avions pas de couveuse. J'ai contacté plusieurs patrons d'entreprises allemandes pour qu'ils nous en offrent, mais ils ne pouvaient nous présenter qu'une réduction de 5% sur le prix de vente… Une couveuse coûte entre 6.000 et 60.000 euros : trop cher pour nous. Mais je n'ai pas baissé les bras. J'ai rencontré des ouvriers et des techniciens d'une entreprise. Je les ai réunis, leur ai expliqué nos problèmes, et je suis arrivée à les convaincre de prendre congé et de venir en délégation au Vietnam. Maintenant, ces ouvriers nous livrent des couveuses. Chaque fois qu'ils vont installer une nouvelle couveuse dans un hôpital allemand, ils demandent s'ils peuvent emporter l'ancienne, ils la réparent et nous l'envoient. Ces ouvriers risquent leur job pour pouvoir sauver des enfants au Vietnam !

En Allemagne, nous avons créé un large comité de soutien : « Medizinische Hilfe für Vietnam ». Quand des médecins vietnamiens vont en Allemagne, ils logent chez des membres du comité. Nous vendons toutes sortes d'objets vietnamiens, organisons des concerts de soutien, etc… Nina Hagen, une artiste connue en Allemagne a chanté pour nous, a vendu des CD dédicacés dans les rues et sur les marchés pour le Vietnam.

Nous «pillons » les hôpitaux et entreprises allemandes pour fournir du matériel potable au Vietnam. Nous écrivons des lettres pour demander du matériel de seconde main. Nous collaborons avec tout le monde : l'église catholique, des écoles, des chanteurs et acteurs connus, des entreprises. Mêmes des femmes d'agents de police nous soutiennent et nous envoient de l'argent !

« Il faut d'abord mener campagne contre la guerre »

Si j'ai appris quelque chose pendant mes recherches sur les crimes de guerre des Américains, c'est bien ceci : les impérialistes américains n'ont absolument aucun scrupule. Nous devons arrêter de nous faire des illusions sur leur humanité. Aucun moyen n'est assez cruel pour eux pour détruire un peuple et un pays socialiste. J'ai les preuves que les Américains ont utilisé des fascistes allemands, qu'ils avaient recruté et protégés après la deuxième guerre mondiale, dans leur guerre contre le Vietnam. Ce sont ces fascistes allemands qui ont développé l'usage et l'application d'armes chimiques. Ils ont répété au Vietnam leurs « meilleures » expériences de la deuxième guerre mondiale. Par exemple, on a fait sauter toutes les digues du Vietnam. Ce qui inonde le pays et provoque une première vague de morts. Les récoltes sont perdues, ce qui est une deuxième catastrophe. Et enfin, à cause de l'eau stagnante, des épidémies éclatent partout, décimant lentement la population. C'est une tactique que les nazis avaient les premiers appliquée aux Pays-Bas. Elle a été perfectionnée par les Américains au Vietnam.

Sur base de tout ce que je sais à propos des Etats-Unis, je suis sûre qu'ils sont complices de ce qui s'est passé le 11 septembre. Ils sont naïfs, ceux qui pensent que les Américains n'iraient pas jusqu'à sacrifier leur propres citoyens pour pouvoir déclencher une guerre contre l'Afghanistan. Pendant la guerre du Vietnam, l'armée US envoyait les soldats noirs en éclaireurs dans les forêts défoliées pour tester les effets des armes chimiques. Ils utilisaient leur propre peuple comme cobayes vivants.

Les Américains sont les plus grands propriétaires d'armes chimiques dans le monde. L'Irak n'a pas 1% de ce qu'ils possèdent, et ils vont à nouveau engager ce genre d'armes contre des pays du tiers monde. C'est pourquoi la lutte contre la guerre et pour la dénonciation de l'impérialisme américain est maintenant la première tâche des jeunes en Europe.

« Tout est possible, il suffit de le vouloir, puis de le faire ».

Ensuite, il est absolument nécessaire de récolter du soutien concret pour nos enfants ici. Il y a tant de besoins : des appareils orthopédiques, des chaises roulantes, des béquilles, des lits orthopédiques,… Nous avons aussi besoin de médicaments et d'équipements médicaux. Vous pouvez proposer à des gens de parrainer un enfant victime de l'agent orange, de financer le coût de son traitement ou de sa rééducation…

Vous devez être créatifs, en parler à tout le monde, tous les moyens sont bons. Par exemple, si vous repartez tous avec une farde de cigarettes, et que vous les revendez chez vous au prix occidental, vous aurez déjà 1000 euros !
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